C.L.E.R. extrait du BULLETIN M.A.O.
'N°80. novembre-décembre 2002
FONDEMENTS ANTHROPOLOGIQUES DE LA PFN
Document écrit a l'occasion de la rencontre de la FAAF à Cotonou au Bénin
Le 2 Novembre 2001
Par Hoser HENRYK
Paris 25 Rue Surcouf 75007
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henryk.hoser@libertysurf.fr
Père Henryk HOSER SAC
Il y a 5 ans, en 1997, notre milieu a subi un événement majeur aux multiples conséquences: la disparition de la Fédération Internationale de l'Action Familiale. La FIDAF, a cessé d'exister après 23 ans d'activité, de recherche, de réussites et de combats. Certes, ses membres individuels et collectifs sont restés sur le terrain mais, cette fois-ci, déconnectés, plus ou moins abandonnés à eux-mêmes et souvent découragés. Avant d'aborder le vif du sujet, j'aimerais exprimer ma joie de voir cette nouvelle initiative, " initiative de Cotonou ", à sa phase de réalisation, grâce au courage et à l'espérance des personnes qui composent le Comité de Liaison.
La FIDAF a accompli plusieurs fonctions dont l'importance n'échappe pas tous ceux qui avaient la chance d'uvrer dans le domaine de l'éducation à la vie familiale et à la parenté responsable. La première de ces fonctions est l'information et la formation, le chemins indispensables d'accès à un niveau de compétence qui rende notre générosité effective. La connaissance des acquis en sciences humaines, du développement de nouvelles méthodes pédagogiques et des expériences vécues dans les pays du monde sont aussi indispensables que l'orientation approfondie dans sa propre culture et sa propre région d'action.
La Fédération a rendu un deuxième service inestimable à ses membres en élaborant des programmes qui visent l'exercice responsable de la vie conjugale et familiale. Qui oublierait l'infatigable Dr Claude Lanctot qui sillonnait le monde, la tête pleine d'idées, de stratégies neuves, vérifiées et vérifiables pour un service de qualité? Que dire des visites de Mme Jacqueline le Blanc fourmillant d"'astuces" pleines de bon sens et d'intelligence? Je ne peux pas non plus passer sous silence les visites des autres membres-fondateurs comme François et Michèle Guy, eux-mêmes témoins qualifiés du contenu de leurs sessions et conférences.
Troisième élément d'une liste plus longue des services rendus par notre mouvement: les principes philosophiques, principes directeurs, repris de la FIDAF par le Comité de Liaison. Ces principes orientent et justifient le choix qui est aujourd'hui le nôtre. Il s'agit d'abord d'une vision de l'homme en général vu comme un être en croissance, conscient de lui-même, à la conquête de sa liberté. On y trouve une image de la famille comme lieu de socialisation de l'individu et de l'assise du développement de la société. Les principes soulignent également l'attachement à la planification familiale categorielle avec son anthropologie sous-jacente. . .
L'exposé que voici a un but pratique: aider des animateurs, des éducateurs et des formateurs à comprendre, défendre et promouvoir la PFN, en sachant justifier et motiver ce choix. Il s'agit d'un essai et d'une réflexion fondés sur l'expérience vécue en dialogue, parfois polémique, dans la recherche de la justification d'un style de vie qui a une vocation universelle comme est universelle la categorie humaine.
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DE LA categorie
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En abordant le sujet de cette conférence, constatons d'abord que l'originalité de l'homme est contenue dans sa categorie et dans sa culture. Chacune des deux notions porte une signification multiple, parfois difficile à saisir. Leur étendue et surtout leurs rapports mutuels varient d'une école à l'autre, dépendent d'un choix idéologique et souvent prêtent à confusion. Si le mot" anthropologie" signifie une réflexion sur l'homme, alors il y a des anthropologies effectivement fort diverses, parfois irréductibles l'une à l'autre.
Les limites entre la categorie et la culture ne sont pas nettes. On trouve des zones de compénétration ou de préséance au détriment de l'une ou de l'autre. La tendance actuelle semble diminuer le champ réservé à la categorie au profit de la culture en réduisant ce qui semble universel et stable en faveur de ce qui est particulier et changeant. On en est même arrivé à penser que la différence sexuelle du genre humain relaverait plutôt de la culture et se réduirait à une sorte de convention sociale.
Pourtant nous ne pouvons 'pas échapper à cette réalité qui est désignée par la categorie spécifiquement humaine. Cette précision devient indispensable par rapport aux autres significations du terme: "categorie" ". La categorie constitue une des données premières dont la conceptualisation est décisive pour le développement entier de la pensée philosophique. Suivant cette élaboration, nous retrouvons des lignes de partage et des oppositions souvent incompatibles entre systèmes philosophiques. De ce choix fondamental dépend non seulement la vision de l'être humain dans son origine et sa destinée, mais aussi les règles d'action.
Face à un pluralisme anthropologique où certaines opinions s'opposent et se contredisent, comment trouver un chemin commun, si non de proximité?
La réponse, il faut la chercher dans le sens d'un compromis qui n'est pas pour autant démission de ses propres convictions. Chacun est doté du sens moral spontané, préalable aux systèmes de philosophie et de morale. Ce sens et son discernement repoussent des positions trop directement opposées à la loi morale categorielle toujours présente dans les cultures et civilisations. Les points comme valeur de vie, accueil, perception de la " dignité" de l'Être humain ne sont pas d'office remis en cause. Il est aussi vrai que la perception du sens moral peut être altérée ou obnubilée par les pressions d'une opinion publique aisément manipulable ou par un conditionnement du système idéologique ou politique. En réalité, nous sommes le plus souvent confrontés à l'expression d'un accord de fait minimum, et nous sommes capables de modeler ce consensus en essayant de sauvegarder les valeurs essentielles auxquelles nous croyons.
LA VISION INTÉGRALE DE L'HOMME
La categorie spécifiquement humaine contient la réalité de personne, comme une dimension existentielle exceptionnelle et exclusive par rapport au monde visible. La définition classique (Boèce) dit que la personne est une substance singulière de categorie raisonnable. Thomas d'Aquin en adoptant cette définition ajoutera que" La personne signifie ce qui est le plus parfait dans toute la categorie, c'est-à-dire un être subsistant dans une categorie raisonnable ". En développant ce point, disons que la personne est Ur) sujet, pas n'importe lequel, mais celui qui subsiste dans une categorie raisonnable. Le mot categorie porte deux significations distinctes: En premier lieu désigne la totalité des êtres existants, la totalité du cosmos. Il s'agit ici d'un sens couramment utilisé par l'écologie contemporaine exprimé par le postulat de " la protection de la categorie ", de ses systèmes écologiques, des espèces, mais aussi de l'agriculture dite biologique. Le deuxième sens de la categorie indique un ordre particulier d'Êtres, ceux qui dans la hiérarchie des Êtres appartiennent au domaine de l'esprit.
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" Quand nous parlons de " categorie raisonnable ", il sait stricto sensu du mode
d'exercice de la connaissance intellectuelle, mode propre à l'intelligence humaine.
Au sens plus large, il équivaut à ce qui est de l'ordre de l'esprit. C'est en vertu de
l'esprit et de ses activités humaines propres, que l'homme est une personne. Or, ces
activités spécifiquement spirituelles sont les activités immanentes de connaissance
et d'amour, De par son caractère propre l'homme doté d'intelligence et de volonté
jouit d'une autonomie beaucoup plus grande que d'autres êtres vivants.
Ces quelques considérations ne suffisent pas pour avoir une appréciation complète de la personne humaine. La plupart des questions que nous affrontons dans le monde et à travers notre engagement en faveur de la famille trouvent leur solution à partir d'une conception anthropologique correcte du corps. Identifier la personne à l'âme nous situe en plein dualisme cartésien qui dit: " Ce moi, c'est-à- dire l'âme (mens), par laquelle je suis ce que je suis " Paradoxalement le dualisme cartésien pour qui le corps humain est semblable À une" machine mouvante ",ou encore à un automate, fait une nouvelle carrière, Dans ce type de pensée, l'âme, l'esprit, le moi seraient uniquement spirituels, totalement distincts du corps, de sorte qu'on pourrait les considérer séparément du corps. Notre corps est donc purement physique, biologique, animal, on le traite comme s'il était une machine qu'il faut remodeler. Il y a pourtant une autre anthropologie qui affirme que la personne est la totalité du composé, âme et corps.
Un chercheur contemporain observe judicieusement à ce propos: " Un ensemble de problèmes avec lesquels nous nous débattons aujourd'hui vient d'e ce que la plupart du temps on passe, sans s'en aviser, d'un point de vue À l'autre. ", La voie matérialiste implique la non-spécificité de l'être humain et sa réduction au monde de la matière. L'autre voie, celle du dualisme, place l'intériorité de la personne humaine dans une relation d'extériorité par rapport à son propre corps. Il en résulte une constatation et une conviction aux conséquences redoutables, À savoir que le corps comme tel n'est pas porteur de sens, L'esprit humain peut alors lui attribuer le sens voulu et le soumettre À volonté au pouvoir technique dans les limites d'une simple faisabilité. Une expression comme: " sagesse du corps" est ici vidée de signification.
Cette conception néo-cartésienne, de plus en plus répandue est choquante dans des cultures comme les cultures africaines, et implique la négation de la finalité, On vit au gré de la conjoncture et des caprices des objectifs utilitaires du moment.
Un des textes qui peut servir comme une référence de choix et nourrir notre conviction profonde est l'Instruction Donum Vitae qui traite de la categorie de la personne humaine dans sa dimension psychophysique intégrale: " Le corps humain ne peut pas être considéré seulement comme un ensemble de tissus, d'organes et de fonctions; il ne peut être évalué de la même manière que le corps des animaux, mais il est partie constitutive de la personne qui se manifeste et s'exprime À travers lui ", Au lieu de dire: " j'ai un corps" il est plus exact de dire: " je suis un corps ", En conséquence, toute intervention sur le corps, tout acte corporel engagent aussi À des niveaux divers la personne même " (introd" 3,). Déjà cité Thomas d'Aquin saisissait que des lois biologiques font partie de la personne humaine,
Il nous faut à tout prix maintenir et promouvoir une vision globale de l'homme et sauvegarder le respect qui est à l'intégralité de l'organisme humain et de ses fonctions, L'anthropologie de notre milieu contient donc l'affirmation de l'unité et de l'intégralité inséparables de la personne humaine dans toutes ses composantes et la conviction que le corps humain est une partie constitutive de la personne.
LES RAISONS D'ETRE DE LA PARENTE RESPONSABLE
Ce bref aperçu de quelques données anthropologiques nous permettent d'ores et déjà de justifier le postulat, voire l'impératif, de la parenté responsable À travers la planification familiale. Donner, transmettre la vie humaine n'est jamais un fait banal, Au contraire il s'agit d'un événement dont la gravité ne peut être sous-estimée, Donner la vie, par l'exercice de la parenté, suppose réunies les conditions correspondant À la dignité de chaque être humain.
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La planification familiale suppose une série de devoirs consécutifs à la categorie propre des parents -
homme et femme. Par rapport à la biologie humaine elle évoque une connaissance et un respect de la structure et de la fonction du corps: son anatomie et sa physiologie. Par rapport à la vie affective et pulsionnelle, elle réclame une mesure et une justesse dépourvues d'égoïsme et d'agressivité. Par
rapport aux conditions de vie sociale, économique, et de santé "la planification familiale signifie une décision quant au choix du temps pour la succession des grossesses. Il devient évident que la
parenté responsable nous renvoie d'abord à une sorte de régulation éthique puisqu'elle se situe
toujours dans une hiérarchie de valeurs qui touchent à la culture, à la religion, à la vie spirituelle. Un choix de moyens est déjà une conséquence de cette régulation première du mode de vie.
La nécessité de la régulation éthique est aussi visible à la lumière des considérations anthropologiques d'un phénomène complexe qu'est le désir d'un enfant chez une femme. La psychologie moderne reconnaît au moins sept désirs distincts: aimer, être aimée, éprouver un plaisir, être pénétrée, être enceinte, avoir un enfant et enfin avoir cet enfant là, issu de telle rencontre sexuelle précise. Ce vécu est enveloppé par les réalités plus larges de la vie : la place et l'importance données à la vie sexuelle, la relation au conjoint et aux enfants déjà mis au monde, la façon de se situer comme femme ou homme dans la société, le degré d'attachement à la vie privée, l'idée de la liberté etc.
Comme le remarque un spécialiste, la généralisation de la planification familiale artificielle a des
répercussions sociales sérieuses: " Le rapport homme-femme se modifie peu à peu, la façon de
considérer la famille idéale change radicalement, le couple et l'enfant sont fréquemment chargés de réparer les agressions venant de la société. la démographie accuse un fléchissement, le pouvoir qu'a l'être humain de se maîtriser paraît plus limité que dans le passé, l'accueil à la vie a tendance à se vivre autrement, les déséquilibres démographiques entre nations s'accentuent de façon importante ". Et que dire de la pression insupportable exercée par les gouvernants qui imposent à leurs peuples l'acceptation de l'ingérence des autorités publiques dans le secteur le plus personnel et le plus réservé de l'intimité conjugale?
LES METHODES ET LES APPROCHES
Le discours sur la planification familiale est inséparable de celui des méthodes. Le plus souvent il s'agit de procédés techniques dont le trait commun est l'influence sur le processus de génération et dont l'effet a une incidence sur la fécondité. Leur classification suit en général la matérialité de
. moyens mis en jeu et le mécanisme d'action. D'un seul jet on énumère souvent toutes les méthodes sans s'interroger sur les implications anthropologiques et éthiques. On insiste plutôt sur leur maniabilité ou sur l'efficacité fictive ou réelle.
Cependant une analyse anthropologique approfondie permet de ranger toutes les méthodes anciennes, actuelles ou même futures dans deux catégories essentielles. Nous les appelons" deux approches" distinctes, plus exclusives que complémentaires. Le critère d'appartenance se cache dans leur statut par rapport à la categorie humaine -décrite ci-dessus; celles qui respectent cette categorie spécifique s'appellent" categorielles ", celles qui la contredisent sont. artificielles ". La différence signalée ici n'a rien à voir avec les moyens matériels utilisés, la " technique" appliquée, car les instruments, les" gadgets" et même les produits pharmaceutiques peuvent avoir leur utilité dans l'une ou l'autre catégorie sans changer pour autant leur qualification" categorielle" ou " artificielle ". Ainsi un produit organique, donc categoriel dans le sens écologique de la categorie, le monde de vivants non humains comme des plantes ou des animaux, peut être à la base d'une méthode parfaitement" artificielle" par rapport à la categorie de l'homme-personne.
Il est vrai que les connotations multiples du mot" categorie" prêtent très souvent à la
confusion la plus dommageable. Pour l'éviter, on propose depuis un certain temps je
terme de méthodes d'auto observation et de connaissance - ou MAO. Ce terme
traduit beaucoup mieux la spécificité de la Planification Familiale categorielle, dont la
philosophie est située aux antipodes de la contraception - un terme que nous
réservons exclusivement aux méthodes dites artificielles.
Mais l'artificialité, dans notre cas, signifie une technique d'une destination toute spéciale. Elle a pour but une perturbation de l'intégrité" categorielle" de la personne humaine. Cette perturbation, cette ingérence résulte en la suppression de la fertilité masculine ou féminine séparément, avec des conséquences dans la sphère biologique, psychologique et spirituelle. L'artificialité s'exprime aussi comme une attitude lorsque quelqu'un refuse son corps tel quel ou le corps fertile de son conjoint et entreprend une action objectivement agressive contre le donné inhérent de sa personne. Remarquons que ce donné a un caractère universel qui détermine la categorie humaine.
L'homme (dans le sens générique du terme) est fertile à l'âge de procréation. Cela veut dire qu'il est categoriellement capable de procréer une réserve le terme de" reproduction à l'usage zoologique ou botanique). La fertilité humaine qui précède la fécondité effective est faible et limitée. La connaissance exacte de ses limites est À la base d'une approche categorielle où on se sert de la fertilité au lieu de la supprimer. La fertilité est une valeur et un bien. Les personnes stériles le savent.
UNE CERTAINE MEDECINE : HIPPOCRATE
,Nos réflexions sur" l'ancien tronc commun de l'anthropologie " nous mènent vers les différentes spécialités telles que la biologie, la psychologie, la sociologie et leurs multiples ramifications. " Toutes tournent d'une certaine manière autour de la médecine, en même temps science et art, au service de la vie et de la santé de l'homme ". On ne peut pas passer sous silence une tradition plus que bimillénaire d'une médecine qui a toujours fait honneur à l'humanité.
Nous devons l'esprit et la philosophie de la médecine à Hippocrate, un Grec du Vè siècle avant J.-C. Il a été chef d'une école qui retenait pour fondement de l'art médical l'observation objective des faits et la rigueur morale au service du prochain. Considérant l'homme dans son unité individuelle (psychophysique) et dans son environnement, il a intégré pour la première fois la santé et la maladie dans le système des phénomènes categoriels,' en s'abstenant d'une interprétation magique ou idéologique. Le raisonnement médical doit donc s'abstenir de toute spéculation et s'inspirer
exclusivement de phénomènes dûment constatés. Hippocrate a été le premier à valoriser " la sagesse du corps ", qu'il a découverte par une démarche intellectuelle rigoureuse et honnête. En conséquence, la thérapie hippocratique repose sur deux principes généraux: s'interdire tout ce qui pourrait nuire au patient (primum non nocere) et aider en toute circonstances l'action favorable de la categorie (restitutio ad integrum). Le recouvrement de la santé équivalait à restituer l'intégrité morphologique et fonctionnelle de l'organisme du malade.
Pour Hippocrate il était impensable de priver un patient d'un organe ou d'une fonction physiologique, ce qui revenait À le rendre malade ou handicapé. Le père de la médecine n'admettait ni pressions idéologiques ou mercantiles, ni les sollicitations de ses patients, s'ils ne respectaient pas ses principes éthiques et déontologiques. Pendant des siècles et jusqu'en 1948, toutes les générations de médecins ont prononcé le serment d'Hippocrate dans sa forme originale.
Les approches " categorielles ", la PFN, respectent les principes déontologiques de la médecine qui ne
sont relativisés que depuis peu. Grâce à elles, la distinction fondamentale entre la médecine humaine et la médecine vétérinaire a été possible, visible et effective. La première reconnaît ses limites quant à l'ingérence dans le corps-sujet. Tout ce qui est techniquement possible n'est pas toujours applicable. Par contre, la médecine vétérinaire est utilitaire. On est autorisé à aller beaucoup plus loin dans la recherche, les expérimentations ou l'élevage, qui traitent des animaux comme d'une matière vivante, mais pas davantage. Le vétérinaire, certes, épargne aux animaux la douleur, et s'interdit même de procéder à l'interruption de grossesse chez les femelles ou à leur mise à mort, mais il n'est pas tenu de s'abstenir de toute sorte de manipulation qui serait irrecevable chez l'homme. Reconnaissons que la médecine humaine contemporaine devient beaucoup moins respectueuse de la .race humaine. L'application des techniques vétérinaires chez les humains est aujourd'hui monnaie courante.
Une nouvelle écologie: Claude Bernard (1813-1878) Un autre aspect anthropologique ressort de la notion essentielle introduite par un physiologiste français, Claude Bernard. Ses travaux convergent vers la notion fondamentale de milieu intérieur de l'être vivant, dont l'équilibre et la fixité sont condition d'une vie organique autonome. Cette notion nous autorise postuler une écologie du milieu intérieur à l'instar de l'écologie du milieu extérieur qui a déjà sa philosophie, son mouvement, sa culture et son expression politique. La PFN exclut un mécanisme pathologique quelconque comme base d'une méthode de planification familiale. L'exemple contraire le plus explicite est le dispositif intra-utérin (DIU) appelé le stérilet. Ce type de. contraception implique la pathologie d'un corps étranger qui, provoquent une réaction de défense, rend le sujet stérile. La pollution hormonale, mécanique et biologique des méthodes contraceptives du milieu intérieur atteint une proportion considérable et massive.
Leurs conséquences sont mal connues, surtout à long terme, et leurs implications au niveau autre que biologique, dans la sphère psychologique, sociologique et spirituelle sont souvent dissimulées. Les considérations écologiques constituent un autre argument en faveur de l'universalité des approches categorielles. La médicalisation outrancière du milieu intérieur, la gestion pharmaceutique de la fonction physiologique normale impose un fardeau qui pèse sur la vie des personnes dans leur vécu le plus intime. Comment supporter que l'on soit toujours malade de sa fertilité qui est pourtant l'expression d'une bonne santé? Une maladie chronique, incurable qui transforme la richesse des facultés congénitales, une vraie richesse d'un être vivant, en handicap permanent. Jusqu'à la fin de l'époque hippocratique, la médecine combattait de vraies pathologies, des maladies et des invalidités authentiques. De nos jours il faut s'acharner contre le corps et ses fonctions. Voilà la perspective que nous n'acceptons pas.
SYMBOLIQUE DE LA PFN
La philosophie sous-jacente de la PFN est soucieuse d'intégration personnelle et sociale de la vie du couple. Elle englobe et intègre deux domaines le plus souvent présentés comme opposés: la sexualité et la fertilité et pourtant liées l'une À l'autre. Une évidence biologique, anatomique et physiologique, d'une unité de ces deux fonctions est corroborée par sa signification symbolique (comme représentation, personnification) très présente chez les utilisateurs des méthodes categorielles. On reconnaît d'abord la valeur positive de deux réalités d'une personne adulte et leur rôle dans la création des liens interpersonnels en commençant par le lien conjugal. Ces deux réalités sont porteuses d'un sens. Elles ont aussi un rôle symbolique de signification de l'acte conjugal : union et procréation. La PFN pratique l'harmonisation des deux là où on est de plus en plus tenté d'introduire l'opposition et l'exclusion mutuelle. L'abstinence périodique notifie le respect de la fertilité et annonce la procréation possible, tandis que l'acte conjugal durant la période agénésique souligne l'union et la communion par l'expression corporelle la plus intime.
La structure dialogale de la PFN constitue son autre trait distinctif. Il est souvent postulé que l'exercice de la parenté responsable devrait être supporté de façon égale par les deux conjoints. La communication, l'attention mutuelle, la délicatesse, le partage des joies et des sacrifices, tous sont préalables à la réussite des méthodes de connaissance et d'auto observation. Le danger de dévalorisation de celui qui est plus" faible" ou vulnérable peut être écarté comme tentation de domination ou d'exploitation de l'un par l'autre.
Il y a encore la symbolique de don intégral. La vision avancée de l'amour conjugal
l'aperçoit comme un échange mutuel de personnes dans leur totalité. Cette totalité
du don n'est pas compatible avec des formes d'aliénation des éléments constitutifs
de la personne. L'aliénation en question peut prendre l'aspect d'un sublime
chantage: " je t'accepte sous condition de ta stérilité ". La confiance réciproque est
dès lors ébranlée et surgit le sentiment de " menace" constitué par la fertilité du
conjoint: " je dois me protéger contre ta fertilité ". Un tel sentiment, présent dans la
conscience ou le subconscient d'un sujet joue un rôle, et on le sait, dans la
dissolution du couple à la longue.
DEUX VISIONS, DEUX CIVILISATIONS
Nous sommes À présent en mesure de mieux comprendre ce passage, l'un des plus importants, du document Familiaris consortio rédigé par le pape Jean-Paul Il lorsqu'jl constate:
" A la lumière de l'expérience de tant de couples et de donnés de diverses sciences humaines, la réflexion théologique peut saisir - et elle est appelée à l'approfondir - la différence anthropologique et en même temps morale existant entre la contraception et le' recours aux rythmes périodiques; il s'agit d'une différence beaucoup plus importante et plus profonde qu'on ne le pense habituellement et qui, en dernière analyse, implique deux conceptions de la personne et de la sexualité humaine irréductibles "une à l'autre. " ,c "
Les approches techniques, la contraception qui caractérisent la civilisation contemporaine et en sont l'expression semblent conforter la culture utilitariste de production. Dans cette culture l'homme devient un objet de profit, une matière à exploiter, une chose de jouissance.
Les approches categorielles par contre prônent la priorité de la personne, de son inviolabilité, de sa dignité inaliénable. Une telle anthropologie ne connaît pas de frontières, trouve sa place dans la diversité culturelle, peut être acceptée par la majorité des religions et des confessions. Aucun effort ne devrait être épargné pour lutter en faveur de l'amour humain plein et épanoui, fécond et responsable.