. BULLETIN M.A.O No.67. décembre 1999.

MISE EN PLACE DES M.A.O : QUELQUES REPERES

PROPOSES PAR UN CATHOLIQUE A DES CATHOLIQUES (ET AUX AUTRES)

Les Utilisateurs des M.A.O. ne représentent aujourd'hui, en France et au niveau mondial, qu'une petite minorité de couples. C'est pour nous une leçon de réalisme et d'humilité! Nous sommes invités à reconnaître que nous n'avons pas, à nous seuls, la solution de tous les problèmes de fécondité. Mais ceci nous oblige, en même temps, à approfondir les raisons de notre propre choix, qu'elles soient d'ordre philosophique ou religieux: sans ce travail de réflexion, nous serons incapables d'expliquer pourquoi nous l'avons fait... et nous risquons d'abandonner à la première difficulté!

, Il ne s'agit pas d'ouvrir un débat d'idées: mais de nous interroger à partir des situations concrètes rencontrées (la nôtre, celles de notre entourage) C'est là une tentative qui peut paraître difficile, sinon impossible dans le contexte actuel,. Maurice CLAVEL écrivait, dans le Nouvel Observateur, le 5 août 1968, au lendemain de la publication d'Humanae Vitae et des réactions soulevées: - Nul n'est forcé d'être catholique (..) et nul n'a jamais dit qu'être chrétien fut une chose facile". Ceci est toujours vrai. Mais il est aussi vrai que l'on peut choisir ce mode de vie sans ~être catholique! je

précise toutefois que les textes proposés le sont à des catholiques, avec l'espoir qu'ils pourront intéresser aussi les autres.

Un texte romain précise bien le sens que nous souhaitons donner à notre démarche : La considération positive des valeurs que l'on doit découvrir et estimer précède la considération d'une règle qu'on ne doit pas violer". (Orientations Educatives sur l'amour humain. 1983, N°19)

l, QUELLES SONT CES VALEURS QUE L'ON DOIT DÉCOUVRIR ?

Notre action sur le terrain va nous apprendre à identifier deux domaines essentiels:

A. LE REGARD PORTE SUR UN ENFANT POSSIBLE.

a) ce que ,nous entendons:

- les demandes classiques et prévisibles: "nous ne voulons plus d'enfant (pour le moment ?) ou, nous voudrions un enfant et ne pouvons pas l'avoir".

- en fait, les choses ne sons pas aussi simples et nous pouvons tous citer des situations où le refus, en apparence assuré, d'une nouvelle grossesse s'accompagne de relations en période parfaitement reconnue, pourtant, comme fertile et le terme de "régulation des naissances. est souvent très mal perçu (en Afrique, par exemple).

b) Cela mériterait de plus longs développements. Mais retenons la complexité du problème et cette affirmation, en 1976, de Mme LAGROUA WEILL HALLE (fondatrice du Planning Familial) : "Le paradoxe en matière de contraception tient au fait que toute demande suppose la reconnaissance d'un enfant possible"..."Nous devons laisser s'exprimer l'ambivalence, vivre l'inconscient"... disait-elle encore.

Il nous faut surveiller notre vocabulaire, écarter des termes comme "'risque, danger", parler de l' enfant, plutôt que de la Vie qui reste un concept un peu intellectuel, montrer que, pour nous, la régulation des naissances n'est pas d'abord un graphique (ou une boîte de pilules) mais l'attitude face à un enfant,' souhaité ou non, considéré d'emblée comme une personne à part entière.

Il existe un Test simple: comment accueillons-nous l'annonce d'une grossesse non désirée, quelle tête faisons-nous l Soyons très prudents pour .manipuler le "Désir d'Enfant".

B. LA RELATION DE COUPLE.

Un terme volontairement très général , pour identifier ce second repère, dans le, choix des M.A.O

a) ce que nous entendons:

- la femme valorisée par sa grossesse et dévalorisée par son infertilité (hypofertilité, ménopause)

- aussi bien que la femme qui demande à être délivrée de "la hantise de la grossesse";

- la femme qui cherche à arrêter la pilule qui lui donne l'impression "d'être chosifiée".

- l'homme qui se juge non concerné ou qui est vu comme incapable de prendre ses responsabilités.

- mais, plus encore, et au delà de la seule fécondité, le type de relation, de communication, de tendresse dans le couple.

- la façon dont la femme vient seule et parle de son mari, ou; lorsque le couple est présent, la façon dont chacun exprime sa demande, devant l'autre. etc

b) il s'agit, pour nous, d'écouter la demande ("le dit") et ce qu'il y a peut-être derrière elle ("le non-dit") sans nous laisser aller, pour autant à des interprétations trop rapides..

- d'Être disponible pour accompagner, non seulement dans la lecture du graphique mais dans le choix d'un comportement (quelle est la place de la continence; comment est-elle vue ?).

- l'angle d'attaque fondamental n'est-il pas celui-ci: il est certes parfois nécessaire et souhaitable, pour la femme, de contrôler sa fécondité. Mais va-t-elle le faire en se protégeant contre la fertilité de l'homme (on est fertile chacun de son côté, on ne peut être fécond qu'à deux), ou avec l'aide de l'homme qui accepte les variations de la fertilité féminine?

- il faut inverser une attitude, assez fréquente: Si l'on admet volontiers que, pour faire un enfant, il faut la rencontre d'un homme et d'une femme (qui s'aiment?), l'opinion estime, le plus souvent, que, pour n'en pas avoir, il faut plutôt la rencontre d'un technicien (d'une technique: la pilule, etc) et d'une femme! La décision doit pourtant rester le problème du couple!

- Avoir comme premier objectif la participation de l'Homme à cette décision. Commencer par le croire capable de s'intéresser à la question, et l'inviter aux rendez-vous d'information, aux réunions d'échange sur la vie de couple, mais en sachant toutefois respecter .son absence: la femme, plus souvent qu'on ne le croit, peut faire évoluer son mari.

Ces deux domaines: l'enfant, la relation de couple, ne sont, somme toute, que l'expression dans la vie quotidienne des hommes, des femmes que nous rencontrons, des Trois Dimensions de la Sexualité humaine selon FREUD (plaisir, tendresse, et procréation), des DEUX SIGNIFICATIONS de l'acte conjugal, union et procréation, rappelés dans de nombreux textes de l'Eglise (Humanae Vitae N'12, Familiaris Consortio N832, etc). Nous en reparlerons.

2. QUELQUES REFERENCES

Ces références pourront contribuer à éclairer (pour les catholiques.. et les autres 1) ce que nous apporte l'écoute des couples. Il ne s'agit pas, pour nous de multiplier les citations, mais d'en rassembler quelques-unes, qui pourront constituer autant de têtes de chapitres possibles pour notre réflexion,

Il nous faudra parfois accepter une réalité: parmi les nombreux textes de l'Eglise que nous pouvons découvrir, il en est qui sont mal reçus, qui sont le point de départ de malentendus... Ce peut être simplement une question de vocabulaire, un problème de communication: "Si nous voulons être entendus, disait Mgr.Jacques JULLlEN, Archevêque de Rennes, il faut apprendre à parler autrement". Mais n'oublions pas cependant, que l'Eglise c'est aussi chacun de nous et que, si tel enseignement est discuté, c'est parce que nous ne sommes pas nous-mêmes au clair dans ce domaine. Mais, à travers ces textes, apparaissent le plus souvent la Cohérence et la Continuité de l'enseignement d'une Eglise à qui nous demandons de se montrer à la fois Educatrice et Mère. Jean-Paul Il invitait

le C.L.E.R "à découvrir et à faire découvrir le caractère humain, positif, de l'enseignement de l'Eglise"(10.11.89)

A. EDUCATRICE.

L'Eglise doit dire la Loi, certes, mais nous en expliquer le contenu. Nous pouvons, par exemple, redécouvrir avec son aide:

- le vrai sens du CORPS: "Il révèle l'homme, il exprime la personne, il est le premier message de Dieu à l'homme lui-même '" (Or.Educatives 22) : à chacun de nous de trouver les ouvrages et les textes pour éclairer cette proposition. Mais sachons que Iorsqu'elle exige le respect du corps de l'homme et de la femme, l'Eglise'a non pas du retard, mais de l'avance sur notre temps. (Cardinal LUSTIGER Oser Vivre).

- le sens de la SEXUALITE qui est.. "une richesse de toute la personne (corps, sentiment, âme) et manifeste sa signification intime en portant la personne au don de soi dans l'amour" (Familiaris Consortio 37) ou encore une composante fondamentale de la personnalité, une de ses façons d'exister, de se manifester, de communiquer avec les autres, de ressentir, d'exprimer et de vivre l'amour humain" (Or .Educat.1983.N8 4) . Xavier THEVENOT souligne un autre aspect essentiel de la sexualité en la définissant comme : "Ce qui nous différencie et nous attire: parler de sexualité, c'est toujours parler de différence, de manque, de non-plénitude".

- L'UNITE de la PERSONNE et le "vrai sens de la Loi categorielle", qui se réfère à la categorie propre et originale de l'homme, qui est la personne elle-même dans l'unité de l'âme et du corps, dans l'unité de ses inclinations d'ordre spirituel ou biologique (...). Elle exprime les droits et les devoirs qui se fondent sur la categorie corporelle et spirituelle de la personne humaine et ne peut être conçue comme normativité simplement biologique. (Veritatis Splendor.N°SO).

"Le choix des rythmes categoriels comporte l'acceptation du temps de la personne, ici du cycle féminin, et aussi l'acceptation du dialogue, du respect réciproque, de la responsabilité commune, de la maîtrise de soi. Accueillir le temps et le dialogue signifie reconnaître le caractère à la fois spirituel et corporel de la communion conjugale." (Familiaris Consortio 32).

"Une Méthode categorielle, ajoute jean-Paul Il (7.11.84) est categorielle au niveau de la personne. On ne saurait donc penser seulement à une application mécanique des lois biologiques. La connaissance des rythmes de fécondité - même si elle est indispensable - ne crée pas encore cette liberté intérieure du don qui est de categorie explicitement spirituelle et dépend du degré de maturité intérieure de l'homme, Cette liberté suppose la faculté de diriger les réactions sensuelles et émotives de J'homme de telle façon qu'elle rende possible la donation de soi à l'autre".

Charles PEGUY traduisait: le corps et l'âme sont comme deux mains jointes (..) et l'un et l'autre ensemble ils entreront ensemble dans la vie éternelle (..) ou tous les deux ensemble, ils retomberont. comme deux poignets liés pour une captivité éternelle.

- les "DEUX SIGNIFICATIONS inséparables" de la relation sexuelle, union et don de la vie sont surtout présentées dans l'Exhortation Apostolique Familiaris Consortio (1981) qui, après avoir rappelé que Paul VI (Humanae Vitae N°7) a affirmé que la doctrine de l'Eglise est fondée sur ce lien indissoluble entre union et procréation" précise, dans un texte essentiel qu'il faut connaître dans sa totalité: "lorsque les époux, en recourant à la contraception, séparent ces deux significations (...) ils manipulent la sexualité humaine et, avec elle, leur propre personne et celle du conjoint, en altérant la valeur de leur donation totale, (...) Il en découle non seulement le refus positif de l'ouverture à la vie, mais aussi une falsification de la vérité intérieure de l'amour conjugal, appelé à être un don de la personne toute entière (.,) En revanche, lorsque les époux, en observant le recours à des périodes infécondes, respectent le lien indissoluble entre les aspects d'union et de procréation de

la sexualité humaine, (..) ils usent de la sexualité selon le dynamisme de la donation totale sans manipulation ni altération, A la lumière de l'expérience de tant de couples et des données des diverses sciences humaines, la réflexion théologique peut saisir - et elle est aussi appelée à approfondir - la différence anthropologique et en même temps morale existant entre la contraception et le recours aux rythmes périodiques; il s'agit là d'une différence beaucoup plus importante et plus profonde qu'on ne le pense habituellement et qui, en dernière analyse, implique deux conceptions de la personne et de la sexualité humaine irréductibles l'une à l'autre" (F.C.32).

L'importance de cette double signification de la sexualité humaine est soulignée dans de nombreux textes : à commencer, peut-être, par les deux récits de la Genèse où le premier (Gn.1,27-28) est axé sur la fécondité, le second (Gn,2, 18-24) sur l'union homme-femme. Et il est intéressant de noter l'évolution des termes utilisés par le Droit Canonique lui-même qui, en 1917, précisait que ... la fin première du mariage est la procréation et l'éducation des enfants, la fin secondaire est l'aide mutuelle et le remède à la concupiscence (canon 1013)" alors que, en 1983, il définit le mariage comme une alliance par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère categoriel au bien des conjoints ainsi qu'à la génération et à l'éducation des enfants (Canon 1055)"..

Paul RICOEUR, évoquant la vie du couple en des termes comparables, exprimait son inquiétude de voir la contraception "précipiter la sexualité dans l'insignifiance (Esprit .nov.1960) .

- L'Eglise a pour mission de nous aider à découvrir le BIEN FONDE de la loi. Elle place des

jalons sur notre chemin: à nous de les identifier, de les faire découvrir à notre tour, de les révéler, de les retransmettre : "Cet enseignement que vous faites résonner à leurs oreilles est déjà inscrit dans leurs coeurs. L'homme et la femme doivent être aidés à lire en profondeur cette écriture dans leur coeur." (Jean-Paul Il, 1 er mars 1984)

Chacun de nous peut constater ainsi la continuité d'un enseignement, à travers la succession des documents dont quelques-uns lui deviendront familiers. Certains d'entre eux sont cités dans cette Note, d'autres le sont dans les éléments de bibliographie présentés en Annexe.

B. MERE.

L'Eglise, au nom du Seigneur, comprend nos difficultés et se propose de nous accompagner dans nos efforts pour les vaincre. St François de Sales résumait ainsi la situation: "Dieu veut que nous soyons parfaits. Mais Il sait que nous ne pouvons pas facilement devenir parfaits. Il attend de nous que nous nous reconnaissions imparfaits et pécheurs et que nous ayons le désir d'en sortir. Il nous aide si nous le voulons et si nous le lui demandons".

Les textes sont nombreux qui peuvent nous aider et constituer pour nous autant de points de repères dont Paul VI fixe, cependant, clairement les limites: "S'iI est parfoils licite de tolérer un moindre mal moral afin d'éviter un mal pus grand ou de promouvoir un bien plus grand, il n'est pas permis, même pour de très graves raisons, de faire le mal afin qu'il en résulte un bien". (Humanae Vitae .14)

Ces orientations pédagogiques semblent se faire dans deux directions:

1. autour de la notion de CHEMINEMENT.

- L'épiscopat français parmi les premiers, commentant Humanae Vitae, remarque: "C'est à un cheminement que provoque l'Encyclique, l'homme ne s'avance que patiemment, par échecs et reprises sur la route de la sainteté (..).L'essentiel est que, malgré cette ambiguïté, progresse le sens de la vie et de l'amour, dans une fidélité loyale à la vérité" (novembre 1968).

- Dans son discours aux Equipes Notre-Dame, Paul VI parle du "cheminement dans l'amour" et "invite à ne pas se décourager à l'heure des défaillances" (4 mai 1970. N813).

- Pour Familiaris Consortio, "un cheminement pédagogique de croissance est nécessaire" (..) dans un perspective de "conversion continuelle, permanente" (..) pour permettre l'intégration progressive des dons de Dieu et des exigences de son amour", (FC.9.).

- Le même texte ajoute: "En tant que mère, l'Eglise serait proche de tant de couples en difficulté sur ce point important de la vie morale (..): elle sait que de nombreux conjoints rencontrent de telles difficultés tant pour Ia pratique concrète que pour la compréhension des valeurs comprises dans la norme morale" (F.C. 33).

- Il est souvent question de .Loi de Gradualité" qui n'est pas, est-il ajouté, "Ia gradualité de la Loi". Ce qui traduit, en d'autres termes, ce cheminement progressif (en tant que démarche pédagogique), vers un objectif immuable (la loi). Alain YOU donne l'exemple de cet enfant à qui sa mère à confié une pile d'assiettes qu'il va laisser tomber! L'objectif (la Loi) était qu'il ne les casse pas; La démarche graduelle aurait été que sa mère l'aideà les porter ou ne lui en confie pas plus qu'il ne pouvait alors en porter.

- La LETTRE DES EVÊQUES AUX CATHOLIQUES DE FRANCE. Proposer la Foi dans la Société aujourd'hui, précise à son tour: "On peut présenter les exigences de l'Evangile au sujet du mariage comme un chemin praticable pour édifier une vie de couple et de famille. Un chemin praticable, c'est-à-dire un chemin sur lequel les époux ne sont pas laissés seuls mais appelés à comprendre eux-mêmes, avec le soutien d'un groupe ,ou d'une communauté chrétienne, que la Parole du Christ au sujet de l'amour humain répond à ce qu'il y a de plus profond et même de plus fragile en eux".

- Le VADE-MECUM POUR LES CONFESSEURS, du Conseil Pontifical pour la Famille (1.3.97) résume a question en disant: "la loi de gradualité pastorale (..) consiste à chercher une rupture définitive avec le péché et un cheminement progressif vers l'union totale à la volonté de Dieu". (3.9).

Ce texte ouvre une porte sur le Pardon du Seigneur en proposant des orientations qui ont été souvent citées, hors de leur contexte, malheureusement et qui auraient besoin d'être expliquées davantage, sans doute au peuple chrétien: "la récidive dans les péchés de contraception n'est pas en elle-même un motif pour ne pas donner l'absolution. On ne peut refuser l'absolution que s'il manque une contrition suffisante ou la résolution de ne pas retomber dans le péché (3.5)... "Sur le plan de la chasteté conjugale, il est préférable de laisser les pénitents dans leur bonne foi pour les cas où l'erreur est due à une ignorance subjectivement invincible, quand on prévoit que le pénitent même s'il entend vivre sa foi, ne changerait pas sa conduite et en viendrait même à pécher formellement" (3.5.3 et 3.8).

Au delà de telles consignes qui, en elles-mêmes, n'ont peut-être rien de très nouveau et ne justifient pas les réactions des médias ("la contraception rayée des péchés"), ce texte invite avec insistance les prêtres à prêcher le Salut et non la condamnation, à adopter une attitude faite de prudence et de discrétion.

- mais notre réflexion sur le Pardon, sur la Patience et la Miséricorde de Dieu doit s'appuyer davantage sur l'Ecriture, avec, par exemple, le texte sur le Fils Retrouvé (Luc, 15,11-32) ou celui sur la Femme Adultère (Jean, 8, 3-11 )...

2. Autour de la notion de CONSCIENCE, de LIBERTE.

Nous avons besoin, là plus encore, de quelques repères pour notre réflexion:

- Le Cardinal NEWMAN, cité par Alain YOU, constatait, en 1874, que pour beaucoup, le terme de conscience a perdu sa signification ancienne. Elle est devenue le droit d'agir selon sa volonté propre, de ne demander l'avis de personne. La liberté de conscience ne sert qu'à dispenser de la conscience , (..) La conscience était autrefois une conseillère sévère. A notre siècle, elle est le droit d'en faire à son gré". Alors que, au contraire (pour le Cardinal NEWMAN), la conscience est un principe enraciné en nous, comme le témoin intérieur à nous-même de l'existence de Dieu et de sa loi. Elle est la "Voix de Dieu", mais entendue et comprise avec l'aide de l'Eglise dont le rôle est précisément de former les consciences.

Concrètement, résume Alain YOU, "si avant de prendre ma décision "en conscience" je ne fais pas l'effort de m'informer loyalement (..) je ne peux appeler en toute sécurité "voix de Dieu" mon inspiration intérieure. Si, après avoir essayé de comprendre le discours du magistère, il m'a semblé que, vu les circonstances, Dieu me demandait un autre comportement que le cas général, je dois suivre ma conscience. Mais si, en même temps, je ne me remets pas régulièrement en question pour vérifier si les circonstances m'excusent encore, ma conscience ne peut être appelée avec sécurité "voix de Dieu", elle perd immédiatement sa souveraineté".

- Le Dossier de la Pastorale des Divorcés Remariés (1980) proposait ce résumé: "Si, au terme d'un discernement soigneusement vérifié, nous sommes convaincus de devoir enfreindre la loi, ce ne peut jamais être comme une affirmation personnelle que nous en sommes affranchis, mais bien davantage comme la constatation que nous ne sommes pas encore capables de l'intérioriser comme une norme d'amour".

- Veritatis Splendor ajoute : "Reprenant les paroles de Siracide (1 5,14), le Concile Vatican II explique ainsi la vraie Liberté qui est, en l'homme, un signe privilégié de l'image divine. Dieu a voulu laisser l'homme à son Conseil, pour qu'il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant pleinement à lui, s'achever ainsi dans une bienheureuse plénitude" (38)..

- Xavier THEVENOT rappelle que, "selon le Magistère, les méthodes categorielles sont celles qui ont le plus de chances d'être humanisantes", qu'elles sont présentées comme une "norme" pour l'exercice de la sexualité (H.V.34), une norme ayant pour fonction de "désigner le chemin le plus habituel d' humanisation". Les normes cependant ne sont pas toujours applicables et, ajoute Xavier THEVENOT, .si au terme d'une réflexion commune menée avec tout le soin que requiert la grandeur de leur vocation conjugale " les époux se déterminent pour un autre type de méthode, ils garderont leur coeur disponible à l'appel de Dieu qui remettrait en cause leur comportement d'aujourd'hui".

- Pour RESUMER cet essai de présentation de quelques textes sur la Gradualité, la Liberté et la Conscience, il faut retenir que la Loi de Gradualité n'est pas un principe moral, mais un principe pédagogique et parler de CHEMINEMENT DE CONVERSION avec ses trois éléments :

- une Norme, loi écrite fixe (le lien entre les deux significations de la sexualité, par exemple) - une Conscience éclairée qui oriente vers le bien, avec l'aide du Seigneur, dans cette

perspective de conversion permanente.

- un Cheminement qui sait s'appuyer sur les moyens nécessaires, accepte les difficultés, les faux pas, avec humilité "qui est une sereine acceptation du rée! " (X. THEVENOT).

CONCLUSION

Le choix des M.A.C et l'adhésion au mode de vie qu'elles supposent ou qu'elles entrainent demande une claire identification des enjeux et l'acceptation des difficultés possibles, qu'elles soient d'ordre biologique, psychologique ou spirituel, qu'elles ne concernent que l'un des conjoints ou le couple.

Chacun doit donc définir, pour lui-même, ce qui, à ses yeux, semble constituer l'originalité propre de cette démarche, ses avantages et les questions qu'elle peut poser .Nous avons, à plusieurs reprises et dans des cadres très variés, essayé de le résumer:

1. C'est une Promotion par la connaissance des mécanismes biologiques et psychologiques de la fécondité, connaissance utilisée ensuite ou non, pour arrêter, espacer ou favoriser les naissances.

2. C'est une démarche qui tient compte également des trois acteurs de la fécondité: l'Enfant, la Mère, le Père.

3. C'est une démarche qui suppose le libre choix du couple et permet son autonomie.

4. C'est un mode de vie qui amène à rechercher le sens de Ia sexualité, de la continence, à développer le dialogue et la tendresse.

5. C'est une information, une éducation qui peut se transmettre aux couples comme aux jeunes qui se préparent à vivre leur vie d'adultes.

6. C'est une démarche qui, pour réussir, demande du temps et de la patience.

7. C'est une démarche qui intéresse croyants et non croyants. Mais la Foi donne au croyant un éclairage supplémentaire sur sa vie de couple et le fortifie dans son choix.

"Le succès de votre travail, écrivait un jour le Cardinal GAGNON , Président du Conseil Pontifical pour la Famille, à la FIDAF (Fédération Internationale d'Action Familiale) dépend de votre capacité à mettre clairement en évidence la spécificité des méthodes categorielles. Le véritable pluralisme dans la société est celui qui accueille volontiers la contribution originale et, quand c'est nécessaire, indépendante, de toutes les associations" (juillet 1986).

Et, pour conclure, peut-être, ce conseil de St Paul: " Que le mari rende à sa femme ce qu'il lui doit et que la femme agisse de même envers son mari. Ce n'est pas la femme qui dispose de son corps, c'est son mari. De même, ce n'est pas le mari qui dispose de son corps, mais sa femme. Ne vous refusez pas l'un à l'autre , si ce n'est d'un commun accord, pour un temps, afin de vous consacrer à la prière: puis, reprenez la vie commune, de peur que Satan n'en profite pour vous tenter". (l.Cor. 7,3-5).

François GUY



DEUX TEXTES de provenances très différentes (mais sans référence chrétienne) se sont révélés très proches des'différents documents cités dans les pages précédentes:

1. Pour Pierre PRADERVAND, sociologue canadien, "II existe deux grandes tendances pour les spécialistes de planification familiale: les uns voient l'adoption de la contraception avant tout comme un lent et patient processus d'éducation où l'individu apprend à comprendre le processus de la reproduction et à établir des plans pour l'avenir: la composante pédagogique en est l'aspect fondamental. Pour la deuxième école, le perfectionnement des techniques contraceptives passe avant toute chose et doit même permettre de faire l'économie de la démarche pédagogique jugée elle-même trop lente et trop difficile.

Ces deux visions découlent de deux visions différentes du processus de développement, voire de l' homme même" (Développement et Civilisation, mars-juin 1972).

2. Pour Edmonde MORIN : "Quand elle est pratiquée avec une forte motivation, l'abstinence n'est pas un motif de détresse, de misère morale. C'est un temps du corps. Chaque mois est reconduit le choix de procréer ou non, sans faire violence à l'organisme. Le corps ne doit pas être constamment à la disposition du désir sexuel. La fécondité aussi doit avoir sa place. Le choix est précisément celui-ci: faire alterner les moments du corps ou le soumettre tout entier à une pulsion unique: sexualité et sexualité ou sexualité et fécondité (La rouge différence. Seuil 1982)

ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

(documents consultés)

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- COLLECTIF: Couples d'aujourd'hui: réflexions protestantes (les Bergers et les Mages 1983)

- CONGRÉGATION POUR L'EDUCATION CATHOLIQUE: Orientations Educatives sur l'Amour Humain (1 er novembre 1983).

- CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI. Instruction "Donum Vitae" sur le respect de la Vie Humaine (22 février 1987).

- CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE. Vade-Mecum sur certains sujets de morale liés à la vie conjugale. 2 mars 1997 (Doc.Cath. 6 avril 1997).

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