NUTRITION ET FERTILITE

MILAN 2015

 

On peut se poser la question : y a-t-il un lien entre la nutrition et la fertilité ? Notre façon de nous alimenter aurait-elle une influence sur nos capacités à transmettre la vie ? C’est à cette question que nous allons tenter d’apporter une réponse.

Actuellement, on constate fréquemment la présence de déséquilibres nutritionnels et de déficit micro-nutritionnels tant chez la femme  que chez l’homme. On peut le remarquer facilement devant une recrudescence d’obésité ou de diabète par exemple. Et par ailleurs, nous assistons à une augmentation de couples infertiles. En fait, ces déséquilibres nous touchent tous de près ou de loin et nous affectent à travers tout ce qui a trait à la façon de nous alimenter quotidiennement.

De quoi parle-t-on ? Je vais reprendre rapidement quelques bases de physiologie en nutrition.

Tout d’abord, l’apport nutritionnel concerne les macro-nutriments que l’on classe en trois familles que vous connaissez tous, celle des glucides ou sucres, des protides et des lipides ou graisses, qui participent à notre constitution et apportent les calories et donc l’énergie dont nous avons besoin. Et chacune de ces familles comporte des sous groupes. Les glucides comprennent les sucres simples d’absorption rapide que l’on retrouve dans les sucreries, les gâteaux, les jus de fruits, le pain blanc, le sucre du lait qu’on appelle le lactose, mais aussi une très grande catégorie d’aliments complexes, d’absorption plus lente tels le pain complet et toutes les céréales, mais aussi les légumineuses et la plupart des végétaux. Les protides ont deux origines, animales dans les viandes, le lait, les œufs et le poisson, mais aussi végétales moins connues, dans les céréales et les légumineuses. Enfin les lipides d’origine animale (comme dans le beurre et la viande) ou végétale comme dans les huiles. Il existe un déséquilibre nutritionnel quand l’apport en quantité est excessif ou insuffisant (à l’origine de surpoids et d’obésité ou à l’inverse de maigreur pathologique) et quand la répartition entre ces trois familles ou à l’intérieur de chacune d’elle est inadéquate comme par exemple l’excès de sucres raffinés ou de graisses animales.

Voyons maintenant ce qu’on appelle les micro-nutriments. Ce sont des nutriments apportés par l’alimentation en petite quantité mais dont le rôle est essentiel au bon fonctionnement de notre organisme. Ce sont principalement les vitamines et les minéraux (comme le fer, le magnésium ou le zinc). On retrouve ces micronutriments dans nos aliments dont on peut définir leur densité micro -nutritionnelle suivant la quantité de micro-nutriments qu’ils contiennent. C’est ainsi que l’on trouve des aliments exempts de micro-nutriments que l’on appelle des « calories vides » comme par exemple le sucre raffiné ou le pain blanc. A l’inverse, les céréales complètes, les légumineuses, les végétaux ont une forte densité micro-nutritionnelle. Cela dépend de leur qualité de fabrication et de leur degré de transformation ensuite. Par exemple, une cuisson longue ou à haute température fait perdre une  bonne partie des vitamines que cet aliment contenait. C’est ainsi que des déficits voire des carences s’installent progressivement altérant nos divers métabolismes de façon sournoise et responsable à la longue de maux trop courants comme la fatigue ou des infections à répétition mais pouvant aller jusqu’à des maladies plus graves comme les cancers ou les maladies auto-immunes. Ces troubles sont en réalité multifactoriels; ils sont la conséquence de modifications de notre société touchant en particulier notre comportement alimentaire telles la préparation et la constitution des repas, mais aussi la qualité nutritionnelle des aliments qui nous sont proposés sur le marché, dont la variété et la teneur en micronutriments ne cessent de baisser  ces dernières années, suite aux modes intensifs de culture et d’élevage. Les sols sont en effet appauvris en minéraux en même temps que les cultures sont arrosées de pesticides, tandis que la nourriture donnée au bétail ne ressemble plus à la bonne herbe grasse des prés des siècles précédents.

Il en résulte que ces déficits nutritionnels et micro nutritionnels vont toucher l’homme et la femme en âge de procréer et avoir des conséquences non négligeables. Influence sur la fertilité, c'est-à-dire sur la possibilité de concevoir, et influence sur le bon développement embryonnaire et fœtale. J’aborderai chacun de ces deux points.

1° Influence sur la fertilité

Nous sommes réunis ici dans le cadre de l’accompagnement des couples dans la gestion de leur fertilité et nous travaillons à partir de leur observation sur des courbes de température et de glaire que vous connaissez bien. J’ai eu l’occasion d’examiner un certain nombre de courbes et j’ai été frappée de constater que certaines, présentant des difficultés de lecture et d’interprétation, pouvaient dans certains cas être modifiées et rendues plus, voire parfaitement lisibles par le seul fait d’une modification du mode alimentaire.

Je commencerai par l’observation de la glaire: en tout premier lieu, il convient de vérifier les boissons qui apportent de l’eau et certains minéraux, permettant à l’organisme de bien fonctionner en particulier en facilitant les sécrétions. Or, vous savez tous que la glaire est composée majoritairement d’eau et qu’il importe que la femme boive suffisamment dans la journée à raison de 1,5 l / j environ (et plus l’été ou si activité physique) pour avoir une bonne sécrétion de glaire. Celle-ci est d’abord un facteur de fertilité avec son rôle indispensable à la survie des spermatozoïdes ; elle est aussi ce signe que la femme va guetter pour lui signifier son  entrée en période fertile et qu’elle saura ainsi mieux reconnaître. A noter qu’il s’agit de boire de l’eau pure (ou tisanes) et non pas des jus de fruit ou des boissons gazeuses comme on le rencontre parfois. La qualité de la glaire est également en étroite relation avec l’ingestion de certains aliments. C’est ainsi que j’ai pu constater une nette amélioration en faisant supprimer les produits laitiers, c'est-à-dire le lait et les fromages, ainsi qu’en adoptant une alimentation saine (comprenant en particulier la suppression des sucres et produits raffinés). Toutes les fois où la femme a accepté de modifier son alimentation dans ce sens, elle a rapidement constaté une amélioration de la qualité de sa glaire; et en conséquence immédiate, son observation devenait beaucoup plus lisible.

Parallèlement, la courbe de température s’est elle aussi modifiée devenant plus régulière et plus facilement interprétable. Pourquoi le lait serait-il incriminé, me direz-vous ? En raison de plusieurs mécanismes qui reposent entre autre sur la disparition à l’âge adulte de l’enzyme nécessaire pour la digestion du lait (la lactase est absente chez près de la moitié des adultes en France) ainsi que sur la qualité du lait qui a bien changé suite aux modes d’élevage et de production industriels (que nous avons vus plus haut). Effectivement en absence de lactase, le lactose (le sucre du lait) n’est pas digéré et comme tout sucre dans un milieu chaud et humide comme l’est l’intestin, va fermenter en libérant des gaz, source de ballonnements. Cette fermentation va à la longue altérer la paroi de l’intestin, la rendant perméable à certaines substances toxiques qui ne devraient pas être absorbées et qui se retrouvent donc dans le sang, allant encrasser l’organisme, ce qui aura pour conséquence d’altérer ses performances dans un premier temps et à la longue d’être pourvoyeur de pathologies chroniques plus graves. Des intolérances alimentaires peuvent également être en cause comme celle du gluten par ex, avec les mêmes conséquences mais non étudiées ici.

1° ex de courbe: courbe de suppression des laitages

2° ex de courbe: carence micro-nutritionnelle ;

il s’agit d’une jeune-femme de 31 ans, mère de deux enfants en 3 ans et allaités chacun pendant une durée de 6 à 9 mois; elle présente des cycles irréguliers allant de 26 à 45 jours, une ovulation tardive et un corps jaune de mauvaise qualité de courte durée. Elle est très fidèle à l’observation qu’elle note bien mais se désole de l’état de ses cycles. Elle souhaite par ailleurs une nouvelle grossesse et finit par être enceinte spontanément après un an d’attente. Malheureusement, sa grossesse se termine rapidement par une FCS. Déjà, on peut remarquer que l’ensemble de ces symptômes avec ces cycles irréguliers, une mauvaise ovulation, la survenue d’une grossesse au bout d’un an, et pour finir, cette FCS, traduit un déséquilibre de son métabolisme. Ces grossesses rapprochées et ces allaitements prolongés ont fini par épuiser les réserves de la patiente. Les dosages confirment l’état de carence en particulier en fer, vitamine D, folates et en magnésium, qu’une prise en charge adaptée, accompagnée d’un rééquilibrage alimentaire avec éviction des laitages permettra de corriger en quelques mois. La patiente a pu constater parallèlement la régularisation de sa courbe qui deviendra très lisible et elle a pu être rapidement enceinte et mener tranquillement sa grossesse à terme.

Le but de rendre une courbe plus lisible facilite l’interprétation et rassure la femme en lui permettant de repérer plus facilement ses périodes fertiles et infertiles. Cela contribue à la tranquilliser et à permettre une meilleure harmonie au sein de son couple. Ce résultat est aussi le reflet d’une meilleure orchestration de ce formidable processus cyclique qu’est l’ovulation, et permet, grâce à la restauration de son bon fonctionnement une meilleure fertilité et une plus grande chance de concevoir facilement pour les couples qui le souhaitent.

Ces exemples sont des observations personnelles sur un petit nombre de patientes; je dois préciser que je n’aborde les questions d’alimentation que chez les femmes dont la courbe pose des problèmes de lecture et qu’il n’est pas question de l’imposer à tout le monde. D’autre part, ce sont des observations empiriques ne reposant sur aucune étude. J’ai bien cherché mais en vain des études ou des documents sur le sujet mais force est de constater que le sujet n’intéresse pas grand monde, les PMA ou la contraception venant rapidement suppléer les moindres défaillances ovulatoires sans en chercher les causes.

C’est pourquoi devant des altérations de la courbe, que ce soit dans le but d’espacer les naissances ou au contraire de chercher à concevoir un enfant, j’ai pris l’habitude d’avoir un entretien nutritionnel avec la patiente en commençant par une enquête alimentaire, et conduisant à rééquilibrer les éventuels désordres ou carences en m’aidant si nécessaire de certains dosages pour les confirmer (en particulier, en fer, vitamine D, folates et zinc). Et je dois dire que je trouve très souvent des déficits, voire de vraies carences, qu’il importe de corriger dans un but général, car affectant un grand nombre de métabolisme et pas seulement celui de la fertilité qui nous intéresse aujourd’hui.

 

2° Influence sur la grossesse et sur l’enfant

le retentissement de l’équilibre alimentaire chez la femme qui souhaite concevoir s’exerce à deux niveaux. Tout d’abord contribuer au déroulement harmonieux de la grossesse, c à d permettre une bonne santé pour la mère pour vivre au mieux cet état unique et bienheureux d’attente de son enfant, et par ailleurs influer sur l’état de santé à long terme du futur adulte, ainsi que sur la qualité de la transmission du patrimoine génétique aux générations suivantes ; c’est ce qu’on appelle l’épigénétique. L’épigénétique représente l’ensemble des mécanismes moléculaires qui vont agir sur la régulation de l’expression de certains gênes, avec des effets bénéfiques ou délétères. Dit autrement, un même gêne peut être lu différemment selon les circonstances, c'est-à-dire exprimé ou au contraire réprimé. C’est ce mécanisme qui intervient au tout début de la vie pour différencier nos cellules qui, au départ ont toutes le même matériel génétique. Il faudra donc éteindre certains gènes pour qu’une cellule devienne propre à un organe. En éteignant ou en activant ainsi des gènes, l’épigénétique joue un rôle indispensable au bon développement de l’embryon grâce à la différentiation de ses cellules et à la formation des tissus qui vont composer le futur corps humain. Des perturbations accidentelles par certains toxiques mais aussi notre environnement et même nos émotions peuvent déclencher des changements d’expression des gènes et donc des altérations qui pourraient être en jeu dans certaines pathologies à venir pour le futur adulte, telles l’obésité, le diabète, certains terrains allergiques comme l’eczéma et l’asthme) ou certains cancers (notamment par la perte d’expression de gènes suppresseurs de tumeur ou par l’expression de gènes facilitateurs). Cette régulation est influencée tout d’abord par le patrimoine génétique individuel, également par des facteurs maternels tels l’obésité, le diabète ou le stress, mais aussi par l’environnement maternel en particulier en micro-nutriments. En effet, on appelle méthylation la réaction biochimique qui consiste à rendre inactif certains gènes en les rendant silencieux. Et cette méthylation ne peut se faire de façon optimale que en présence de certains micro-nutriments et en tout premier lieu en folates ou vitamine B9, mais aussi en fer, vitamine D et vitamine B 12, iode, zinc et AGE (Acides Gras Essentiels dont les fameux W3). Or beaucoup de femmes sont carencées en folates (en particulier celles qui mangent peu de légumes) mais également en vit D et en fer. Il est donc vraiment important de corriger les éventuels carences chez les deux parents bien en amont d’une future conception (au moins 3 mois avant). Pour cela, on peut s’aider d’une simple enquête alimentaire qui cible assez vite le type d’alimentation usuel des conjoints et au besoin s’aider de dosages adaptés.

Actuellement, on assiste à des carences et à des déséquilibres extrêmement fréquents dans la population, passant inaperçu le plus souvent. Des carences en vitamines et oligo-éléments en lien avec un défaut d’apport en fruits et légumes et avec la consommation de céréales raffinées; des déséquilibres concernant les graisses avec trop de graisses saturées (plats industriels et cuisson à haute température ), insuffisance d’apport d’Acides Gras polyinsaturés, DHA en particulier que l’on retrouve dans les poissons et l’huile de colza. Il faut enfin attirer l’attention sur la trop grande consommation de sucre qui, en augmentant la résistance à l’insuline et faisant le lit du diabète est source de nombreuses pathologies.

En conclusion, on peut dire que la nutrition a une place fondamentale dans l’accompagnement des femmes et des couples en général, tant pour faciliter la lecture de leurs courbes dans le but d’espacer les naissances que pour optimiser les chances de concevoir pour ceux qui le souhaitent, leur permettre une grossesse plus sereine et transmettre un capital génétique en état optimal d’équilibre. C’est pourquoi nous ne pouvons que conseiller d’adopter une alimentation saine et équilibrée basée sur le modèle méditerranéen comprenant en particulier la consommation de fruits et légumes variés et colorés, de céréales complètes et légumineuses, de poisson gras et d’huile de colza. Il ne s’agit nullement d’un régime mais d’une façon saine de s’alimenter, et nous sommes tous concernés.

 

 

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