« Expériences d’intégration de l’évangélisation de l’intimité conjugale dans la catéchèse diocésaine et paroissiale » :

La sexualité lors de la préparation au mariage; un chemin d'évangélisation et de guérison !

 

Est-il si facile de parler de sexualité aujourd’hui dans une société soumise aux attaques contre la famille, contre la vie et contre l’homme lui-même, qui nie toute transcendance, dans un contexte culturel où la sexualité est présentée comme irresponsable et la contraception comme un espace de liberté ?

Les jeunes que nous accueillons en préparation au mariage catholique pensent bien souvent tout savoir du sexe et nous regardent avec un petit sourire narquois lorsque nous leur annonçons le thème de la soirée. Pourtant, tous ont dans le cœur une soif d’aimer, d’aimer en vérité ; pour nous, c’est une joie profonde, une espérance, un lieu de confiance et une mission !

Lors de la demande de ce sacrement, les fiancés ont, par leur jeune amour et par l’audace d’y croire pour toute la vie, le cœur et l’intelligence ouverts à ce désir du bonheur qui les dépasse et cherche son accomplissement. C’est un moment de pose et de réflexion, de dialogue, un temps d’émerveillement et de grâce, une réelle opportunité pour découvrir l’amour de Dieu et leur proposer de donner un autre sens à leur sexualité, sens bien souvent à contre courant des idées reçues. À nous de le leur présenter et de les surprendre !

Faisons simplement le constat qu’ils n’accepteront plus une morale fondée sur la dialectique du permis-défendu, une soi-disant morale du devoir ou un impératif radical de la religion.

Nous accueillons ces couples avec un regard bienveillant et optimiste et les rejoignons dans la reconnaissance de leur amour, du plaisir que celui-ci leur procure comme dans leurs blessures et leurs fragilités. Par une meilleure connaissance des fondements anthropologiques inscrits en chacun d’eux, de la beauté et de l’exigence d’une sexualité épanouie, en déployant sa richesse, nous cheminerons avec eux.

 

1) Nous croyons, et c’est la parole de l’Église que la sexualité est unitive, parce qu’elle est :

 

- rencontre et découverte de deux personnes (deux corps, deux âmes, deux esprits) et non pas de deux pulsions ; elle engage toute la personne. Je n’ai pas un corps, je suis un corps, je suis mon corps !

 

- dialogue, ce dialogue amoureux qui permet l’ouverture des cœurs, d’entrer en relation avec l’autre, de dire ses émotions, ses doutes, ses craintes, ses désirs, d’être en harmonie.

 

- amour : C’est ce qui donne le sens à l’union sexuelle entre un homme et une femme. L’amour est comme un appel à l’infini, une soif de bonheur, de communion. L’amour dépasse la sexualité, il rayonne au-delà du couple ! Sans amour, l’union sexuelle est juste la satisfaction d’un instinct, d’un plaisir égoïste et immédiat.

 

- désir. C’est le fondement du couple, une force qui traverse, une impulsion qui nous pousse hors de nous, nous jette vers l’autre et vers l’avenir. On le reçoit, l’accueille tel une force dynamique qu’il nous faut diriger, orienter, éduquer ! Il est à vivre librement mais en harmonie avec la raison, la volonté, car s’agit de ne pas céder à sa tyrannie.[1]

 

- confiance, parce que je sais que l’être aimé veut mon bien.

 

- fidélité. La fidélité dans le mariage signifie qu’on se lie pour toute la vie et donc que sont exclues toutes relations extra conjugales, même passagères ou secrètes.

 

- plaisir. Tout couple a le droit et même le devoir (il ne s’agit pas de performance mais il est essentiel de le dire !) de rechercher les joies de l’union des corps. Le plaisir charnel est la dimension corporelle de l’amour. C’est la première dimension de l’art d’aimer. “L’union des corps est le langage le plus fort que deux êtres puissent se dire l’un à l’autre.“ nous rappelle saint JPII

- chasteté et pudeur. Attention: il ne s’agit ni de continence ni de pruderie. C’est un regard posé sur l’aimé qui intègre toutes les dimensions de la personne et qui permet de savoir qu’il n’est pas réduit à ses valeurs sexuelles. « C’est l’intégration réussie de la sexualité dans la personne et par là l’unité intérieure de l’homme dans son être corporel et spirituelLa vertu de chasteté comporte donc l’intégrité de la personne et l’intégralité du don. »  CEC 2337 « … elle s’oppose à tout comportement qui la blesserait. Elle ne tolère ni la double vie, ni le double langage. » [2]

Chasteté et pudeur tiennent à distance la pornographie, la domination et la concupiscence. Le corps n’est pas un objet.

- respect de soi et de l’autre. Respect des différences de rythme et des besoins.[3]

- abandon : La sexualité exige au départ l’accueil et l’acceptation en soi du plaisir et la grâce de savoir s’abandonner.

- don : Par le don total, libre et réciproque, les époux s’enrichissent l’un, l’autre dans la joie et la reconnaissance. La donation physique totale nécessite une donation personnelle totale.[4]

- humour : Une qualité, une disposition indispensable pour persévérer avec le sourire et surmonter les difficultés.

- tendresse : Tenir la main de l’autre, marcher l’un près de l’autre, s’enlacer, prendre le temps d’un baiser. C’est souvent si facile et si difficile dans la vie quotidienne ! La tendresse fait partie de la sexualité. Elle est plus orientée vers la personne que vers son corps et son sexe. Elle peut être désintéressée.

 

Vécue comme cela, la sexualité est communion : Tous ces mots aident à une réappropriation de toute sa personne, un meilleur ancrage dans l’épaisseur de son humanité, dans la « vision intégrale de l’homme et de sa vocation ».[5] Ils conduisent de façon naturelle à la communion de l’homme et de la femme dans l’amour conjugal, indice d’un désir plus profond encore : celui de la communion avec Dieu. Par là, ils réalisent alors le plan divin, dans Sa vision pour tout homme : “Ils ne formeront qu’une seule chair“.[6]

C’est aussi la découverte, pour les fiancés, de la parole très positive de l’Église sur la sexualité.

 

2) Nous croyons, et c’est la parole de l’Église que la sexualité est unitive et procréative :

Après ce temps de réflexion sur le sens de la sexualité et sa beauté, il n’est pas superflu de voir avec eux le rythme biologique naturel du corps, et la fertilité différente de l’homme et de la femme. Cela leur permettra de mieux se connaître, de s’émerveiller devant le mystère de leur corps et de se libérer du regard de la culture ambiante.

La question de la fertilité sera abordée en reconnaissant l’ambivalence fondamentale de tout homme, de toute femme, devant la réalité du don de la vie, à la fois espéré et redouté et le désir parfois anarchique dans la recherche du plaisir qui oblige à prendre conscience de toute part de volontaire et d’involontaire dans les comportements.

 

Les fiancés sont confrontés à un choix de couple :

·       une démarche de connaissance et d’acceptation de leur rythme naturel, ou

·       une attitude de refus, de rejet qui conduit à une volonté de maitrise artificielle.

Par l’exposé des quatre critères de choix du mode de régulation des naissances définis par l’Organisation Mondiale de la Santé : innocuité, réversibilité, fiabilité, accessibilité, nous leur permettons de vérifier la validité humaine de la méthode retenue pour leur couple.

Les fiancés ont droit à une information juste sur les méthodes de rejet du rythme naturel des corps et leurs conséquences. Il sera nécessaire de les explorer l’une après l’autre en les confrontant à la vérité du don total et réciproque lors de l’union sexuelle. La puissance de vie qui déborde l’amour implique nécessairement une gestion et pourrait conduire à faire appel à des réponses techniques ou médicales pour “maitriser“ la fertilité de leurs unions.

 

3) Pourquoi parler de sexualité est-il un chemin d’évangélisation ?

 

La sexualité, telle qu’elle est proposée comme dynamique d’une vie féconde, comme véritable mode de vie dans la théologie du corps de saint Jean-Paul II, est invitation à un nouveau chemin de croissance dans l’amour conjugal, dans la fécondité de cet amour et dans l’unité personnelle, moyen d’un plus grand épanouissement humain, d’un vrai don de soi, un itinéraire vers le bonheur pour le couple.

La fertilité n’est pas seule­ment une affaire de biologie ou de médecine. Elle est une fonction du couple. Elle n’appartient pas à la femme seule, mais au couple ! La fertilité n’est pas un danger dont il faudrait se protéger. Elle est une force qui transmet la vie. [7]

« La parole-clé que l’Eglise défend est la paternité responsable » rappelle le Pape François le 19 janvier 2015, à propos de « l’ouverture à la vie », lors d’une rencontre avec les familles aux Philippines. « Elle est une condition du sacrement de mariage…»[8]  

La réflexion autour de la paternité responsable ne peut faire l’économie du dialogue et de la maitrise des pulsions qui permet la continence dans un art de vivre avec la planification familiale naturelle, de la richesse de l’altérité sexuelle, de l’acceptation du temps de la personne et du respect de son rythme biologique naturel. Pour répondre à l’appel qu’ils ressentent au fond de leur cœur, fait de désir de beau, de vrai et de bien, de la recherche du bonheur et d’une certaine tension vers la plénitude (même s’ils ne l’expriment pas de cette façon), il est essentiel de proposer aux fiancés de saisir le sens de leur vocation, pour vivre selon le dessein de Dieu.

C’est dans cet esprit que l’Église propose les méthodes de régulation naturelle des naissances, qu'on caricature trop souvent sans bien les connaître. Elles responsabilisent l'homme et la femme pour qu’ils ne se conduisent pas en “arbitres du dessein de Dieu“.[9]

Elles sont un outil pédagogique qui permet de s’approprier son corps dans toute sa beauté et sa potentialité voulues par Dieu. Elles ne sont ni une méthode, ni une technique mais un nouvel art de vivre une sexualité épanouie et attentive dans une confiance complice. Elles nécessitent un accompagnement.

 

La prise de conscience du regard aimant et plein d’espérance de Dieu sur le couple pousse les fiancés à grandir en exerçant liberté et responsabilité.

 

Sans doute faudra-t-il repérer avec eux quelques motifs de résistance à l’accueil de cette Bonne Nouvelle que l’Église encourage à surmonter grâce à la loi de gradualité sous la bienveillance de Dieu ?

Cette loi ouvre une voie accessible pour tous, sur laquelle peuvent avancer progressivement les conjoints vers un mieux, en gardant bien à l’esprit que la parole de l’Église est donnée pour conduire au bonheur. Laisser en toute disponibilité, dans une démarche d’abandon confiant, le Seigneur ouvrir devant eux un chemin profondément beau, fécond, qui dépasse calculs et volonté de maitrise leur procure une joie nouvelle ! [10] Leur vie est dans Sa main !

 

Le couple réalise qu’il est au service de la vie, une vie dont il n’est pas maître. Il peut s’ouvrir à la grandeur du dessein de Dieu pour chacun et à une fécondité parfois inattendue car Dieu propose aux couples d’être “co-créateurs“.[11]

 

L’amour humain, toujours imparfait dans son incomplétude structurelle, donne soif de la communion avec Dieu, goût d’une vraie liberté joyeuse, désir de la plénitude en Dieu. L’union intime des époux, d’où jaillit la vie est don de Dieu. L’enfant, accueilli tel qu’il est, contemplé, est ouverture à l’émerveillement et à la transcendance.

 

Parler de sexualité lors de la préparation au mariage met sur un chemin de croissance dans la foi. C’est  un temps d’évangélisation pour les fiancés qui se préparent à recevoir la grâce du sacrement du mariage, le lieu du dynamisme intérieur de l’amour.

 

Nous parlerons parce que « l’inquiétude de l’amour pousse toujours à aller à la rencontre de l’autre, sans attendre que l’autre manifeste son besoin. »[12]

Demandons pour cela un surcroît de foi et d’abandon au souffle de l’Esprit !

 

 



[1] CEC 2362 : "Les actes qui réalisent l'union intime et chaste des époux sont des actes honnêtes et dignes. Vécue d'une manière vraiment humaine, ils signifient et favorisent le don réciproque par lequel les époux s'enrichissent tous les deux dans la joie et la reconnaissance" (GS 49). La sexualité est source de joie et de plaisir.“

 

[2] “En brisant la dimension du don réciproque de l’homme et de la femme, la concupiscence met aussi en doute le fait que chacune de ces créatures a été voulue par Dieu “pour elle-même“. (Homme et femme, Il les créa. Catéchèses de JPII)

[3] « La pudeur protège le mystère de la personne et leur amour. Elle maintient le silence ou la réserve là où transparait le risque d’une curiosité malsaine. » CEC 2522

[4]  “La donation physique totale serait un mensonge si elle n’était pas le signe et le fruit d’une donation personnelle totale, dans laquelle toute la personne, jusqu’en sa dimension temporelle, est présente. Si on se réserve quoi que ce soit, ou la possibilité de se réserver quoi que ce soit pour l’avenir, cela cesse déjà d’être un don total; “ Familiaris consortio 11

[5] Familiaris consortio 32

[6] “Dans le cadre d'une culture qui déforme gravement ou qui va jusqu'à perdre la signification véritable de la sexualité humaine, en l'arrachant à sa référence essentielle à la personne, l'Eglise découvre de façon urgente et irremplaçable sa mission de présenter la sexualité comme valeur et engagement de toute la personne, créée, homme et femme, à l'image de Dieu.“ Familiaris Consortio 32

 

6 « Ce langage du corps, la communion des personnes, l’acte conjugal “signifie“ non seulement l’amour mais aussi sa fécondité potentielle. Il ne peut donc pas être privé de son sens plénier et juste par des interventions artificielles. Dans l’acte conjugal, il n’est pas licite de séparer artificiellement les deux significations, l’union et la procréation, car l’une et l’autre relève de la vérité intime de l’acte conjugal. »

[8]Cela ne signifie pas que les chrétiens doivent faire des enfants en série », a-t-il toutefois distingué à propos de la délicate question de la régulation des naissances.

[9] Familiaris Consortio 32,  Evangélium Vitae 23

[10]  “Lorsqu’il s'agit de mettre en accord l'amour conjugal avec la transmission responsable de la vie, la moralité du comportement ne dépend pas de la seule sincérité de l'intention et de la seule appréciation des motifs ; mais elle doit être déterminée selon des critères objectifs, tirés de la nature même de la personne et de ses actes, critères qui respectent, dans un contexte d'amour véritable, le sens intégral d’une donation réciproque et d’une procréation à la mesure de l’homme".  GS 51, 3

 

[11] Catéchèses de JPII Homme et femme, il les créa 1984 26 septembre 1979

[12] Pape François, homélie Rome 28 aout 2013.