V Les couples qui souhaitent vivre
une paternité et une maternité responsables sont amenés à vivre des temps sans
union sexuelle pendant la période fertile du cycle de la femme. Nous l’appelons temps de continence, plutôt qu’abstinence car
on ne s’abstient pas d’aimer.
Ce temps est-il un inconvénient de
ce mode de vie, ou mieux de cet art de vivre, ou est-ce au contraire une nécessité
pour faire grandir l’amour ? Nous allons ébaucher quelques éléments de
réponses en recherchant ce qui manquerait aux couples dans l’hypothèse fictive
où l’on pourrait maîtriser notre fertilité de manière naturelle et sans avoir à
vivre la continence.
JM Pour l’homme
Tout d’abord quelques points
spécifiques concernant l’homme :
-
l’homme de manière générale est plus dans
l’immédiateté. Il peut donc se décider pour une union sexuelle très rapidement.
Mais est-ce là le chemin du véritable épanouissement, le chemin du bonheur de
se donner et de recevoir ?
-
On le sait : on ne peut bien donner que ce que
l’on maîtrise. Ce temps de continence va contribuer à développer en l’homme la
maîtrise de ses envies dont il aura besoin afin de vivre des unions charnelles
satisfaisantes pour sa femme et lui-même.
-
Cette alternance de périodes fertiles et non fertiles
est un cadeau de notre femme qui nous permet d’apprendre la patience et la
maîtrise de soi pour un plus grand don. Cette attente
nous permet de donner de la valeur à ce qu’on vit. Ainsi Mesdames, vous nous
permettez de mieux apprécier les temps d’intimité. Ils vont prendre d’autant
plus d’importance qu’ils auront été attendus, …. Sans trop exagérer non
plus !
V
Pour la femme
Nous aussi ne nous manquerait-il
pas quelque chose d’essentiel sans ces temps de continence ?
o Sentir que
notre mari nous aime même en dehors des relations conjugales, ce qui nous est indispensable
pour pouvoir se donner entièrement et sans réserve.
o Nous sentir
aimées et respectées pour nous-mêmes, telles que nous sommes et entièrement.
JM Un soir, un homme me disait : « je
sens bien que si ma femme prenait la pilule, cela ne serait plus vraiment
entièrement ma femme, je ne la respecterais plus comme actuellement. »
o V Ce temps de continence est essentiel
aussi pour nous afin de ne pas nous sentir utilisées mais reconnues dans toute
notre personnalité. Pour Saint Jean-Paul II, le contraire de l’amour n’est pas
la haine, mais l’utilisation.
o Et il nous
manquerait aussi une forme de tendresse indispensable pour nous sentir vraiment
aimées. Il nous manquerait de prendre le temps d’exprimer d’autres langages de
l’amour : passer des moments de qualité ensemble, se rendre service,
effectuer un service ensemble, se dire des paroles valorisantes, encourageantes.
prier ensemble si on est croyant. On
comprend ainsi pourquoi Saint Jean-Paul II dans son livre Amour et responsabilité nous dit : « il
ne peut pas y avoir de véritable tendresse sans véritable continence. » Et
que deviens un couple sans tendresse ? La tendresse dans nos unions
n’est-il point une différence importante qui nous distingue de l’animal ?
Tout ces éléments ne nous permettent-ils
pas, nous les femmes, de renouveler notre désir d’union charnelle qui a tant besoin
d’être le couronnement de l’expression de notre amour conjugale reçu et donné ?
JM Pour le couple
De même pour le couple :
-
Nous le savons, les psychologues le
disent : « le désir directement assouvi tue le désir. » Ne
passerions nous pas à côté d’une éducation au désir et au bonheur ? En
effet la relation sexuelle n’est pas un
dû, ou un exercice du couple avec une jouissance au bout, quand je veux ou le
plus possible. Vivre le manque est
essentiel dans toute notre vie, même au niveau des unions sexuelles.
V Un couple témoigne:" Notre
couple souffre d'hypofertilité. De fait nous pouvons avoir autant de relations
que nous le voulons. Mais après quelques années de mariage nous nous sommes rendus compte que notre désir diminuait, et naturellement
nous vivons maintenant des temps de continence pour renouveler notre désir.
Ainsi on
voit que cette continence périodique ne peut que renouveler le désir et nous
aider à goûter des moments de vrai bonheur.
-
JM il n’y a
pas longtemps, un jeune couple nous disait : « une fois qu’on a
parlé de glaire, il n’y a plus de tabous. On peut parler de tout. » Ainsi
pendant les temps de continence nous pouvons parler également de nos désirs
plus librement.
-
La continence nous permet donc d’enrichir notre
communication. Ne va-t-elle pas nous laisser plus de temps pour parler de notre
vie en général, de nos attentes et aussi des évènements un peu plus
difficiles ? Notre écoute et l’attention à l’autre n’en seront-ils pas
développés ? Tout cela permettra aussi de vivre au mieux la relation
sexuelle.
-
Finalement en ne vivant des unions qu’en période
choisie, n’exprimons-nous pas un amour plus fort qu’en répondant sans retenue à
nos envies ou pulsions ?
V Un couple nous a donné ce témoignage :
« Nous sommes mariés depuis quelques années. Dès nos fiançailles s'était
posé le problème de la contraception. Etant âgés respectivement de 51 et 45 ans
et affectés de problèmes de santé, il nous a paru préférable d'être
responsables et de cantonner notre fécondité au plan spirituel. Je me suis
imaginée, quelle erreur, que Jean-Louis ne comprendrait pas cette exigence
d'ascèse et de maîtrise de soi dont je supposais qu'elle était la clé de la
méthode naturelle. J'ai donc opté pour une pilule. Le résultat a été
catastrophique: tantôt pas de règles, tantôt des règles très longues. Je ne
savais plus où j'en étais ni dans ma tête ni dans mon corps. Quatre mois après
avoir commencé ce "traitement", les hémorragies ont duré tout un
mois. Jean-Louis a compris que c'était une terrible violence faite à mon corps
et j'ai été soulagée le dernier soir du cycle lorsqu'il m'a dit: "je ne
suis plus d'accord, demain tu ne reprends pas la pilule. » Depuis que nous
utilisons les méthodes naturelles beaucoup de choses ont changé dans notre couple :
o D'abord, nous avons plus parlé. Nous avons éliminé
quelques quiproquos. Non, mon mari n'est pas d'abord une bête assoiffée de
sexe; oui il attache de l'importance au respect du rythme biologique de
l'autre. Non les méthodes naturelles ne sont pas d'abord un exercice d'ascèse,
elles sont une véritable école de la tendresse.
o
Je pense que
cela n'est pas étrange si, depuis que nous utilisons la méthode, Jean-Louis et
moi sommes plus attentifs l'un à l'autre et avons constaté que nos unions nous
procuraient un plaisir beaucoup plus intense. Nous pouvons enfin faire
coïncider nos corps, nos cœurs et nos consciences! »
-
JM Un des
éléments qui rend difficile de durer en couple, c’est la routine. Or avec ces
alternances de périodes fertiles et de périodes infertiles, nous avons une
femme différente chaque matin. Nous sortons de la routine naturellement. Et du
coup, nous apprenons à nous aimer en accueillant la nouveauté de chaque jour,
grâce à la femme !
-
Aussi la confiance l’un dans l’autre ne va-t-elle pas
grandir ? La femme qui engage son corps, et durablement si elle devient
enceinte lors d’une union sexuelle, fait confiance en l’homme pour se maîtriser
dans les périodes fertiles. L'homme aussi doit compter sur des observations
fiables de sa femme. Et par-dessus tout, la tempérance mise en application fera
grandir la confiance en la fidélité conjugale.
-
De fait, cette tempérance exercée au cours des
différents cycles va agir comme le ressort d’un sécateur. Il suffit d’une
petite pression sur le ressort du sécateur pour que nous démultipliions notre
force. De même, cette tempérance développée au cours des cycles ne nous
aidera-telle pas face aux tentations et dans tous les aspects de notre
vie ? De même pour nous préparer
aux temps de séparation ou d’incapacité à s’unir qui peuvent très bien survenir
à tout moment et de façon durable.
-
VP Le couple
a besoin de chasteté, c’est-à-dire de se donner complètement dans toutes ses
dimensions de l’être. Les seuls moments d’intimité conjugale n’y suffisent pas.
Nous avons donc besoin d’exprimer notre amour de multiples manières. Alors nos
temps d’intimité seront le couronnement de nos diverses façons de nous exprimer
notre amour.
-
Le couple a besoin de transcendance. Durant la période
de continence il se trouve confronté à la vie possible, à la vie qui vient
d’ailleurs.
JM Comme il ne peut y avoir d’acte d’amour sans
renoncement, ce renoncement charnel ponctuel ne va-t-il pas développer notre capacité
d’aimer, et donc de nous libérer de
l’égoïsme, comme l’indiquait Saint Jean-Paul II dans Amour et responsabilité ?
La continence est donc nécessaire
pour que chacun se sente vraiment aimé en vérité. Saint Jean-Paul II nous parle
du corps comme prophète de la personne. C’est-à-dire que le corps parle au nom
de la personne. Pour que le corps dise la vérité de l’amour sans hypocrisie,
pour reprendre ses termes, et que ce langage soit reconnu comme tel, tout
l’amour qui se dit pendant les temps de continence contribuera à exprimer la réalité de notre
amour.
Enfin, cette nécessité de la continence
pour le couple ne l’est pas moins pour les enfants et pour la société dont la
cellule de base est un couple et un couple solide qui s’aime.