Les Méthodes Naturelles comme chemin d’Unification de la Personne

 

Une collègue sage-femme féministe que j’instruisais des méthodes naturelles me posa cette question : « En quoi est-il mauvais pour une femme de prendre la pilule ou d’avoir un stérilet? ». Aussitôt  je renversai sa question : « En quoi est-il bon pour une femme d’observer les signes de sa fertilité à l’intérieur de ses rythmes personnels, afin de différer ou favoriser la conception d’un enfant ? ». La discussion s’arrêta net car son intention était de pouvoir contrer mes idées qu’elle jugeait moralisantes et dépassées…On aura beau décrire tous les dangers physiques et psychiques  de la contraception qui sont bien réels, prouver que la mentalité contraceptive conduit tout droit à l’avortement et par ricochet à la maltraitance des enfants, on prêchera au milieu d’idéologues pour la plupart sourds à nos arguments. En revanche, il est important de redonner son vrai sens à la sexualité pour faire découvrir ce à quoi les époux sont appelés dans le véritable amour : voilà qui enthousiasmera les jeunes générations. Mais il y faut de la détermination, un enthousiasme sans faille, une formation sérieuse, et une conversion personnelle pour le vivre pleinement soi-même en authentique témoin.

Je vous propose de réfléchir au choix des méthodes naturelles d’un point de vue anthropologique comme chemin d’unification de la personne humaine. Nous allons admettre le postulat selon lequel la personne est une entité particulière et unique dont l’intériorité est composée de différentes zones comme l’indique le schéma suivant :

Ces zones de l’être communiquent entre elles d’une part, et d’autre part avec le monde extérieur par la surface du corps.

A partir de ce schéma très simple, j’ai élaboré mon mémoire de master que j’ai intitulé « L’unification de la personne » selon Edith STEIN et selon Simone PACOT. Cette dernière a indiqué, dans ses nombreux ouvrages, une dynamique possible de transformation et d’évangélisation de soi-même par la Parole de Dieu. Quant à Edith STEIN, 70 ans auparavant, elle en avait jeté les bases dans une anthropologie dite « théologique ». Elle a montré que la personne au fur et à mesure de son évolution, dans sa formation et par son éducation, peut  tendre avec harmonie à l’unification de son être  par une cohérence toujours plus développée.

La personne devient ainsi capable d’actes justes produits par son intelligence et sa volonté libres. C’est par le chemin du don de soi à l’image du Christ que tout être peut parvenir à la sainteté, véritable achèvement de son unification: cela éclate dans tout l’Evangile…

Par une meilleure connaissance de soi sous le regard de DIEU qui donne la grâce, nous pouvons toujours évoluer, progresser, sortir peu à peu du désordre et de la confusion pour aller vers l’unification de notre être, c’est-à-dire revenir à une cohérence harmonieuse originelle. Celle-ci s’est effondrée lors du mauvais choix de nos premiers parents. Cependant, par la Rédemption de l’Amour qui nous est donné, nous pouvons devenir des êtres de lumière se réalisant dans le don de soi à Dieu, aux autres, à l’autre.

Relisons la fameuse phrase de Gaudium et spes (24,3) si chère à Jean-Paul II. Il l’a citée plus de cent fois dans ses écrits : « L’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même ». La révolution anthropologique initiée par Jean-Paul II dans ses catéchèses sur l’amour humain nous révèle que la sexualité conjugale est bonne, vécue dans le plan divin du don total de soi à l’autre et pour toujours. Ce dessein ne peut se réaliser que dans l’Alliance du sacrement de mariage. Par la complémentarité de l’Homme et de la Femme, cette alliance leur permet  la communion et la procréation. Dans toutes les dimensions de la féminité  et de la masculinité du couple, la sexualité conjugale est donc source et  accomplissement de l’amour qui atteint au sublime par la conception d’une nouvelle petite personne confiée à leurs soins.

A travers leur sexualité les époux font donc l’expérience de la communion conjugale et de l’ouverture à la vie. Du moins devrait-il toujours en être ainsi selon le magistère de l’Eglise et son enseignement sur la beauté du mariage. Celle-ci a trouvé son expression aboutie dans la nouveauté extraordinaire de la Théologie du Corps selon Saint Jean-Paul II. Elle est encore trop mal connue en Europe. Déjà, l’encyclique  Humanae vitae en 1968 avait posé les bases de la régulation naturelle de la fertilité dont la licéité reposerait sur le respect de la loi naturelle donnée par le Créateur. Antérieurement, en 1965, Mgr Wojtila dans « Amour et Responsabilité » avait développé une anthropologie personnaliste qui dit la signification de la personne comme authentiquement subjective et unique. Dès lors, sa dignité ne supporte jamais que la personne soit utilisée comme objet.

Le secret du bonheur pour les époux, conséquent au choix des méthodes naturelles, se trouve d’une part dans l’acceptation par chacun de sa propre vie reçue du Créateur, d’autre part dans sa capacité de se donner totalement à un autre.

Accepter à chaque instant de se recevoir soi-même de Dieu dans l’accueil de sa propre vie, de ses propres rythmes,  provoque chez la personne ce mouvement de gratitude et d’offrande de soi à Dieu en retour. Choisir la personne aimée entraîne aussi l’engagement et la promesse de la fidélité et du soin l’un de l’autre en toute circonstance heureuse ou malheureuse. Cela nécessite que la volonté libre soit aux commandes et celle-ci se fortifie certainement par la maîtrise de soi pendant les périodes de continence. Ces dernières permettent d’inventer et de diversifier d’autres expressions de l’amour que l’union sexuelle. Ainsi grandissent l’intelligence de l’amour, la délicatesse du cœur.  

Mais bien sûr, le péché nous limite et provoque en nous des tensions, des combats et des divisions.

La contraception qui sépare l’exercice de la sexualité de la transmission de la vie, renouvelle la tentation du serpent qui propose de rendre les hommes comme des dieux, maîtres des forces de la nature. Selon l’expression de Mgr MELINA,* la contraception « inocule dans l’acte corporel […] le venin d’un mensonge qui le falsifie intimement […] On peut dire avec vérité qu’un acte contraceptif n’est plus un acte conjugal.» La contraception contrarie donc radicalement cette vocation au don total de la personne dans la réciprocité car en supprimant une composante essentielle de l’individu (sa possibilité de devenir père ou mère) elle situe inévitablement l’autre comme objet de jouissance. Elle tronque la fertilité, cette force de vie jaillie non seulement du corps mais du « cœur profond » de chacun. Par essence, la fertilité qui permet la Co-création revêt une dignité qui ne se situe pas seulement au niveau du corps de chair et de la biologie, elle est aussi partie intégrante du cœur profond de la personne, là où habite Dieu. Dans l’amour véritable, la vocation sponsale se réalise par l’ouverture du couple à la vie. Elle unifie profondément chacune des personnes, et elle unit les époux.

Dans le couple, rien n’empêche plus l’unité de toutes les zones de l’être à l’intérieur de chacun mais aussi entre eux deux. Les époux peuvent ainsi découvrir leur « cœur conjugal ». C’est le lieu de la « communio personarum » identifiée au don d’amour de la Trinité divine. Elle est si forte qu’elle rayonne comme une vibration mystérieusement accordée par grâce, prémices de la Résurrection. Le temps et l’espace sont alors abolis et transcendés, comme irradiés par la force de l’union des époux en Dieu.

Je vous remercie de votre attention.

 

Marie-Pierre BLACHE

 

*Mgr MELINA, « La prophétie d’Humanae vitae et la vérité de l’amour sponsal pour une procréation responsable » dans  « Trois approches magistrales de la Théologie du Corps » livret distribué par Angela de Malherbe.