NFP Congress Milan, 13 juin 2015

 

Apprentissage pour la jeune fille de ses rythmes biologiques,

chemin de personnalisation en vue de la communion

Marie-José Moussel

 

La philosophe Edith Stein décrivait « la Femme » comme appartenant à 3 « genres » qui donnent 3 axes pour contempler son mystère : genre humain, genre femme, genre individuel.

La femme appartient au  « genre humain » tout d'abord. Elle est un membre de ce "grand individu" qui se concrétise dans l'histoire du monde.

L'appartenance au « genre Femme » plonge ses racines dans la nuit des temps. On peut presque dire qu'il pré-existe à l'intérieur de la physiologie féminine : en effet, la petite fille in utero est façonnée comme telle par les hormones de sa mère[1]. Les choses sont bien différentes chez le garçon : lui travaille de toutes ses forces hormonales propres pour se différencier du socle anatomique commun. Pour une mère et sa fille, c'est la même  sève qui passe du tronc à la branche. La petite fille hérite aussi de la signification de ce don : en étant femme elle est déjà mère. Elle porte ce caractère hérité dès l'enfance de la lignée des femmes qui l'ont précédée. Cela confère à la nature féminine son aptitude au don de soi. Edith Stein parle de la « soif de se donner » qui la caractérise. Cette ouverture naturelle est une des 7 qualités essentielles de l'âme féminine décrites par la philosophe. L'âme féminine est naturellement « Chaleureuse ».

 

L'appartenance au "genre individuel" fait en revanche l'objet d'une découverte strictement personnelle. (Le garçon lui, porte cette individualité de par sa nature, puisque depuis le sein maternel il s'est éprouvé comme différent). Pour une fille nous dit Edith Stein[2], la quête de son individualité et de son identité procèdent d'une « recherche de sa destinée propre », d'une « conquête de l'agir », et peut-être plus encore « en réponse à un appel ». Tel est le défi pour la jeune fille : sortir de la détermination partagée par toutes les femmes, découvrir qu'elle est, comme le dit Jean-Paul II "quelqu'un que le Créateur a voulu "pour elle-même", c'est-à-dire l'unique, l'impossible à répéter, quelqu'un choisi par l'Eternel Amour[3]"

A TeenSTAR, en France depuis plus de 20 ans, nous empruntons la petite voie tracée par Hanna Klaus qui a eu l'intuition qu'en dehors des problématiques de la vie de couple, les jeunes filles devaient faire précocement l'expérience du réel le plus proche les concernant. Le corps, c'est la base de ma vie. Il m'a été donné. Je choisis de m'y intéresser loyalement et sans narcissisme. M'y intéressant, je vais rapidement m'en émerveiller. Je fais bientôt cette expérience subtile : "mon corps me parle". Si mon corps peut me décevoir de près ou de loin dans son apparence extérieure, il est à coup sûr porteur d'une Beauté Indicible à l'intérieur, dans sa vérité et son intégrité.

 

Voyons maintenant comment la conscience de mon corps est premièrement source de personnalisation, deuxièmement elle est enrichissement de ma subjectivité, et troisièmement, elle fait de moi un sujet responsable.

 

1.      Dans la pédagogie TeenSTAR, la jeune fille prend conscience qu'elle dessine avec son corps le schéma « corps-coeur-esprit », que l'on représente parfois sous la forme de l'emboîtement de poupées russes (les poupées russes sont toujours des femmes vous l'aurez remarqué). Chez tous les humains, on reconnait l'organe-coeur comme étant le lieu par excellence des sentiments et de l'amour. Il enveloppe le corps tout entier en propulsant le sang vecteur des puissantes hormones dans tout l'organisme. Or la femme a un talent spécifique pour la représentation : le giron féminin qui abrite l'utérus reproduit la vivante image du centre le plus profond caché à nos yeux. Cet abri secret est éminemment spirituel puisqu'il n'est autre que le sanctuaire de la vie. Par sa souplesse d'adaptation à la taille de l'enfant à naître, il confirme une autre des "qualités de l'âme féminine" décrites par Edith Stein, qui est d'être « Ample ». La jeune fille est donc particulièrement bien placée pour découvrir que sa sexualité ordonnée à l'amour, n'est pas seulement une option « attachée » à son anatomie. mais qu'elle est au cœur de sa personnalisation. Cette découverte ouvre à l'intériorité et au silence qui l'accompagne. Apparait alors une troisième "qualité de l'âme féminine" qui est d'être « Silencieuse ». Le  silence des profondeurs tempère le vacarme qui agite nos psychologies. Cette qualité est propre à enraciner davantage la personne.

 

2.      La découverte du corps va de pair avec son prodigieux fonctionnement. Entre le système nerveux central et les organes de la zone ovarienne, par la grâce des hormones, un véritable dialogue se déroule pendant le cycle, avec ses invitations, ses réponses, ses codes de préséance et jusqu'au principe de subsidiarité qui s'applique après l'ovulation. Le cerveau s'efface alors pour laisser assumer aux ovaires la prise en charge d'une supposée conception, en faveur de laquelle le corps s'engage d'emblée. La femme, c'est un espace qui fabrique du temps. Une substance à peine perceptible en est le signe. Oui, mon corps est une belle  « parabole » qu'il m'appartient de déchiffrer et de contempler avec attention et humilité. Toute parabole est une médiation entre ma raison et ma foi. Mon corps est le lieu d'une liturgie entre moi et mon Créateur. A moi d'apprendre à interpréter puis à transcrire fidèlement jour par jour les messages substantiels qu'il me donne. Je me dois d'accueillir fidèlement la marque originale et toujours nouvelle de la "fabrique du temps" que Dieu m'a confiée à moi en particulier. Ce don confirme la valeur irremplaçable de ma subjectivité. La perception originale de la vie qui m'anime va alors colorer tout mon rapport au monde. Cela comporte une astreinte : celle de noter chaque soir les messages que mon corps me donne dans un tableau qui racontera ainsi l'histoire des alternances de ma fertilité. Au fil du temps, les « observations » de la glaire, ou des mesures externes, vont devenir de plus en plus des « sensations » internes qui pourront être confirmées par des signes objectifs. Ainsi, nous faisons d'incessants allers-retours entre objectivité et subjectivité de manière à connaître la réalité qui se déroule en nous dans une expérience de plus en plus interne (tout en utilisant la raison objective). Nous sommes à l'école de saint Jean-Paul II qui a montré la pertinence pour notre temps de l'avènement d'une anthropologie subjective. Mon corps cesse d'être pour moi un « objet opaque », il confère à mon âme sa 4ème qualité qui est d'être « Lumineuse » selon Edith Stein.

 

3.      Une autre caractéristique du corps féminin est qu'il est discriminant. Une femme passe toujours d'un état à un autre, d'une vie à une autre, comme si elle parcourait les 2 versants d'une montagne. Au moment des règles, on n'a pas la grâce ! Cela nous donne une prédisposition à la Foi et l'Espérance puisque nous savons bien que la grâce nous sera redonnée. « Si je n'y suis, que Dieu m'y mette »  disait Jeanne d'Arc. Cela nous ouvre à l'altérité de Dieu Tout-Puissant à qui nous pouvons demander ses dons gratuits dans toutes nos tribulations. Peu à peu au fil des jours, le col de l'utérus va s'ouvrir à nouveau et secréter la substance vitale signe de la grâce particulière qui envahit la femme féconde et qui invite à la communion.

Dans la lente préparation et la maturation des ovocytes, le follicule dominant fait l'objet d'une élection par le jeu des variations de la FSH.  L'ovulation répond à l'appel lancé par la LH par rétro-action positive. Ce phénomène endocrinien est unique dans tout l'horizon de la physiologie humaine : n'est-ce pas un signe de la valeur éminente de cet événement ? A ce moment précis au cœur des entrailles féminines un fruit apparait, gage d'une future incarnation. Après l'ovulation, la limpidité disparaît, signe de fermeture du col. Ce message silencieux dit le recueillement de tout le corps autour de son centre. Aider la jeune fille à reconnaître le moment précis de  la transition est l'objet de toute notre attention.

          La conscience qu'a une femme d'«avoir 2 vies » se traduit chez Edith Stein par deux qualités de l'âme apparemment contradictoires : « Vide d’elle-même » et « Repliée sur elle-même ». Si l'on transpose la physiologie au niveau éthique, la femme a donc une aptitude à faire du tri entre ce qu'elle prend et ce qu'elle laisse. Elle peut affirmer ou nier tout en restant la même, et cela lui donne un talent naturel pour sentir les enjeux de sa responsabilité.

          Ainsi la jeune fille peut être fière lors de l'apparition de ses premières règles, de cette capacité nouvelle qui lui est donnée. Au lieu de cela, que lui propose son entourage ? De rejoindre la cohorte de celles qui s'accrochent à une même "plaquette" et de pratiquer un rituel quotidien bien différent qui va lui faire perdre la merveille de la grâce présente en son sein. Lourde perte pour elle et pour le « genre humain » dans son ensemble. La trompeuse pilule rend inutile et dérisoire le cycle dont seule subsiste une apparence de règles, comme un lot de consolation, comme si cet épisode pénible était la marque de la féminité totale. En réalité, cette uniformisation nie l'originalité propre de chaque femme car le cycle est plus que la fertilité, il est développement de la féminité, il est une fondation pour la femme, et le "patrimoine matrimonial" pour le futur couple.

Dans nos groupes TeenSTAR, la complicité naturelle de femme à femme est un atout dans l'accompagnement individuel. C'est précisément ici que l'articulation se fait entre la représentante du « genre femme », et la révélation d'un être de « genre individuel », à nul autre pareil. Cette sorte d'engendrement est bien le but de toute pédagogie. La jeune fille, en coopérant par la tenue de son tableau d'observation s' « engendre » elle-même aussi d'une certaine manière, à sa façon typiquement féminine qui est de puiser ses ressources à l'intérieur d'elle-même. L'individualité n'introduit pas une rupture mais se greffe harmonieusement sur la féminité pour favoriser sa croissance en tant qu'être humain doué de liberté et d'autodétermination. La jeune fille acquiert une stature qui fait ressortir la 7ème qualité de son âme tandis qu'elle avance vers sa vie d'adulte : elle devient pleinement « Maîtresse d’elle-même ».

Tout ce que nous venons de voir sur la beauté féminine est un don du Créateur. Elle sera invitée à le redonner à Dieu à travers l'époux qu'elle rencontrera, ou dans sa consécration particulière.

En conclusion : Pour guérir du mirage des mondes virtuels, pour s'affranchir des modèles tyranniques de la publicité, pour échapper à la logique de la standardisation et de la marchandisation du corps, dans la mise en œuvre d'un véritable féminisme, Hanna Klaus rejoint Edith Stein et Jean-Paul II pour promouvoir une éducation à l'amour basée sur l'émerveillement et la gratitude pour ce corps "sacrement de la personne", avec leur orientation et réalisation vraies dans le don de soi-même. Dans cette recherche patiente et humble, chaque jeune fille est appelée à resplendir d'une lumière à la fréquence unique et singulière au milieu des contradictions de notre temps, pour trouver le chemin et l'incarnation de sa destinée irremplaçable.

 

 



[1]             "A partir d'une matrice féminine commune aux filles et aux garçons; l'embryon évolue spontanément vers une anatomie féminine; les chromosomes XX de la fille confirme cette orientation. Les chromosomes XY, du garçon vont mettre ne route un processus pour s'écarter de cette anatomie pour aller vers la masculinité". (Note de René ECOCHARD)

[2]                      E. STEIN La Femme Cerf 2008

[3]           JEAN-PAUL II  Homme et Femme il les créa Cerf 2004 p 85