Le LUF syndrome existe et pose problème pour les méthodes naturelles

René Ecochard

Nous nous sommes posé deux questions :

La syndrome dit « du follicule lutéinisé non-rompu (LUF) » existe-t-il ? Et s’il existe, cela pose-t-il un problème  pour les méthodes naturelles ?

Nous choisirons tout d'abord une définition du LUF syndrome. Puis nous montrerons trois exemples de cycles pour lesquels nous faisons l'hypothèse d'un LUF syndrome. Enfin nous dirons en quoi cela pose problème actuellement pour les méthodes naturelles, et en quoi cela n'a pas grande importance.

Deux définitions du LUF syndrome

Il y a plusieurs définitions du LUF syndrome.

Les 5 catégories de processus folliculaires décrits par Jim Brown et Len Blackwell

Jim Brown (1), connu  pour ses nombreux travaux sur le cycle féminin auprès des Drs Billings, a décrit tout un continuum dans le processus de croissance folliculaire. Nous devons à Len Blackwell (2), son élève et successeur, plusieurs publications qui permettent d'entrer dans cette réflexion sur le processus de croissance folliculaire.

Le  développement folliculaire peut évoluer de 5 manières différentes:

- Ovulation avec un corps jaune normal : Cycle ovulatoire pleinement fertile si pregnandiol urinaire est de 3mg/24h ou plus.

-       Pas d'ovulation, si pregnandiol urinaire est inférieur à 1.6 mg/24 h,

-       Pas d’ovulation et pourtant un Follicule lutéinisé non rompu (LUF), si pregnandiol urinaire est de 1.6 mg/24 h ou plus sans atteindre 2 mg/24h,

-       Ovulation suivie d'un corps jaune déficient ou d'une phase lutéale courte si ), si pregnandiol urinaire est de 2mg/24 ou plus sans atteindre 3 mg/24 h;

Ces 5 états permettent en effet de décrire tout le continuum observé de la période pré-pubertaire à la période post-ménopausique, y inclus la période post-partum. La définition utilisée repose sur un niveau de pregnandiol, c’est-à-dire un signe indirect : ce niveau ne dit pas que le follicule est rompu ou non. Il reste un doute. Mais cette présentation de Jim Brown est utile.

Sur le site http://www.billingsmethod.org, vous pourrez trouver les 2 schémas suivant fort utiles pour expliquer ce qu'est le LUF:

La figure de gauche montre un exemple de LUF qui est suivi d'un second développement folliculaire, qui aboutit à l'ovulation. La figure de droite montre un exemple dans lequel un corps jaune insuffisant est associé à la non-rupture du follicule avant sa lutéinisation.

Dans la suite, nous présenterons des exemples correspondant à la figure de gauche: LUF suivi par une ovulation.

Le LUF syndrome, follicule lutéinisé non rompu

Nous rappelons ici la définition du LUF: un follicule lutéinisé non-rompu, c’est-à-dire  le follicule est modifié, sécrète de la progestérone, sans être rompu.

Pour affirmer son existence il serait nécessaire de faire une coelioscopie lors d'un niveau élevé de progestérone, pour constater qu'il y a tout à la fois lutéinisation (le corps jaune sécrète la progestérone) mais pas de signe de rupture du follicule à la surface de l'ovaire. Ceci n'est qu'exceptionnellement réalisé.

Présence dans l'ovaire d'un follicule qui se lutéinise plusieurs jours avant l'ovulation

C'est ce que nous abordons ici. Il s'agit de décrire des cycles avec des arguments hormonaux et échographiques en faveur de la lutéinisation d'un follicule, alors même que l'ovulation n'a pas eu lieu. Il y aurait donc une lutéinisation d'un follicule avec absence de rupture.

Parmi 283 cycles de 102 femmes pour lesquels nous disposons de dosages quotidiens d'hormones du cycle et d'une datation échographique de l'ovulation par échographie, nous avons identifié quelques cycles qui font évoquer l'existence d'une lutéinisation d'un follicule plusieurs jours avant la période ovulation confirmée par échographie.  Il y aurait donc un LUF avant l’ovulation Nous présentons ici trois cycles.

Présentation de 3 cycles avec lutéinisation d'un follicule plusieurs jours avant la période ovulation

Figure 1 femme 505, cycle 3

Le cycle 3 de la femme dont l'identifiant est 505 présente une première montée de la progesterone, à partir du 6ième jour du cycle. Cette montée de la progestérone est accompagnée de mouvements important de FSH et de LH. La FSH est alors à son plus haut niveau du cycle, et un premier pic LH accompagne la montée de progestérone.

Après quelques jours la progestérone redescend alors que les estrogènes font leur pic préovulatoire. La fin du cycle se passe normalement.

L'observation du mucus ne semble pas avoir été perturbée, mais la notation est insuffisante, ce qui empêche d'être affirmatif.

L'observation de la température a été marquée par une légère hausse pendant l'épisode de montée de progestérone que nous décrivons. Le LUF a perturbé la lecture de la courbe thermique, sans l'empêcher.

Il est possible que tout cela reflète un mouvement hormonal avec lutéinisation d'un ou plusieurs follicules plusieurs jours avant l'ovulation. La suite du cycle semble se passer normalement.

Figure 2 femme 608, cycle 1

Le cycle 1 de la femme dont l'identifiant est 608 nous a paru présenter une anomalie, car le dosage sanguin de progestérone était très élevé plusieurs jours avant l'ovulation. Nous ne disposons que de un jour de dosage de progestérone sanguine, mais nous disposons de dosages des dérivés urinaires des estrogènes, de la progestérone, de la FSH et de la LH tous les jours. Nous remarquons au cours de ce même cycle, un pic de FSH à J9 suivi d'un pic de LH et des estrogènes. La courbe thermique est perturbée elle aussi. Il est possible que tout cela reflète un mouvement hormonal avec lutéinisation d'un ou plusieurs follicules plusieurs jours avant l'ovulation. La suite du cycle n'est pas classique en ce qui concerne l'évolution des estrogènes et de la LH après le jour d'ovulation identifiée par l'échographie.


Figure 3 femme 404, cycle 1

Le cycle 1 de la femme dont l'identifiant est 404 est très perturbé: notons pour commencer qu'il est long avec une ovulation survenant après le 30ième jour. Cette ovulation a suivi des "appels répétés" par la LH surtout depuis le 20ième jour. (Notons en passant que la LH était élevée, par exemple à 23.5 mIU/ml le 25ième jour, une semaine avant l'ovulation. Cela peut remettre en question la confiance mise dans les bandelettes LH pour affirmer l'ovulation).

La période folliculaire est marquée par plusieurs mouvements de FSH et LH ainsi que des estrogènes et de la progestérone. Tout cela est compatible avec des "essais" ovulatoires qui n'ont pas abouti: aucun de ces essais, avant celui de J33 n'avait abouti à l'installation d'un corps jaune. Ces anomalies de la période folliculaires sont à mettre en relation (comme cause ? ou comme un maillon de la chaine causale?) avec le caractère très tardif de l'ovulation.


Conclusion

Ces observations tendent à confirmer qu'il y a des cas où des ondes de développement folliculaire existent en période préovulatoire, allant parfois jusqu'à la sécrétion de progestérone. Tout rentre plus ou moins dans l'ordre dans les jours qui suivent avec ovulation, dans les exemples que nous avons présentés. Cela ne remet pas en cause les règles des méthodes Billings ou Sympto-thermiques, qui ne sont pas prises en défaut.

Mais cela comporte plusieurs inconvénients : la courbe de température peut-être plus difficile à lire si le niveau bas est trop haut à cause de l'épisode de progestérone; le profil de glaire peut-être perturbé par des épisodes de glaires n'aboutissant pas tout de suite à l'ovulation; les bandelettes type LH peuvent être prises en défaut par des pics successifs dont le premier n'a pas abouti à l'ovulation.

Bibliographie

1 - Brown JB. Types of ovarian activity in women and their significance: the continuum (a reinterpretation of early findings). Hum Reprod Update. 2011 Mar-Apr;17(2):141-58.

2 - Blackwell LF, Vigil P, Cooke DG, d'Arcangues C, Brown JB. Monitoring of ovarian activity by daily measurement of urinary excretion rates of oestrone glucuronide and pregnanediol glucuronide using the Ovarian Monitor, Part III: variability of normal menstrual cycle profiles. Hum Reprod. 2013 Dec;28(12):3306-15.

3 – Leiva R, Bouchard T, Boehringer H, Abulla S.  Ecochard R. Random Serum Progesterone Threshold to Confirm Ovulation. Steroïds 2015, to appear.