Hypofertilité et intolérances alimentaires :Y a-t-il des arguments forts pour l’existence de liens ?

Dr Tatjana Barras-Kubski/ CH FMH méd. int. Consultante NAPRO

 

INTROD : Il est déjà bien connu que le SPM et la dysménorrhée s’améliorent nettement avec des changements alimentaires. Dr Thadée Nawrocki (France), spécialiste entre autres en génétique et embryologie, m’a éveillé au lien génétique entre l’endométriose, et dans une moindre mesure les ovaires polykystiques, et les intolérances alimentaires.

MATERIEL ET METHODE : J’ai analysé mes 20 premiers cas NAPRO: (4 exclues :un prolactinome et 3 arrêtèrent les graphiques au 1 er cycle) Le suivi a duré 2 ans. Les 16 femmes restantes avaient 34,6 ans en moyenne, essayant de concevoir depuis 37 mois et il y avait eu 0,8 fausse-couche par femme.

Mes meilleurs outils diagnostics ont été :

 -l’observation de la peau sèche des jambes (squames ou comme des écailles :terrain psoriasique) et souvent d’une peau râpeuse au-dessus du coude ( minuscules papules)

 – une anamnèse alimentaire approfondie et des essais d’éviction pour 3 semaines du gluten, puis rajouter l’exclusion des produits laitiers de vache pour 3 sem. supplémentaires (ou vice-versa) et observer s’il y a une amélioration des symptômes après 3-4 sem. Il est aussi important d’éviter des produits acidifiants : sodas, alcool, café, thé noir, jus d’orange. S’il y a une hyperacidité gastrique, éviter les alim. avec histamine non tolérés tels le vin, la bière, la charcuterie, l’Emmental, les noix, les tomates, fraises, kiwis et chocolat etc.

- obs. des symptômes d’intolérance qui apparaissent surtout 1 à 3 jours après l’ingestion d’un aliment

Une simple prise de sang aide aussi à suspecter une intolérance alim. : ferritine < 30 ng/ ml ( souvent liée à une intolérance au gluten !), vitamine B 12, vit. D, acide folique ou zinc abaissés.

RESULTATS : L’anamnèse révèle que 7 femmes avaient eu un traitement (tt) pour une endométriose, 2 n’avaient pas d’endométriose, 1 avait un SOPK et 7 n’avaient pas eu de laparoscopie. 62 % de ces femmes souffraient de dysménorrhée ( moyenne à sévère chez la moitié) et 75% avaient un syndrome pré-menstruel nécessitant un tt.

L’analyse des cycles montre qu’ils ont duré entre 25 et 33 jours, la glaire était de qualité pauvre à moyenne ( 5,5-9 pts) et la phase après le pic de glaire (PPP) a duré entre 10 et 13 jrs .

87% des femmes avaient une intolérance alim. (56 % des conjoints !)

10 aux produits laitiers et au gluten (6 )

2 aux produits laitiers (1 )

1 au gluten ( 0 coeliaquie) (1 )

1 au gluten, aux produits laitiers et à ceux avec histamine (1)

56% des conjoints avaient un déficit du spermogramme léger à sévère.

Il y a eu 7 ( 43%) grossesses à terme pendant les 2 premières années de suivi dont 3 avant 6 mois et 3 autres entre 6 et 12 mois et 1 à 23 mois (seulement 1 a eu besoin d’une stimulation au Clomifène ; 2 autres avaient eu ≥ 3 stimulations hormonales sans succès).

EX : Une patiente de 38 ans désirait avoirun 2e enfant depuis 4 ans. Elle avait été opérée pour une endométriose et la peau de ses jambes était sèche et comme des « écailles de poisson. » Elle avait eu 3 inséminations (de conjoint) puis 3 cycles avec stimulations hormonales sans succès. Les hormones lui avaient provoqué des nausées, des ballonnements, de la fatigue et une prise de 6 kilos. « Elle avait la digestion «délicate » depuis qu’elle était bébé. Sous changement alimentaire, elle est devenue enceinte au 5ème cycle ! La peau des jambes était moins squameuse. Elle a eu des nausées le 1er trimestre malgré le régime, puis des contractions prématurées en fin de grossesse, surtout lorsqu’elle faisait des écarts alimentaires importants. Elle a accouché à terme, par voie basse d’un 2e garçon.

DISCUSSION : Il y a eu 3 fausses-couches (62 % de conceptions !) dont une femme au 1er cycle de changement alimentaire (mais 5 e cycle d’observation) qui a conçu à nouveau après 3 mois de changement alimentaire avec un bébé à terme. (Deux conceptions naturelles avec acct à terme ont encore eu lieu à 34 et 35 mois sous changement alim.). Il est suggéré d’éviter les relations en période fertile pendant les 3 premiers mois de changement alimentaire pour récupérer des déficiences. Il y a eu plusieurs fausses-couches chez mes 100 patientes hypofertiles suivantes qui n’ont pas suivi ce conseil. Il y a encore eu 2 conceptions naturelles à 34 et 35 mois avec accouchement à terme et poursuite du régime. Le lien entre l’hypofertilité et les intolérances alimentaires est dû au fait que plus de 30 % de la population caucasienne a une prédisposition génétique au terrain psoriasique ( peau des jambes sèche). confirmée par la recherche génétique HLA et les sous-groupes spécifiques. Ces sous-groupes indiquent souvent une prédisposition aux malabsorptions intestinales à l’origine des intolérances alimentaires !(Dr T.Nawrocki)

 

Pourquoi les aliments sont-ils si souvent la cause d’intolérances alimentaires ? Les intestins dépliés équivalent à la surface d’un terrain de football et sont plus exposés aux allergènes extérieurs : aliments modifiés, pesticides, colorants, conservateurs, etc., que les alvéoles pulmonaires ( court de tennis ) ou la peau ( 2 m2). Et la qualité des aliments a beaucoup diminué ces dernières décennies par ex. le taux de gluten du blé a été augmenté plusieurs fois afin qu’il soit plus élastique et facilement panifiable par des machines.! Auparavant le taux de gluten était resté stable pendant 10’000 ans !Le lait hautement pasteurisée (≥120 C °) subit dèjà une modification, que dire du lait UHT (165C°) ?

Le blé*, l’épeautre et le kamut contiennent le plus de gluten : 70 % (les prolamines surtout peuvent être nocifs)

L’orge* : 50% le seigle* : 30-50 %    (*les plus toxiques)

Le maïs : 55 % le millet : 40 % ( beaucoup moins nocifs)

L’avoine : 10-20% le riz :5 %  ( rarement pas tolérés)

Des semences : quinoa, sarrasin, amarante : 0%

 

Différence entre une intolérance et une allergie alimentaire? Une allergie est une réaction immédiate liée aux Ig E. ( aucun patient)

La cœliaquie est le plus haut degré d’intolérance au gluten avec des anticorps et /ou des biopsies duodénales positives (< 3 % des patients). Le test respiratoire ou sanguin d’intolérance au lactose est facile à faire. Les tests génétiques sont rarement nécessaires.

Les patients ont des intol. alim. à des degrés divers et demandent parfois des tests sanguins d’intolérance à 60-100 aliments ou plus ( Ig G ou lymphocytes) dont l’interprétation est parfois douteuse mais qui peuvent aider certaines personnes. La di-amino-oxydase< 10-15U/ml : intol. aux alim avec histamine .

 Symptômes associés à la cœliaquie (dans une moindre mesure à des intol.alim.)

Généraux : fatigue générale (après un repas, irritabilité, céphalée, migraines, vertiges sur hypotension). Mal de mer/ voiture :intol. à alim. avec histamine.

Digestifs : diarrhée, coliques ( reflux, ballonnement, constipation chronique, nausées, vomissements, vite rassasiée, toux sèche) etc

Dermatologiques : psoriasis, dermatite herpétiforme, alopécie, stomatite aphteuse (peau sèche, eczéma, urticaire, démangeaisons)

ORL : (nez bouché ou qui coule, glaires dans le cou, lèvres sèches, gorge sèche)

OA : crampes musculaires fortes ( myalgies des épaules etc, raideur articulaire)

Hématologiques : ganglions abdominaux augmentés (ferritine basse :augmente après un régime sans gluten, Vit B12, acide folique, vit D, Zn abaissés).

TT : Eviter les aliments non tolérés jusqu’au 3-4 ème mois de grossesse ( selon les symptômes) puis réintroduire progressivement les alim. à base de gluten 2-3x / sem. sur des jrs alternants ( pairs) et environ un mois après, les produits laitiers de vache ( jrs impairs) et surtout observer les symptômes du patient !

Compléments : oméga 3 et 3 càs de huiles 1 ère pression à froid / jr, complexe de vit. et de minéraux, vit B12 si <250pmol/l, mg, vit D si< 75nmol/l.

CONCLUSION : Ce fut une surprise de découvrir un taux si élevé d’intolérances alimentaires ( surtout au gluten et aux produits laitiers de vache) chez des patients hypofertiles, surtout chez les avec endométriose et chez plus de la moitié des conjoints. Cette proportion se maintient chez mes environ 100 couples suivants. J’émets l’hypothèse que les femmes avec des « investigations gynécologiques normales », mais qui sont « hypofertiles » ( malgré des stimulations, inséminations ou FIV) ou qui ont eu des fausses-couches à répétition, ont souvent des intolérances alimentaires !

 J’ai observé que traiter les intolérances alimentaires revient à :

-aider à traiter l’aménorrhée ( liée à la coeliaquie) et les problèmes de cycle tels que l’insuffisance lutéale etc. et améliorer la qualité de la glaire cervicale.

- diminuer les vaginites, vulvites (mycoses) et pseudo-cystites.

 - favoriser la conception et réduire les fausses-couches. ( Les intolérances alim affectent la « fécondabilité » de l’ovocyte, sa nidation et le maintien de la grossesse. Communication du Prof Dr Karl Reichelt/N).

- diminuer pendant la grossesse les nausées et vomissements ainsi que la prise de poids excessive de la maman et réduire peut-être les contractions et les accouchements prématurés.

- offrir au bébé un lait sans coliques ( s’il n’a pas de symptômes, assouplir la diète maternelle selon ses symptômes)

t.barras@bluewin.ch ( ateliers par skype ou téléphone) www.cyclefeminin.ch

 

LITT: Spectrum of gluten-related disorders:consensus on new nomenclature and classification. Anna Sapone et al. BMC Medicine 2012,10:13 www.biomedcentral.com/1741-7015/10/13

Effects of histamine and diamine oxidase activities on pregnancy . a critical review Laura Mintz et al Natalija Novak Human reproduction update, Vol.14, No.5 pp. 485-495, 2008

Histamine and histamine intolerance Laura Maintz, Natalija Novak Am J Clin Nutr 2007; 85:1185-96