Projet Serenità: une étude prospective multicentre d'observation de l'efficacité des méthodes de planification familiale naturelle (PFN) par comparaison à celle de Procréation Médicalement Assistée (PMA) pour les couples hypofertiles sans raison apparente désireux de réaliser une grossesse.

Serena Del Zoppo, Michele Barbato

 

Contexte

Dans la société occidentale moderne, le comportement vis-à-vis de la procréation a radicalement changé au cours des deux dernières décennies: la maternité et la paternité sont désormais soigneusement planifiées, généralement à un âge avancé vis-à-vis des capacités de concevoir, après de longues périodes de contraception. Ce comportement a pour effet une diminution de la fécondité moyenne et des impacts sur la santé physique et psychologique du couple, avec des conséquences économiques et organisationnelles considérables sur le système de santé public.

Deux approches existent pour faciliter la réalisation d’une grossesse : la Procréation Médicalement Assistée (PMA) et la planification familiale naturelle (PFN).[1]

Un grand nombre de couples ayant des problèmes de fertilité ont accès à des centres de PMA en vue de les aider à conception, mais les techniques proposées impliquent souvent un traitement démesuré pour les couples qui ont encore une perméabilité tubaire sur l’une des trompes, l'absence d'azoospermie et des cycles ovulatoires, sachant que dans cette population la rencontre des gamètes dans le corps de la femme est souvent possible si les unions sont réalisées lors de la phase fertile du cycle. En outre, les techniques de PMA représentent des coûts élevés pour le système de santé des Etats et pour les utilisateurs eux-mêmes, et sont associées à des complications telles que des grossesses multiples et le syndrome d'hyperstimulation ovarienne.

L'efficacité des PMA a été largement étudiée, alors qu'il y a eu seulement quelques études et que seulement quelques données sont disponibles pour les méthodes de PFN dans le domaine de l'infertilité.

 

Objectifs de l'étude

Le but précis du projet Serenità est de comparer des résultats de PFN tant avec des données de la littérature qu’avec ceux de la PMA en termes de grossesses et d'accouchements.

Cette étude est en cours, en conséquence seules des données partielles sur les couples utilisant la PFN sont analysées et discutées.

Dès lors, bien que l'objectif principal consiste à évaluer le nombre de grossesses réussies et leur parcours, seul le taux de conceptions est évalué ici, certaines grossesses étant toujours en cours.

 

Matériel et méthodes

Le projet Serenità est une étude prospective multicentre de suivi de couples hypofertiles répartis en 2 groupes : le groupe PFN (groupe étudié) et le groupe PMA (groupe témoin). La durée de l'ensemble du projet est de 3 ans, sachant que chaque couple est suivi pendant 1 an; les couples inscrits subissent des tests diagnostiques pendant la période de suivi afin de confirmer le diagnostic d'infertilité en cause et leurs tableaux sont vérifiés de façon régulière à 3, 6, 9 et 12 mois.

L'objectif de cette étude est de décrire le taux de grossesse et le taux de naissances dans les deux groupes étudiés.

Les couples inscrits répondent aux critères d'inclusion suivants:
- Ce sont des couples mariés ou stables

- Les femmes ont entre 18 et 45 ans au moment de l'admission (les femmes sont réparties en groupes d'âge: ≤ 29, 30-34, 35-39, ≥ 40)

- Les hommes ont plus de 18 ans

- Les deux membres du couple ne doivent pas être temporairement ou définitivement infertiles (stérilisation, utilisation d’une contraception hormonale ou du stérilet)

- Ce sont des couples considérés comme étant hypofertiles. En particulier, des couples qui, ayant eu des unions non protégées pendant au moins un an, n'ont pas conçu.

Les couples inscrits doivent accepter de participer au projet pendant au moins 12 mois et, si ce n'est déjà fait, doivent effectuer durant cette période les examens diagnostiques d'infertilité de premier niveau afin d'exclure un diagnostic clinique de ménopause, d’azoospermie ou d’obturation des deux trompes.

Concernant le groupe PMA, des médecins traitants des couples hypofertiles qui sont inclus dans les critères du projet, leur demandent leur consentement écrit pour les y inscrire. Ils prescrivent tous les examens diagnostiques nécessaires et recueillent des informations complètes sur le moment et le nombre de procédures de PMA choisies. Au cours du suivi, ils indiquent si chaque cycle spécifique a été effectif pour une conception et pour la poursuite d’une grossesse.

Des enseignants compétents et qualifiés en PFN opérant sur le territoire italien inscrivent les couples après avoir obtenu leur consentement écrit et ils collectent leurs antécédents médicaux et les résultats des tests de diagnostic effectués. Ces couples inscrits expriment leur volonté d'utiliser des méthodes de PFN pendant au moins 12 mois. Chaque couple est suivi par un(e) enseignant(e), qui l’informe sur la façon d'observer et d'enregistrer les signes et les symptômes de fertilité sur une feuille appropriée, en lui donnant les règles de la méthode sympto-thermique CAMe.N. pour l'identification de la phase fertile du cycle menstruel.

 

Résultats et discussion

Comme le projet Serenità est en cours et que les suivis de PMA sont encore incomplets, les données analysées et discutées ici sont préliminaires.

De novembre 2010 à juillet 2012 dans les centres italiens participant à l'étude, 46 couples au total étaient inscrits. 3 des 46 couples furent exclus : un couple parce que l’analyse du sperme réalisée pendant la période de l’étude révéla une azoospermie, condition retenue comme critère d’exclusion, un autre couple ne fut pas retenu sachant qu’ils arrêtèrent sans jamais avoir été suivis ni avoir remis un tableau. Les données fournies par un couple étaient si incomplètes que l’analyse du temps requis pour obtenir une grossesse ne put être déduite. La cohorte finale est donc constituée de 43 couples.

La durée moyenne pendant laquelle les couples avaient essayé de concevoir avant lors enrôlement était de 38,8 mois (12 à 120 mois, SD ± 29,5). Environ 12% des couples avaient déjà tenté une PMA. 15 couples (35%) avaient réalisé au moins une grossesse précédemment, dont environ la moitié (7 couples) avait abouti à au moins une naissance.

Sur les 43 couples inscrits, 9 (20%) se sont retirés de l'étude avant la fin de la période d'observation obligatoire de 12 mois : 3 parce que perdus de vue et n’ayant pas participé au suivi, un couple choisit d’adopter, 3 couples ne désiraient plus concevoir, un couple se retira par découragement et enfin un pour raison médicale.

Au total, 24 grossesses ont eu lieu, soit 55,8% des couples inscrits. Sur ces 24 grossesses, 5 (20,8%) sont toujours en cours, 15 (62,5%) se sont terminées par une naissance; et 4 (16,7%) par une fausse couche.

Le poids moyen des 15 nouveau-nés a été de 3Kg300, les grossesses ont eu un cours normal et ont correspondu à une grossesse simple, sauf dans un cas d’une grossesse gémellaire.

La durée moyenne pour les couples qui avaient essayé de concevoir fut de 25,8 mois pour ceux qui conçurent, comparée à 42 mois pour les couples qui ne conçurent pas dans les 12 mois d'observation, mais la SD (déviation standard - indique quelle est la dispersion par rapport à la moyenne) est très élevée pour les deux groupes, et les couples qui avaient essayé de concevoir depuis des années (jusqu'à 10 ans) réussirent: malgré l'impact pronostique positif de courte durée d'hypofertilité, même des couples hypofertiles depuis longtemps ayant au moins une trompe perméable, des cycles ovulatoires et une absence d'azoospermie peuvent tirer bénéfice de la PFN.

Le taux d’abandon est élevé, puisque 20% des couples n'ont pas terminé les 12 mois d'observation attendus, et ne conçurent pas, toutefois ce pourcentage est inférieur à celui des études similaires concernant des couples hypofertiles où le taux d'abandon est de 45% après 12 mois d’observation et 69% après 24 mois (Stanford).

 

Conclusions

Les résultats préliminaires sur les couples qui utilisent la PFN au sein du projet Serenità montrent un impact pronostique positif d’âge jeune tant chez les hommes que chez les femmes ; les couples ayant essayé précédemment de concevoir sont plus susceptibles de réaliser une grossesse en se basant seulement sur l'observation des signes de fertilité.

Ces résultats sont comparables à ceux d'autres études. L'étude semble indiquer que la présence d'antécédents de chirurgie abdominale, ainsi que de PMA antérieur ou de paramètres altérés du sperme n'affectent pas l'efficacité de la PFN dans les couples hypofertiles, cependant ces données ne sont pas définitives étant donnée la petite taille de l'échantillonnage.

Malgré le faible nombre d'échantillons examinés cette étude démontre que la PFN est une proposition viable pour les couples hypofertiles, sachant que les chances de conception sont comparables à celles de techniques plus invasives, ce qui est en accord avec des études similaires et est conforme au niveau bas en Italie dans le domaine de la médecine de la reproduction, lequel établit le principe de progressivité dans le choix du traitement.

 

Bibliographie

·        Stanford JB, Mikolajczyk RT et al. Probabilités cumulées de grossesse parmi les couples hypofertiles: effets de différents traitements. Fertil Steril 2010 Vol. 93, n ° 7, 2175-81

·        Stanford JB, Parnell TA, Boyle PC. Résultats du traitement de l'infertilité avec une technologie de procréation naturelle dans une pratique généraliste en Irlande. J Am Med Conseil Fam 2008; 21:375-384

·        Barbato M, Bertolotti G. Les méthodes naturelles de régulation de la fertilité: une étude prospective - Première Partie. Int J Fertil. 1988; 33 Suppl :48-51.

·        C.Gnoth, E.Godehardt, P.Frank-Herrmann, K.Friol, Jürgen Tigges et G.Freundl: Définition et prévalence de l’hypofertilité et de l'infertilité. Human Reproduction Vol.20, No.5 pp 1144-1147, 2005.

 



[1] En Italie, la loi 40/2004 définit le champ de la Procréation Médicalement Assistée (PMA), et statue qu’une approche graduelle est nécessaire au problème de l’infertilité, en commençant par la procédure la moins invasive et la moins couteuse possible.