Restaurer le cycle, qu’il y ait ou non désir d’enfant

Introduction :

Depuis plus de 20 ans l’IEEF fédère des associations qui s’intéressent à la reconnaissance des signes de fertilité et de non fertilité du cycle féminin par la femme elle-même et par le couple. De façon plus ancienne encore, rappelons les efforts de la Fédération Internationale D’Action Familiale qui depuis la fin des années 70 a eu la même activité sur le plan mondial.

Notre spécificité, notre compétence, est l’observation, l’auto observation. Les signes de fertilité et leur observation n’ont cessé d’être mieux connus et mieux utilisés par la femme et le couple, mais aussi par les médecins et les chercheurs. L’objectif de ces observations, de cette connaissance est multiple. Cette reconnaissance des jours de fertilité et de non fertilité du cycle féminin est utilisée pour une authentique méthode de régulation des naissances, les méthodes sont maintenant bien codifiées, elles ont fait l’objet de nombreuses études qui en ont confirmé le bien fondé.

Cette connaissance a aussi été mise au service de la conception d’un enfant, lorsque celui-ci tarde à paraitre. Il y a un espace entre ces deux domaines qui est peu exploré et qui fait l’objet de ce travail.

Nombreux sont les couples qui rencontrent des difficultés pour appliquer les méthodes naturelles, soit en raison de la période de latence difficilement reconnaissable, soit en raison d’une période fertile très longue, soit en raison d’une période non fertile post ovulatoire trop courte, ce que nous avons l’habitude d’appeler les corps jaunes courts. L’objet de ce travail sera la période non fertile post ovulatoire reconnue par les signes observés par la femme, grâce au signe sommet de la glaire ou grâce au décalage de la température.

Matériel et méthode :

Pour cela nous avons repris les données d’une étude faite en 1997 [référence 1] :

107 femmes ont participé à cette étude ; elles observaient les signes de fertilité, glaire et température tous les jours du cycle. Pour chaque cycle, une échographie ovarienne était pratiquée pour identifier le jour de l’ovulation, pendant la période fertile, reconnue par l’observation de la glaire. De plus, des dosages urinaires des œstrogènes, de progestérone, de FSH et LH étaient pratiqués quotidiennement.

L’étude porte sur 283 cycles, pour lesquels le jour de l’ovulation a été reconnu par échographie.

Nous avons comparé la durée de la période non fertile post ovulatoire reconnue par ultrason à la durée de la période infertile postovulatoire reconnue par les signes observés, glaire et ou température.

Résultats :

1.     Description de la durée non-fertile post-ovulatoire, comparée à la durée d’infertilité réelle

La durée d’infertilité réelle est comptée comme allant du lendemain de l’ovulation diagnostiquée par échographie à la veille de la survenue des règles suivantes. Sur 180 cycles pour lesquelles nous disposons d’une mesure de la durée de la période non-fertile post-ovulatoire reconnue par la méthode Billings, cette durée est inférieure à 9 jours dans 34 (19%) cycles. Sur 240 cycles pour lesquelles nous disposons d’une mesure de la durée de la période non-fertile post-ovulatoire reconnue par la méthode sympto-thermique, cette durée est inférieure à 9 jours dans 66 (27.5%) cycles. Le graphique suivant présente la durée de la période non-fertile post-ovulatoire vraie (en gris) ou estimée par une méthode naturelle.

 

Le graphique de gauche est utilisé pour présenter la durée de non-fertilité reconnue par la méthode Billings. Celui de droite présente la durée de non-fertilité reconnue par la méthode thermique (lecture de la courbe selon la méthode 3 sur 6). En noir est représenté les jours non-fertiles reconnus, en gris les jours non-fertiles vrais, d’après l’échographie. Il s’agit d’histogrammes : en abscisse, le nombre de jours, en ordonnée la fréquence des cycles avec ce nombre de jours non-fertiles post-ovulatoires.

 

Ce graphique nous permet plusieurs remarques :

·        Peu de cycles ont une durée non-fertile post-ovulatoire vrai (barres grises) inférieure à 10 jours d’après l’échographie; la situation la plus fréquente est 13 ou 14 jours vraiment non-fertiles en post-ovulatoire.

·        Mais, la situation la plus fréquente du nombre de jours non-fertiles post-ovulatoires reconnu par la méthode Billings et la méthode sympto-thermique est 9 jours.

Ce retard de 4 ou 5 jours à la reconnaissance de l’entrée en période non-fertile post-ovulatoire n’est pas en soit étonnante, car l’ovulation est réputée se produire proche du signe sommet de la méthode Billings ou pendant le décalage de température. Or, l’entrée en période non-fertile post-ovulatoire est déclarée seulement respectivement le soir du 4ième jour qui suit le sommet et le matin du 3ième jour haut de température. Dans un certain nombre de cycles, le retard est moins grand, comme le montrent les cycles avec 11 à 13 jours non-fertiles post-ovulatoires reconnus par méthode Billings ou sympto-thermique.

Mais dans bien des cas, la durée de la période non-fertile post-ovulatoire reconnue est très inférieure : 7 ou 8 jours, voire moins.

De cette première analyse, nous déduisons qu’il y a peu de périodes non-fertiles post-ovulatoires courtes dans notre échantillon, mais un nombre conséquent de cycles où peu de jours non-fertiles sont reconnus, signant un retard « anormalement long » des méthodes naturelles pour reconnaître cette infertilité.

2.     Présentation du retard de reconnaissance de l’entrée en période non-fertile post-ovulatoire

Nous présentons ici, le nombre de jours non-fertiles post-ovulatoires non-reconnus par les méthodes naturelles. Pour faciliter la lecture nous distinguons trois situations :

 

·        Des retards de moins de 3 jours, très favorables, représentés en vert

·        Des retards de 3 ou 4 jours, tout à fait compatibles avec ce qu’on connaît des méthodes naturelles, représentés en rouge,

·        et enfin des cas de retard de 5 jours ou plus, présentés ici comme des retards conséquents, notés en noir..

Ces retards conséquents feront bien souvent parler, à tort, de phase lutéale courte, alors que cette brièveté apparente est simplement le résultat d’un retard de reconnaissance de l’entrée en période non-fertile post-ovulatoire

3.     Recherche des facteurs hormonaux associés aux retards de reconnaissance de l’entrée en période non-fertile post-ovulatoire

Nous recherchons successivement deux relations :

·        Les niveaux d’estrogènes et de progestérones le jour de l’entrée en période non-fertile post-ovulatoire reconnue.

·        Puis, l’évolution des taux de FSH, LH, estrogènes et progestérone pendant le retard, c’est-à-dire les jours qui séparent l’ovulation et la reconnaissance de l’entrée en période non-fertile post-ovulatoire reconnue.

a.     Les niveaux d’estrogènes et de progestérones le jour de l’entrée en période non-fertile post-ovulatoire reconnue.

Retard dans le cas de la méthode sympto-thermique

Dans les graphiques ci-contre le jour 0, en abscisse, est le premier jour reconnu comme non-fertile par la méthode. Les 4 graphiques représentent respectivement les évolutions moyennes de la température, de la progestérone (PDG), des estrogènes (E1G) et du rapport des deux E1G/PDG représentant l’équilibre hormonal. Les lignes verte, rouge et noire représentent : les courbes sans retard (vert, trait plein), avec retard faible (rouge, tirets) ou avec retard important, de 5 jours ou plus (noir, pointillés).

 

 

 

Nous remarquons que l’entrée en période non-fertile post-ovulatoire reconnue par la température se fait à des taux plus élevés de progestérone (ce n’est donc pas un retard de montée de la progestérone), mais pour des taux aussi plus élevés des estrogènes ! Le ratio E1G/PDG atteint son niveau bas, post-ovulatoire, au moment de la reconnaissance de l’entrée en période non-fertile post-ovulatoire, quel que soit le retard. Le retard est donc associé à un niveau particulièrement élevé des estrogènes : la progestérone doit donc monter plus haut pour que l’entrée en période non-fertile soit reconnue.

Retard dans le cas de la méthode Billings

 

 

Nous faisons un constat comparable : l’entrée en période non-fertile reconnue par le mucus correspond à des niveaux bas du ratio E1G/PDG atteint en retard, non pas à la suite d’un retard de la progestérone, mais d’un maintien des estrogènes à des niveaux plus élevés.

 

 

b.     Evolution des taux de FSH, LH, estrogènes et progestérone pendant le retard, c’est-à-dire les jours qui séparent l’ovulation et la reconnaissance de l’entrée en période non-fertile post-ovulatoire reconnue

Nous recherchons ici si une particularité, voire une anomalie du cycle, expliquerait le retard de détection de l’entrée en période non-fertile post-ovulatoire

Retard dans le cas de la méthode sympto-thermique

Nous présentons ci-contre l’évolution des taux de FSH et de LH autour de l’ovulation en fonction du retard entre le début de la non-fertilité post-ovulatoire et sa reconnaissance : pas de retard (vert, ligne continue), retard faible (rouge, tirets) ou retard de 5 jours ou plus (noir, pointillés).

 

 

Ces graphiques montrent qu’il n’y a pas de retard du pic FSH, mais que la LH poursuit son pic après l’ovulation, ce qui a récemment été présenté comme signe d’un retard, ou plutôt d’une lenteur de la lutéinisation du follicule en corps jaune [1].

Les retards de reconnaissance de l’entrée en période non-fertile post-ovulatoire seraient donc éventuellement un reflet d’une lenteur de la lutéinisation, avec persistance de l’activité estrogénique pendant la montée de la progestérone. La LH « persisterait » à un taux élevé jusqu’à l’établissement complet du corps jaune.

Retard dans le cas de la méthode Billings

Nous retrouvons un prolongement conséquent du pic LH après l’ovulation dans les cycles avec retard de la reconnaissance de l’entrée en période non-fertile post-ovulatoire par le mucus.

 

 

Conclusion :

Les périodes non fertiles post ovulatoires courtes, reconnues par l’observation des signes de fertilité par la femme, ne sont majoritairement pas dues à des corps jaunes courts. Ils seraient dus à une lutéinisation lente du follicule, caractérisé par une augmentation des œstrogènes en début de période fertile, des taux de progestérone élevés au moment de l’ovulation et une présence de niveaux élevés de LH les jours qui suivent l’ovulation. Ces retards ne sont pas dus à une insuffisance de progestérone.

Il sera nécessaire de proposer puis de tester un traitement éventuel de ces particularités qui semblent être des anomalies.

Bibliographie

1 - Direito A, Bailly S, Mariani A, Ecochard R. Relationships between the luteinizing hormone surge and other characteristics of the menstrual cycle in normally ovulating women. Fertil Steril. 2013 Jan;99(1):279-85.