« Demeurer »

 

 

Introduction :

En notre monde, la première mission des couples est de demeurer ensemble dans l’engagement pris lors de leur mariage. Nous mesurons bien que ce qui est demandé à l’homme et à la femme, dans la vie de couple, ne peut porter du fruit que si la volonté de demeurer ensemble toute la vie dans ce choix exclusif est comprise en plénitude.

Il parait donc important de s’arrêter sur le sens théologique du verbe « demeurer » tel que la Révélation chrétienne nous le présente. En cela la Révélation vient nous permettre d’avancer dans nos réflexions. L’homme par l’usage de ses facultés peut atteindre à une certaine connaissance de la vérité, mais par et dans la révélation Dieu lui donne d’atteindre ce qui est vrai et la force de le mettre en œuvre.

Le Pape dernièrement disait : « […] En outre, je vous invite tous à redécouvrir la fécondité de l'adoration eucharistique: devant le Très Saint Sacrement, nous faisons l'expérience de façon toute particulière du fait de «demeurer» avec Jésus, que Lui-même, dans l'Évangile de Jean, place comme condition nécessaire pour porter beaucoup de fruit (cf. Jn 15, 5) et éviter que notre action apostolique ne se réduise à un activisme stérile, mais soit au contraire le témoignage de l'amour de Dieu. »[1] Mutatis mutandis nous pouvons appliquer ces paroles pontificales de la vie entre l’homme et la femme.

Dans l’étude du développement de la notion de demeurer, il s’agit tout autant d’entendre l’appel de Dieu à demeurer en sa présence, lui qui est l’Amour, que de demeurer dans l’amour humain qui a sa source en Dieu. Ce deuxième versant de la réflexion est encore à mener. Les pages qui suivent ne se veulent qu’une propédeutique théologique permettant d’entreprendre une anthropologie renouvelée par la révélation chrétienne, anthropologie de la permanence du couple, de ses exigences et de ses fruits. 

Le mot utilisé dans le Nouveau Testament que le français traduit par « demeurer » est menein (menein) qui est d'une très grande richesse de sens. D’après le Dictionnaire Bailly menein exprime le fait de : demeurer, rester, c’est-à-dire : 1) être fixe, stable, sédentaire, en repos ; 2) rester de pied ferme, tenir bon (sens militaire) ; 3) rester en arrière ; 4) demeurer, habiter, rester. Cette polysémie nous permet de découvrir déjà l’importance de ce mot humain dans son utilisation biblique.

Dans l’Évangile selon St Jean, qui est le lieu de la plus grande utilisation de menein, on retrouve ces sens multiples mais convergents. On le traduit par : au sens premier, tenir bon, rester, ne pas changer ; au sens physique, demeurer quelque part (d’où la notion de demeure pour désigner l’endroit où l’on habite) ; au sens spirituel, l’Esprit demeure en une personne, pour un partage d’amour. Il y a donc une gradation (nous y reviendrons dans notre deuxième partie) qui prend racine dans le sens premier et qui mène à la communion.

 

Petite bibliographie :

Vocabulaire de Théologie Biblique, V° « Demeurer », col. 254-257

St Thomas d’Aquin, Commentaire sur l’Évangile de saint Jean : II. La Passion, La Mort et la Résurrection du Christ, Cerf, Paris, 2006, p. 211-230 (sur Jn 15, 1-15).

 

Le développement biblique de la notion de « demeurer »

 

Israël est un peuple qui est toujours en mouvement, peuple de nomades, puis d’exilés. Il n’existe d’ailleurs pas de mot en hébreux pour exprimer l’idée de demeurer. Pour exprimer cette réalité l’hébreu utilise une image. Il s’agit de décrire ce qui est vu : « un homme assis » (Gn 25, 27) exprime l’idée de stabilité, ou alors « les tentes dressées » dans les pâtures, marque l’installation.

La traduction grecque des Septante introduira dans le texte l’idée de maison, de stabilité, de permanence.

Le Peuple de Dieu est toujours en marche, mais il rêve de s’installer, de se reposer. Au soir de chaque grande étape de son histoire, il rêve de dresser ses tentes pour être dans une « sûre demeure » (Dt 12, 8 ss).

Les prophètes, eux, annoncent un lieu d’où le peuple ne sera pas déraciné (cf. Am 9, 15), une tente qui ne sera pas arrachée (Is 33, 20), une maison stable et une cité bien fondée (2 S 7, 9 ss, cf. Is 54, 2).

Pour cela, Dieu annonce qu’il détruira les demeures trop installées (cf. Am 5, 15 ; Jr 12, 14) pour châtier son peuple et le ramener au désert ou l’entraîner vers de meilleurs pâturages (Ez 34, 23-31 ; Ps 23 ; Jr 50, 19).

Ainsi le « demeurer » idéal n’est jamais atteint, il ne trouvera son accomplissement qu’en Dieu.

De fait, la Révélation est traversée par la dialectique entre « ce qui passe » et « ce qui demeure ». Ici-bas, rien ne dure, la vie est courte, elle se fane et meurt (Is 40, 6 ss ; Jb 14, 1s). La stabilité apparente du monde, sa solidité, sa fermeté est proclamé et loué (Ps 104, 5), mais il est aussi annoncé que les cieux seront ébranlés, « roulés » (He 12, 6s), que « le ciel et la terre passeront… » (Mt 24, 35).

L’Alliance accomplie sur la montagne du Sinaï, symbole de la durée, de la puissance et de la fermeté s’est révélée caduque en Jésus Christ. Les hébreux infidèles ne peuvent demeurer sur la Terre promise (Dt 8, 19s ; 28, 30-36), ils ne « resteront pas dans l’Alliance » (He 8, 9-13), cette Alliance sinaïtique est alors relue comme une figure passagère de la Nouvelle Alliance promise et accomplie en Jésus Christ (cf. Jr 31, 31 ; Mt 26, 28 ; Ga 4, 21-31).

Ce monde est donc révélé comme n’étant pas une « cité permanente », il faut en sortir (cf. He 13, 13), il n’est qu’une tente que l’on roule pour partir vers la Cité Sainte.

Dieu seul demeure, Il est Celui qui est, qui était et qui vient (Ap 4, 8 ; 11, 17), « Il est le Dieu Vivant qui perdure à jamais » (Dn 6, 27 ; Ps 102, 27s). Il est le Rocher fort et stable, sa parole, son Dessein, sa promesse, sa royauté, sa justice, son amour demeurent à jamais. Dieu est Celui qui donne stabilité à tout ce qui sur la terre est stable, dans l’ordre physique comme dans l’ordre moral (Ps 119, 89 et ss ; 112, 3. 6).

Lors, on saisit mieux pourquoi il est dit du juste qu’il est comme un arbre planté qui demeure au jour du jugement (Ps 1, 3), pourquoi aussi il est demandé de construire sa maison sur le Roc (cf. Mt 7, 4ss). Dieu donne en partage sa stabilité et permet à l’homme qui l’écoute de vivre dans cette fermeté et solidité divines. Les attributs divins sont offerts en partage à l’homme fidèle à Dieu.

Le Christ est la seule « Pierre inébranlable » (Is 28, 16 ; 1 Co 3, 10-14 ; Eph 2, 20s). Pour subsister l’homme doit s’appuyer sur la solidité de Dieu, c’est-à-dire croire et persévérer dans la foi (Jn 8, 31 ; 15, 15 ss), en Celui qui est « le même, hier, aujourd’hui et demain » (He 13, 8).

Par sa présence au milieu des hommes « Dieu avec nous », l’Emmanuel, permet aux hommes de demeurer en Sion, où se trouve le Temple dans lequel réside son Nom, qu’il remplit de sa gloire. Mais cette demeure n’est que provisoire car Dieu ne se laisse pas contenir par un ouvrage de mains d’hommes.

« Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » (Jn 1, 16) écrit St Jean dans la Prologue de son Évangile. Il énonce là le grand changement qui inaugure le régime de l’Incarnation et qui a fait changer le mode des relations entre Dieu et les hommes et les hommes et Dieu.

Le Fils fait homme est Celui qui doit « demeurer pour toujours » (Jn 12, 34). Il est celui qui demeure, parce que le Père demeure en Lui et qu’Il est dans le Père. Et pour que l’Esprit soit donné et demeure en l’homme (cf. Jn 14, 17), le chrétien a reçu l’onction du Chris (1 Jn 2, 27).

Le chrétien demeure en Lui « s’il mange sa chair » (Jn 6, 27-56), s’il vit comme Lui a vécu (1 Jn 2, 6), s’il demeure dans son amour (Jn 15, 9), sans pécher (1 Jn 3, 6) et en gardant sa Parole (Jn 14, 15-23 ; 1 Jn 3, 24).

Le Père comme le Fils et l’Esprit demeurent en celui qui aime Dieu (Jn 14, 23). Cette union intime est féconde, comme l’allégorie de la Vigne l’exprime parfaitement (Jn 15, 4-7), en demeurant en Dieu l’homme porte du fruit (Jn 15, 16) qui est de vivre éternellement (Jn 6, 56 ss).

Le Christ « en qui habite la plénitude de la divinité » (Col 1, 19 ; 2, 9) inaugure le Royaume qui subsiste à jamais (He 12, 27s) et construit la cité solide (He 11, 10) dont il est Lui-même le seul fondement (Is 28, 16 ; 1 Co 3, 11 ; 1 P 2, 4).

 

Demeurer chez St Jean

Dans le texte même de St Jean

Comme nous l’avons déjà évoqué, il faut s’arrêter aux paroles de Jésus que l’Évangéliste Jean nous transmet. Jean utilise abondamment ce verbe menein : on dénombre 32 occurrences[2], avec des différences d’emploi mais qui nous donne un grand sens théologique. Ce verbe balise tout le développement du Quatrième Évangile.

Le sens premier, comme nous l’avons déjà vu, est d’habiter, de demeurer auprès de Jésus, de rester avec Lui. C’est le sens de la première question posée à Jésus par André et Jean : « Maître, où demeures-tu ? » (Jn 1, 38). Cette question  forme d’ailleurs une inclusion avec Jn 21, 22 : « si je veux que celui-ci demeure jusqu’à ce que je vienne que t’importe ? ». Et on peut penser qu’outre la réponse apportée par Jésus dans sa demande de le suivre pour voir où il demeurait, la réponse avec l’approfondissement du sens de « demeurer » se trouve en Jn 15.

La Parole est dite « demeurer » (Jn 5, 38), la réception du Pain de vie fait « demeurer en Lui » et cette nourriture demeure en vie éternelle (Jn 6, 27). Manger le Christ fait demeurer en Lui et Lui en celui qui Le mange (Jn 6, 56).

La qualité du vrai disciple est donc de demeurer dans la Parole de Jésus (Jn 8, 31 et aussi 1 Jn 2, 10), cette parole qui est vérité et rend libre (Jn 8, 32), car l’esclave lui ne demeure pas dans la maison du Maître, seul le fils y demeure (Jn 8, 35). Demeurer rend fils du Père, la qualité d’un fils est de demeurer dans la Maison du Père.

Le paradoxe est : le Christ doit demeurer à jamais, et pourtant il va être élevé de terre (Jn 12, 34).

La Lumière qu’est Jésus empêche de demeurer dans les ténèbres (Jn 12, 46).

Les nombreuses demeures du Père permettent d’espérer être avec Lui (Jn 14, 2 : la demeure du Père, cf. Ap 3, 20 et Jn 14, 23)

Le Père demeure dans le Fils et le Fils dans le Père, dans une inhabitation réciproque (Jn 14, 10-11).

L’Esprit de vérité demeure sur les disciples (Jn 14, 17).

Le Père et le Fils viennent demeurer dans celui qui garde la Parole et aime le Fils (Jn 14, 23).

Et l’allégorie de la Vigne vient condenser et résumer tout cet enseignement de Jésus (Jn 15, 1-17) : demeurez en moi (15, 4-7) avec sa reprise en 1 Jn 3, 6. 24 ; demeurer dans l’amour (15, 9-10).

Tout disciple est donc invité à demeurer en Dieu et Dieu demeure dans le disciple et crée ainsi une communion de vie. Dans l’amour il y a création d’une unité dans la communication de son être même à l’autre. Là est l’amour source de vie et de tout don.

Demeurer exprime donc cette intimité d’amour entre le Maître et ses disciples et avec le Paraclet (Jn 14, 25), Dieu ne demeure pas seulement auprès des hommes, mais en eux (Jn 14, 17). Demeurer avec Jésus permet d’entrer dans un cœur à cœur avec lui, cela donne d’enter dans son intimité.

Dom Augustin Guillerand (1877-1945), moine chartreux, exprime cela magnifiquement dans une de ses méditations sur l’Évangile selon St Jean[3]. Nous l’écoutons :

« […] L’expression « demeurer » est un mot caractéristique de l’enseignement de Jésus conservé par saint Jean. Il avait produit en l’âme aimante du disciple aimé une impression profonde ; il lui avait trouvé immédiatement une résonance, une vibration qui avait ému tout son être. Entre ce mot et lui il y avait un accord de fond. Saint Jean – plus on l’étudie, plus on comprend cela – était essentiellement un contemplatif. C’était sa marque ; il aimait « demeurer », rester longtemps en face de ce qu’il regardait… parce qu’il aimait. Il se donnait tout de suite, c’était le propre de son âme, et c’est ce que Jésus a aimé en lui, comme en Marie-Madeleine ; car Jésus est cela : quelqu’un qui aime, qui demeure et qui veut qu’on demeure avec lui. Ses délices c’est d’être avec quelqu’un qui trouve ses délices en lui. De là ses appels : « Demeurez en moi, demeurez dans mon cœur ». De là la promesse eucharistique avec la même note : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, celui-là demeure en moi et moi en lui » (Jn 6, 56).

[…] Jean découvrit ce jour-là – et pour toujours – la véritable demeure de Jésus, celle qu’il révèlerait lui-même aux siens au moment de leur retirer sa présence corporelle, quand il disait : « Demeurez en moi, demeurez dans mon amour ». Jean est entré dans le cœur de Jésus ; il y a pris cette place à part qu’il a ajoutée à son nom pour le compléter et qui est devenu presque un nom propre : « le disciple que Jésus aimait ». C’est là qu’il était quand le Maître invitait tout le groupe à résider « in dilectione mea »[4]. Il reposait la tête sur son cœur ; il reposait tout son être dans son amour. Il était là depuis le premier soir où il avait demandé à Notre seigneur encore inconnu : « où habitez-vous ? » Jésus l’avait conduit certainement dans cette résidence. »[5]

La philosophie nous dit que l’amour fait posséder la réalité aimée, fait entrer dans une relation vraie. Il y a une présence de l’être aimée en celui qui aime, tant par la connaissance, présence notionnelle, que par l’amour, présence spirituelle.

Avec le Christ, il y a une nouveauté : Jésus se donne réellement, en sa personne glorieuse il vient habiter réellement celui qui l’aime. L’amour implique le don de soi. Aussi, Celui qui aime ses disciples se donne à eux afin qu’eux se donnent à Lui. Il y a donc une possession partagée qui engendre la communion et qui fonde la communication par Dieu de ses dons.

 

Avec St Thomas d’Aquin, dans son Commentaire de l’Évangile selon St Jean, au chapitre 15 :

St Thomas commente verset après verset l’allégorie de la Vigne (Jn 15, 1-15). Son commentaire est une explication théologique de ce magnifique texte.[6]

15, 1 : La Vigne exprime l’union au Christ dans sa nature humaine. Cette unité donne de porter du fruit par la grâce divine. Cette grâce est double :

la grâce opérante : Dieu infuse la grâce par laquelle nos œuvres sont rendues agréables et méritoires.

la grâce coopérante : Dieu meut aussi à bien user de la grâce infuse (cf. Somme de Théologie, Ia IIae, q 111, a 2).

15, 2-4 : l’énoncé du bienfait reçu. La Parole du Christ purifie des réalités terrestres et enflamme d’amour des réalités célestes. Si grand est le bienfait reçu que le devoir d’y persévérer est clair. « Demeurez en moi » par la charité (cf.1 Jn 4, 16) et par la participation aux sacrements (cf. Jn 6, 57).

« Demeurez en moi », en recevant la grâce, « et moi en vous », en vous aidant

4 raisons de demeurer en lui :

-         La sanctification de ceux qui demeurent

-         La punition de ceux qui ne demeurent pas

-         L’accomplissement de leur volonté pour ceux qui demeurent Lui

-         La glorification de Dieu

 

15, 5 : Demeurer dans le Christ est la raison de la fructification, le fait de demeurer en Lui est efficace.

Un triple fruit en cette vie :

-         s’abstenir des péchés

-         se consacrer aux œuvres de la sainteté

-         se donner pour l’édification des autres

et le 4° fruit est la vie éternelle elle-même.

15, 6 : la deuxième raison de demeurer en Lui est donc liée à la menace de la peine.

« Une de ces deux choses convient au sarment : la vigne ou le feu ; s’il n’est pas sur la vigne, il sera dans le feu. », S. Augustin, Commentaire de l’Évangile de St Jean, 81, 3.

15, 7 : la troisième raison se prend de l’efficacité de leur demande

« Mes paroles demeurent en vous », cela se fait de 4 manières :

-                                     en aimant

-                                     en croyant

-                                     en méditant

-                                     en accomplissant

 

Les paroles du Christ sont en nous lorsque nous faisons ce qu’il a commandé, et que nous aimons ce qu’il a promis. Et de là suit également que nous sommes instruits de ce que nous pouvons demander.

15, 8 : la quatrième raison est tirée de la gloire du Père

 

La manière de demeurer en Lui se résume en trois points :

-                                     demeurer en lui = demeurer dans son amour

-                                     garder ses commandements

-                                     observer la charité

15, 9 : le fait de demeurer en Lui est le fruit de sa grâce. « … comme … » implique une similitude de grâce et d’amour.

Aimer quelqu’un c’est lui vouloir du bien.

C’est pour une similitude de tout cela qu’Il les a aimés, ses disciples, c’est-à-dire pour qu’ils soient dieux par participation à la grâce. Cf. Somme de Théologie, Ia IIae, q 110, a 3 : « la grâce est une participation à la nature de Dieu. »

« Demeurer dans mon amour », c’est-à-dire demeurer dans la grâce, afin de ne pas être dépossédé des biens qui ont été préparés par le Fils.

15, 10 : l’observation des commandements est l’effet de l’amour divin ; non seulement de l’amour dont nous aimons Dieu, mais de l’amour dont Dieu lui-même nous aime.

Du fait qu’Il nous aime, Il nous meut et nous aide à accomplir son commandement que nous ne pouvons accomplir que par la grâce.

15, 11 : l’amour en effet est cause de joie, car on trouve sa joie dans la réalité aimée.

Il y a deux joies : celles qui relèvent des biens matériels et celles qui relèvent des biens intérieurs.[7]

Celui qui se réjouit des biens extérieurs n’enter pas dans la joie mais la joie entre en lui. Mais celui qui se réjouit des biens spirituels entre dans la joie.

Cf. St Thomas d’Aquin, Commentaire de l’Évangile selon St Matthieu

15, 13 : le Christ a livré son âme pour nous comme pour des ennemis, c’est-à-dire non pour que nous demeurions ses ennemis, mais pour faire de nous ses amis.

Puisque la vie corporelle est ce que nous possédons de plus important après notre âme, l’exposer pour le prochain est ce qu’il y a d’essentiel et le signe du plus grand amour.

15, 14-15 : l’observation des commandements n’est pas la cause de l’amitié divine, mais son signe, le signe à la fois que Dieu nous aime et que nous l’aimons.

Ce qui est contraire à l’amitié est la servitude.

Il existe deux craintes : une, servile, que bannit la charité, l’autre filiale, engendrée par la charité, la crainte de perdre ce qu’on aime.

 

Le Commentaire de St Thomas devrait nous permettre, en nous en inspirant, de découvrir et d’approfondir l’importance de « demeurer » avec la personne choisie dans l’engagement du mariage. Ce que Jésus demande dans la relation avec lui est la source de ce que l’homme et la femme sont appelés à vivre dans leur relation conjugale.

 

Conclusion brève :

Au terme de ce rapide parcours, nous découvrons les lignes de force de l’exigence de « demeurer » dans l’amour. Mais ce travail reste encore à élaborer !

 

Père Bruno bouvier

Juillet 2010



[1] Benoît XVI, Discours lors de l’ouverture du Congrès ecclésial du diocèse de Rome, Mardi 15 juin 2010.

[2] Cf. A. Schmoller, Handkonkordanz zum griechischen Neuen Testament, Stuttgart, 2008, p. 330-331.

[3] Dom Augustin Guillerand, Maître où demeurez-vous ? Lecture de l’Évangile selon St Jean par un contemplatif, Correrie  de la Grande Chartreuse, 1997, p. 52-59.

[4] « en mon amour » (Jn 15, 9)

[5] Ibid., p. 54. 58-59

[6] Il ne s’agit ici que de notes de lecture, il faut avoir, au minimum, ouvert à côté de soi l’Évangile, Jn 15, 1-15, pour suivre le commentaire en lisant chaque verset avant de lire ces notes.

[7] On se souvient de ce qu’écrivait St Augustin : « Toute la perversité humaine consiste à se servir de ce dont on devrait jouir, et de jouir de ce dont on devrait se servir (omnis humana perversitas est uti fruendis et frui utendis). », S. Augustin, Le livre des 83 questions, qu. 30 ; cf. ST Ia IIae, q 71, a 6, obj. 3. « […] la distinction que saint Augustin a établie entre uti et frui. Il distingue deux attitudes, l’une consiste à tendre au seul plaisir, sans tenir compte de l’objet c’est uti ; l’autre est frui, qui trouve la joie dans la manière indéfectible de traiter l’objet selon les exigences de sa nature. Le commandement de l’amour montre la voie vers ce frui  dans les rapports de sexe opposée. », K. Wojtyla, Amour et responsabilité, Stock, 1985, p. 38 (on lira avec profit les pages qui précèdent, p. 17-38 : « Analyse du mot « jouir ».)