Humanae Vitae : Quelle Actualité ? Perspective médicale

Collège des Bernardins18 Octobre 2008

Dr. Isabelle Écochard et Pr. René Écochard

 

I - Contexte

Le 25 juillet 1968, lorsque l’encyclique Humanae Vitae (HV) a été promulguée, nous étions encore adolescents; le souci principal de nos parents  était la bourrasque qui avait traversé le cerveau de nos frères et sœurs aînés et leur préoccupation première était de les éloigner de l’université  le plus vite possible, pendant les vacances pour les calmer au mieux, afin d’éviter le chaos annoncé par de Gaulle. HV est passée inaperçue dans beaucoup de familles.

 Plus tard, lorsque s’est posée la question du sujet de nos thèses de médecine, nous avons choisi de rédiger une thèse commune sur la planification familiale naturelle. Nous avons été guidés par le docteur Charles Rendu et sa femme, et par les docteurs François et Michèle Guy (voir leurs nombreux écrits, en particulier, dans la revue du CLER Amour et Famille). HV devint un texte incontournable, et nous avons été sensibles, touchés, par le chapitre traitant des aspects pastoraux et en particulier par l’appel fait aux hommes de sciences, aux couples et aux médecins. Nous avions  la ferme conviction qu' « il ne peut y avoir de véritable contradiction entre les lois divines qui règlent la transmission de la vie et celles qui favorisent un authentique amour conjugal » HV 24. Nos études médicales nous avaient ouverts à l’émerveillement du fonctionnement du corps humain et notre foi en était renforcée. Nous avions bien conscience que la fonction de reproduction est une fonction à part : elle permet aux couples de participer activement à la création. Alors,  telle qu’elle a été créée, pouvait elle être imparfaite ? Pouvait-elle avoir été mal pensée par le Créateur au point de poser problème aux couples tout au long de leur vie de fertilité ?  Non, pour les croyants que nous étions, ce n’était pas possible. Dieu ne s’est pas trompé en nous créant ainsi. La fertilité, la fonction de reproduction contenait dans son secret la réponse à la question que nous nous posions en tant que médecins et  jeune couple quant  la régulation des naissances.

Aujourd’hui il nous semble que le vœu de Paul VI est en partie exaucé, à savoir que « la science médicale réussisse à donner une base suffisamment sûre à une régulation des naissances fondée sur l'observation des rythmes naturels » HV 34. De nombreuses études ont décrit et validé les méthodes naturelles enseignées en France, en Europe et dans le monde. La recherche continue. Nous pouvons affirmer que tous les 10 ans une nouvelle méthode voit le jour ;

1950

Thermique                                                                                 

1970

Billings       

1980

Sympto-thermique                                                                                                                             

1990

MAMA                                                                               

2000

Méthode des deux jours                        

2010

Naprotechnologie (pour favoriser la conception)                                             

Table 1 – Tous les 10 ans une nouvelle méthode naturelle

est disponible en France

Après 23 ans d’expérience en centre de planification, nous constatons que nous sommes dans une situation bien particulière, voire paradoxale : Les couples utilisateurs sont satisfaits de ces méthodes, nombreux sont les témoignages. Les difficultés rencontrées ont été réduites et sont maintenant  surmontables. Les méthodes sont décrites, étudiées et efficaces.

Et  tout se passe comme si les intelligences étaient brouillées.

En effet, nous avons d’un côté des scientifiques qui publient des affirmations validées par les universités, et de l’autre côté une incapacité à mettre en application ces affirmations et à les transmettre, de la part des médecins, des centres de planification, du corps médical, qui a lui-même validée les recherches.

Nous avons d’un côté une patiente réflexion de l’Eglise sur l’amour humain, et de l’autre côté un mutisme de la part des prêtres, évêques et diacres. Tout se passe comme si un interdit pesait sur la planification familiale naturelle, notamment en France. Les couples ont juste le droit de les utiliser en silence, sans se montrer ni faire parler d’eux.

Cette situation est à la limite de l’offense à l’intelligence. Cet ostracisme et ce paradoxe sont complexes à comprendre.

II - Le chemin du couple utilisateur

A ) Ce qui fait choisir les méthodes naturelles

1 - Ecologie

Dans les Centres de Planification et d’Education Familiale, les motivations sont multiples. Il y a bien sûr la motivation « ecolo », qui pourrait se résumer ainsi « je suis tout coton et je ne veux pas d’hormones », ou encore « je ne veux pas abîmer mon corps (ou le corps de l’autre) ».

2 - Démédicalisation

Une autre motivation est la démédicalisation d’un domaine qui n’a aucune raison d’appartenir à la médecine.

3 - Ne pas modifier l'ordre établi

Une troisième motivation est le souci de ne pas modifier un ordre établi, ce qui est à la limite entre une motivation écologique et une motivation religieuse (nous aborderons le cas des couples chrétiens choisissant la PFN plus loin). Les couples sentent confusément, sans avoir assez de vocabulaire pour l’exprimer, que ce n’est pas tout à fait bien pour eux de faire le choix de la contraception. Ils n’ont rencontré que peu de monde autour d’eux pour discuter et former leur propre opinion sur ce choix. Heureux sont les couples à qui une personne a parlé objectivement du bien fondé du choix de la PFN, ils feront l’économie de la traversée d’un brouillard entretenu.

B ) Ce qui fait hésiter

Plusieurs aspects font hésiter.

1 - Efficacité

« Est ce efficace ? je connais beaucoup de couples autour de moi qui ont eu une grossesse non planifiée avec ces méthodes ». La presse médicale compte plusieurs articles scientifiques affirmant leur efficacité. Ce point sera précisé plus loin. Nous insistons ici sur une chose : la PFN comprend concrètement trois éléments indispensables à l’efficacité : l'observation, la notation et l'interprétation. Ces trois éléments sont indispensables et indissociables. Beaucoup de couples portent un discrédit à la PFN parce qu’ils n’ont pas respecté cette triade. Ils utilisent  en fait une méthode « au petit bonheur la chance ».

2 - Capacité de s'observer

« Suis-je capable de m’observer ? », «  mon observation est elle fiable ? » Il y a peu de domaines, voire aucun, où le médecin doit faire autant confiance dans les affirmations de la femme ! Des études ont montré combien l’observation des signes de fertilité par la femme est parfaitement corrélable avec les mesures de taux hormonaux. Le corps médical, peu habitué à faire confiance aux patients, est invité à changer son regard et à reconnaître que les femmes qui consultent ont l'aptitude à identifier parfaitement la période fertile.

Figure 1 : Exemple de relation entre dosages hormonaux et observation des signes de fécondité par la femme (voir références 1 et 2)

 

3 - A contre courant

L’autre aspect qui fait hésiter le couple, c’est le fait d’être à contre courant. Certains n’en n’ont cure, mais d’autres sont déstabilisés par cela surtout si la motivation de chacun est inégale dans le couple.

4 - L’absence de spontanéité des rapports sexuels et la continence périodique

Deux autres choses font hésiter, elles vont ensemble d’ailleurs : c’est l’absence de spontanéité des rapports sexuels et la continence périodique. Il est vrai que certains jours, la spontanéité des relations sexuelles est contrecarrée, mais pas tous les jours et pas de tous les gestes de tendresse. Mais surtout, ce qui fait hésiter, c’est d’avoir à adapter, à changer son comportement sexuel. C’est cette fameuse continence dont tout le monde a peur. Le couple à qui on annonce les jours de continence, et les moniteurs parfois, ont peur d’aborder ce sujet. Ce n’est pas un sujet à la mode, et cela ne date pas d’aujourd’hui.

Rappelons nous des termes des textes des opposants à la rédaction d’Humanae Vitae lors des débats : « De plus on doit prendre en considération le sentiment des fidèles selon lequel la condamnation des conjoints à une continence longue et souvent héroïque comme moyen de régulariser les conceptions ne peut être fondée en vérité.» 

Ce fut le travail des chercheurs, au cours des 30 dernières années, de proposer une meilleure observation qui réduise le nombre de jours de continence. Et c’est le travail de chaque moniteur d’enseigner correctement la méthode pour que la continence ne soit pas inutilement héroïque et longue.

C ) Ce qui fait persévérer

1 – L'Efficacité

On commence pas à pas et on s’aperçoit au bout de quelques cycles que c’est efficace. La confiance s’installe.

2 – Les bénéfices pour le couple

Les répercussions sur la vie du couple font persévérer. Le patient apprentissage, (observation des signes de fertilité, notation et interprétation), le dialogue retrouvé sur la fertilité,  vont engager le couple sur un chemin très différent quant à sa sexualité. Il va adapter, voire radicalement changer son comportement. A l’inverse de la contraception qui modifie la physiologie de la femme, pour ne pas avoir à modifier son comportement sexuel, la PFN propose au couple de modifier son comportement pour ne pas modifier le sens profond de la relation sexuelle. Pouvoir se dire son amour, sans réserve, selon la vérité du corps, accueillir l’autre sans lui demander de se changer pour soi, recevoir l’autre pleinement sans se méfier de sa fertilité sont les premiers bénéfices exprimés par les couples utilisateurs.

« Nous avons cru à l’efficacité des méthodes naturelles et les couples qui ont accepté de s’en servir ont vu, ce que naïvement nous n’avions pas prévu, leur amour grandir en force et valeur. ». Cette phrase de Abeth et Charles Rendu, fondateurs du CLER, est toujours d’actualité. Il est très beau d’entendre les couples témoigner à propos des bénéfices sur le dialogue, la tendresse. Cette découverte va aider le couple à persévérer.

3 - Modification du regard du couple sur leur vie sexuelle

Le changement de comportement que constitue l'utilisation de la PFN conduit à une modification du son regard sur l’autre et sur la sexualité : « Mon mari (c’est-à-dire son corps, sa physiologie, son caractère, ses qualités, ses défauts, son histoire, son intelligence…bref, tout ce qui le constitue) n’est pas une menace pour moi. Je n’ai pas besoin de m’en protéger (par un préservatif ou un spermicide). Je ne l’aime pas par petits bouts, en faisant le tri de ce qui me plait ou en éliminant ce qui me dérange : il est une personne humaine, donc non morcelable. De plus, il n’est pas moi, et c’est justement sa différence que je recherche ; autrement dit, j’accepte que face à ma fertilité cyclique, mon mari ait une fertilité continue et j’en assume les conséquences sans les nier. »  Le choix de la PFN s’enracine dans une vision de l’autre en tant que personne, en tant que personne avec sa fertilité. L’autre n’est pas modifiable pour moi, pour notre vie sexuelle. La fertilité est vécue comme une richesse, élément constitutif de la personne. On peut dire que cette jeune femme a un regard chaste sur son mari.

4 - Le couple chrétien

Le couple chrétien se rappelle, et prend en compte, que Dieu a créé la fertilité en liant union et procréation. Ce lien est très particulier. Il permet que le couple soit acteur de la création par un geste d'amour. L’utilisation de la PFN lui fait pendre conscience de l’image de Dieu dont il est appelé à être  le reflet.

Le lien entre amour et fécondité dans la relation sexuelle, est au-delà de la biologie, il est ontologique. Il participe au sens même de l’homme, de la femme, du couple et de leur union. Ce lien permet de devenir couple et de s’inscrire dans l’avenir. C’est par ce lien qu'homme et femme sont image de Dieu, père et créateur. La fertilité est « à l’intérieur » de la ressemblance avec Dieu. Dieu est présent chaque fois qu’une nouvelle vie est conçue. Dieu est à l’œuvre, un nouvel être humain est crée, lui-même à Son image et à Sa ressemblance. C’est par ce lien que la liberté créatrice de Dieu et la liberté de l’homme se rencontrent. Un croyant peut-il toucher à ce lien sans conséquence ? Y toucher c’est ternir cette image !  Même s’il n’y a pas conception, l’amour exprimé dans la relation sexuelle est aussi reflet de l’amour de Dieu, il construit le couple.

Le couple utilisateur, qui vit la continence due à la PFN, rappelle au monde le dessein de Dieu.  Citons Familiaris Consortio (FC) « En revanche lorsque les époux, en observant le recours à des périodes infécondes, respectent le lien indissoluble entre les aspects d'union et de procréation de la sexualité humaine, ils se comportent comme des "ministres" du dessein de Dieu et ils usent de la sexualité en "usufruitiers", selon le dynamisme originel de la donation "totale", sans manipulations ni altérations. » (FC 32). Ils ne se comportent pas en maîtres absolus.

La continence périodique devient alors acte de réponse à Dieu. C’est une manière que le couple peut choisir pour exprimer sa reconnaissance envers Dieu Créateur, reconnaissance pour son couple, son amour et ses enfants.

III –Différentes manières d’aborder la PFN, d'un point de vue scientifique et médical

Lorsque nous analysons les manières d’aborder la planification familiale naturelle (PFN) dans le monde, depuis 25 ans, nous pouvons identifier 3 attitudes  adoptées par les scientifiques et les membres du corps médical favorables à la PFN. Chacune de ces attitudes aborde un aspect seulement de la réalité. Une juste synthèse est nécessaire pour une pratique adéquate.

A ) La PFN est une méthode comme les autres

Il s’agit ici de considérer la PFN comme une méthode parmi les autres moyens de contraception, sans notions de préférence. Cette façon de faire a parfois été appelée la pédagogie du « plateau de fromages » avec l’objectif de faire entrer la PFN sur le "plateau"  sur lequel toutes les méthodes sont offertes sans distinction. Alors la PFN est  évaluée avec les mêmes critères que les autres méthodes, c'est-à-dire l’acceptabilité, l’efficacité, la réversibilité et l’innocuité.

1 - Acceptabilité

Cette acceptabilité s'applique à deux domaines, la méthode et son vécu.  L'acceptabilité de la méthode a été améliorée par simplification de la méthode. Plus récemment la technologie est venue encore faciliter les choses : les couples ont maintenant le choix entre le graphique sur papier, le logiciel sur ordinateur (voir Dafra sur http://dafra.cler.net), ou sur téléphone portable (voir Sympto sur http://www.sympto.ch). L'acceptabilité du vécu est remarquablement améliorée par des recommandations pour la vie quotidienne des couples utilisateurs, recommandations données aux couples par les moniteurs (en France, principalement les moniteurs du CLER, du Centre Billings France et de la WOOMB). Il est maintenant établi que les couples utilisateurs de la PFN ont en moyenne un nombre d'unions sexuelles tout à fait identique aux couples utilisant d'autres méthodes (4).

2 - Efficacité

L'efficacité est une "qualité-prédictive", qualité de la méthode dans sa capacité de permettre au couple de prévoir la survenue ou non d'une grossesse en fonction du moment de leurs unions charnelles. Le terme efficacité convient en effet aux techniques non à la vie humaine. Le couple souhaite pouvoir organiser sa vie afin d'accueillir un nouvel enfant ou au contraire de différer une grossesse. Au cours de longues périodes de leur vie les couples n'envisagent pas d'accueillir un nouvel enfant : c'est le cas lorsqu'ils ont atteint le nombre d'enfants qu'ils estiment en conscience pouvoir élever. Ils vivent ensuite leurs unions charnelles en période réputée infertile. Ils ne se placent pas dans une attitude de cœur de fermeture absolue à toute naissance : la survenue d'une grossesse bousculerait leur projet mais ne serait pas vécue comme une catastrophe. Ils accueilleraient alors le don de Dieu. Un travail pédagogique est nécessaire pour aider le couple à se placer dans cette perspective qui garde à la planification familiale naturelle sa "nature".

La qualité prédictive des méthodes naturelles est tout à fait comparable à celle de la contraception par minipilule, et bien supérieure à celle des contraceptions autres que la pilule. Signalons, à titre d'exemple, qu'en France le taux de grossesses par échec de la méthode thermique est proche de 0%, et par méthode sympto-thermique de 1,5% (10). En Allemagne les résultats sont encore plus favorables à l'efficacité, avec un taux de grossesses non-planifiés inférieur à 1%  (8) !

Les taux souvent cités par les autorités (6) pour la méthode sympto-thermique bien enseignée, puis employée avec soin et constance sont : 2% et, 1%, si les relations sexuelles n’ont lieu qu’après l’ovulation.

Référence

Pays

Nombre de couples

Nombre de cycles

Taux de grossesses

dues au défaut de la

méthode.

Taux total de grossesses non planifiées.

Défauts de la méthode, plus défauts

d’utilisation.

7

Canada

125

2 651

0,5%

5%

8

Allemagne

900

17 638

0,4%

1,8%

9

Belgique

58

940

0%

2%

10

France

626

6 740

1%

6%

11

Etats-Unis

139

1 668

n.d.

11%

NOTE : Le chiffre de 20 % de grossesses non-planifiées souvent cité pour les méthodes naturelles provient d’anciennes enquêtes démographiques par questionnaire s’adressant à la population en général, où les couples ne précisaient pas comment la période fertile était connue (calendrier, approximation, température, etc.) ni s’ils avaient ou non suivi les instructions.

Table 2 – Taux de grossesse non-planifiées (D'après www.fr.serena.ca)

3 - Réversibilité et l’innocuité

Ces deux qualités ont toujours été reconnues à la planification familiale naturelle et justifié leur choix par des couples pour lesquels les autres méthodes ne conviennent pas pour des raisons médicales.

Mais la pratique médicale quotidienne montre que ces deux points doivent être pris en compte de façon plus profonde actuellement : La réversibilité des méthodes contraceptives n'est pas garantie sur le plan psychologique ! Si l'on n'y prend pas garde, la même difficulté peut survenir avec la PFN. Les couples utilisant la contraception révèlent lors des enquêtes qu'ils ont en moyenne un enfant de moins que ce qu'ils avaient initialement prévu ! Bien que la réversibilité biologique soit souvent une réalité, même pour la pilule, la réversibilité psychologique de la contraception est faible. L'innocuité psychologique est elle aussi tout à fait questionnable. Une technique médicale, pour être jugée comme non nocive, doit préserver la personne dans son mode de pensée et de vie. Elle ne doit pas en elle-même fragiliser la personne dans ses convictions et plus généralement dans sa vie. L'acte contraceptif, renouvelé chaque jour ou chaque mois, peut avoir tendance à modifier la relation de la personne et du couple, à leur potentiel procréateur et plus généralement au sens de la sexualité conjugale. Ceci se produit la plupart du temps à l'insu du couple. Il est important de veiller à la réversibilité et l'innocuité psychologique.

4 - Argumentation en faveur de la PFN dans ce contexte.

L'argumentation en faveur de la PFN, proposée comme une "méthode comme les autres", repose sur la biologie et la physiologie. Les scientifiques membres d'organisations de promotion de la PFN, tel que le CLER, Billings France, l’Institut européen d'Education Familiale (IEEF) ou la Georgetown University à Washington, ont largement participé aux études sur ces sujets. Ils sont à l'origine d'un grand nombre d'enquêtes d’efficacité et de publications scientifiques dans le domaine des études hormonales.

5 - Si la PFN est une méthode comme les autres, un droit à sa diffusion existe

Des efforts importants ont été faits pour que la PFN soit reconnue par les instances internationales, telles que l’OMS. Cette reconnaissance a été obtenue, même si cela s'est fait "du bout des lèvres". La PFN est évoquée, et parfois même traitée correctement dans les documents de l'OMS. Cette place donne une légitimité à la PFN et devrait aboutir à un droit pour le public d’être informé correctement sur la PFN comme sur toute méthode. Il ne semble pas que la sphère publique, médicale, scolaire et médiatique, respecte ce droit. Des avancées restent nécessaires dans ce domaine.

B ) Une méthode meilleure que les autres

Après une première approche proposant la PFN comme une méthode à égalité avec les autres, vient une présentation des méthodes naturelles comme une méthode « meilleure que les autres », donnant des arguments supplémentaires aux couples pour les choisir. L'argumentation repose alors sur le mode de vie et le vécu de la PFN. La réflexion repose alors sur les sciences humaines, en particulier sur la psychologie.  Les scientifiques ont étudié les bénéfices de l’utilisation de la PFN pour la relation et l’amour du couple. Les méthodes naturelles augmentent le dialogue et la tendresse dans le couple. Un matériel pédagogique est disponible pour montrer ces bénéfices de la PFN. Le site de l'Institut de la Georgetown University (http://www.irh.org) est édifiant dans ce domaine : dans tous les continents les couples témoignent des bienfaits de la PFN pour la relation conjugale.

C ) La PFN, la méthode qui convient pour l’union conjugale

La troisième voie pour la pédagogie utilisée par les associations proposant la PFN a pour support la raison (1) et la foi (2). Il est nécessaire, dans une médecine de la personne, dépassant une approche uniquement biologique, que le système de santé adapte à son tour son langage en matière de planification des naissances et de sexualité humaine. 

La raison révèle que l'union conjugale est le point de rencontre entre amour et vie, fait décisif pour éclairer le choix en faveur de la PFN. La foi vient confirmer et déployer le sens de ce que la raison a perçu. C'est Dieu, Amour et Créateur, qui a unit amour et vie. La question de la régulation des naissances est éclairée d'un jour nouveau. Cette voie a été ouverte par Paul VI dans l’encyclique Humanae Vitae et développée par Jean Paul II dans ses catéchèses sur la théologie du corps. Cette pédagogie s'enracine dans l'anthropologie biblique. Elle permet un dialogue avec les chrétiens d'autres confessions et avec tout homme qui apprécie l'enrichissement apporté par la bible à la réflexion anthropologique.

1) La PFN est choisie afin de maintenir le lien entre amour et vie : le coeur de l'arbre généalogique

L'union sexuelle conjugale est sommet du lien entre amour et vie : amour, union des cœurs et des corps des conjoints, et transmission de la vie. La société est structurée par l'alliance, lien fidèle, total et stable entre les personnes, et la transmission de la vie, qui permet le développement des générations. Ce lien unit les personnes sur le plan charnel et spirituel. Ce lien, représenté par l'arbre généalogique, repose sur l'union conjugale avec ses deux significations d'union et de procréation. Ce lien ne doit pas être dissocié, sous peine de lourdes conséquences pour la vie personnelle, familiale et sociale. Un lien harmonieux entre amour et transmission de la vie est favorable à la société et aux personnes qui y vivent.

 

Figure 2 : La société est structurée par l'alliance, lien fidèle, total et stable entre les personnes, et la transmission de la vie, qui permet le développement des générations. Ce lien, représenté par l'arbre généalogique, repose sur l'union conjugale avec ses deux significations

d'union et de procréation

 

L'importance de ce lien motive l'utilisation de la planification familiale naturelle, qui repose sur la reconnaissance et l'acceptation de l'union conjugale telle qu'elle est, liant amour et procréation. Le couple adapte sa sexualité à sa fécondité et n'intervient pas en empêchant activement celle-ci. Si il ne souhaite pas concevoir il adapte son dialogue d'amour au rythme de sa fertilité.

2) La PFN est choisie afin de bénéficier du lien placé par Dieu entre amour et vie

Le couple chrétien choisissant la planification familiale naturelle dans l'intention de vivre une sexualité conjugale telle qu'elle a été créée par Dieu va pouvoir bénéficier de tout ce que Dieu veut donner au couple dans la relation conjugale. La découverte de la régulation des naissances par méthodes naturelles a en effet été l'occasion d'un approfondissement du lien entre union et procréation, alliance et filiation, c'est-à-dire d'une manière générale, entre amour et vie. Cette découverte donne une compréhension plus grande de l'union conjugale : Dieu donne la vie par amour; Dieu est le Dieu de l'alliance et de la vie; L'union charnelle des conjoints est sommet de l'alliance du couple et de la transmission de la vie; Il y a présence particulière de Dieu au cœur de la procréation humaine; Le couple ne pose pas d'acte pour dissocier le lien entre amour et vie; Une conscience grandissante de la beauté de l'union charnelle des conjoints, dans laquelle se conjuguent union, plaisir et don de la vie, ouvre le regard des conjoints vers la béatitude que Dieu offre à l'homme.

Dieu ne s’est pas trompé en créant notre fertilité ainsi et nous n’avons pas besoin de nous en protéger : « Dieu a sagement fixé des lois et des rythmes naturels de fécondité qui espacent déjà par eux-mêmes la succession des naissances. » (Humanae Vitae 11).  Dieu a choisit de donner la vie non pas indépendamment du vouloir des hommes, ni en confiant cette responsabilité à une personne seule, mais en confiant cette responsabilité au couple marié : dans la relation sexuelle, acte d'amour potentiellement procréateur, la liberté de l’homme et sa raison manifestent la liberté divine. Pouvons-nous alors modifier le sens de l'union conjugale ?

IV - Le problème majeur est pédagogique

A - Amour et vérité

Le problème majeur est  pédagogique.  Comment annoncer à nos contemporains cette bonne nouvelle sur l’amour humain ? Comment faire cette présentation dans la sphère publique, à l'université, à l'école, dans la sphère médicale ? Comment conjuguer amour et vérité en matière de proposition de la planification des naissances ? Cette question se pose pour toute personne ayant une fonction pédagogique ou pastorale dans le domaine de la vie conjugale, y compris pour le corps médical.

B – Donner sa juste place aux bienfaits de la PFN pour le couple

Les approches pédagogiques mettant en avant les bénéfices de la PFN, leur "utilité", insistent justement sur le réalisme : ces méthodes sont bonnes pour les couples. Mais une pédagogie qui met en avance seulement les utilités déforme le message : ce n'est pas pour leurs bénéfices, que ces méthodes sont bonnes pour le couple. D'autres méthodes peuvent être promues pour des raisons assez proches, en matière de bénéfice. Insister sur les bénéfices peut déformer la compréhension de l'union conjugale : celle-ci peut être motivée alors pour plus de bénéfice, alors que ceux-ci sont plutôt un surplus donné à une union pleine de son sens, avec ses trois composantes intimement liées, union, plaisir et transmission de la vie.

C – Une pédagogie distinguant clairement les bienfaits et les motifs du choix de la PFN

Le choix de la PFN est fondé sur la raison, confirmé par la foi. Les bienfaits viennent simplement confirmer la bonté de ce choix.

Le groupe informel des Cigognes (voir http://lescigognes.fr ) et la Fédération Africaine d'action familiale (FAAF – voir http://actionfamiliale.net ) utilisent depuis quelques années cette approche pour promouvoir la PFN. Nous allons illustrer l'utilisation d'un matériel pédagogique, « l’arbre ».

Figure 3 : Bénéfices (fruits) de la PFN envisagés lorsque la PFN est proposée comme une méthode "comme les autres" (Efficacité, etc..) ou meilleure que les autres (Dialogue, etc..), et conditions envisagées dans ce contexte pour son utilisation par le couple (apprentissage, etc..)

1 - Une méthode comme les autres et même meilleure que les autres

Cette approche permet d'identifier les bénéfices : efficacité, réversibilité, acceptabilité et innocuité, mais aussi, bénéfice pour le dialogue, une gestion à deux de la fécondité, et un renouvellement du désir et de la joie de la rencontre par la continence périodique. C'est ce qu'illustre la figure 3.

2 – Première série de conditions pour pouvoir utiliser la PFN

Il y a certes des conditions à remplir pour pouvoir utiliser la PFN. On insiste tout d'abord sur la nécessité d'un apprentissage auprès d'un couple moniteur ou d'une monitrice compétente, de la persévérance du couple pour l'observation, la notation et l'interprétation des signes de fertilité et enfin d'un dialogue au sein du couple qui développe son aptitude à prendre et tenir des décisions à deux et un climat de respect et de délicatesse dans la relation charnelle.

2- L'attrait pour le bien, le vrai et le beau

L'attrait pour le bien, le vrai et le beau est le "terreau" dans lequel la réflexion, guidée par la raison, se développe. Lors d'une audience accordée aux participants d'un rassemblement à l'occasion du 40ième anniversaire de Humanae Vitae, le samedi 10 mai 2008, le pape Benoît XVI disait : "Il est urgent que nous redécouvrions une alliance qui a toujours été féconde, lorsqu'elle a été respectée ; celle-ci voit au premier plan la raison et l'amour." Et, citant, Guillaume de Saint-Thierry : « Si la raison instruit l'amour et l'amour illumine la raison, si la raison se convertit en amour et l'amour consent à se laisser retenir entre les limites de la raison, alors ceux-ci peuvent accomplir quelque chose de grand » (Nature et grandeur de l'amour, n. 21, 8). Tout couple peut répondre à l'appel du beau, du vrai et du bien, présent au fond de son cœur et enrichir sa réflexion sur le choix de la méthode de planification des naissances adéquate. Il est alors guidé par son cœur et sa raison, et peut découvrir la finesse et l'importance du lien entre amour et vie, la profondeur de l'appel à accueillir son conjoint tel qu'il est, corps et esprit, avec sa fécondité auquel il ne souhaitera pas faire obstacle. Ainsi la raison éclairée par le cœur suffit à de nombreux couples pour choisir la PFN.

3 - Le désir de répondre à l'appel de Dieu

Le couple désirant répondre en toute chose, avec humilité, à l'appel de Dieu, éclaire sa raison par sa foi. Le respect du lien entre amour et vie qu'il pressentait par sa raison lui apparaît comme un don de Dieu, qu'il souhaite accueillir. Chaque jour le couple découvre un peu mieux comment dans sa vie Dieu veut dire son amour aux hommes. Le couple jette son regard au-delà de lui-même, au-delà de ses limites et comprends mieux pourquoi l'amour conjugal représente pour les hommes une image de l'amour divin, trinitaire.

4 – Plaisir et plénitude

Le désir de plaisir et la soif de communion des corps et des esprits appellent les époux à s'unir. Tout couple est appelé approfondir sa compréhension de la nature de l'union charnelle. La relation sexuelle a deux significations : union et procréation. Le plaisir et la joie viennent couronner cet acte bon.

5 – Accueillir la grâce

Les conditions nécessaires pour vivre l'union charnelle dans sa plénitude ne sont pas simplement d'ordre organisationnel et psychologique. Elles sont aussi d'ordre spirituel. Que la motivation du couple soit les bénéfices de la PFN ou leurs fondement sur la raison et la foi, il est nécessaire qu'il ne se raidisse pas face à ses difficultés à vivre la continence périodique. La foi met le couple sous le "régime de la grâce" et du pardon divin qui donne la force d'avancer sur ce chemin de notre humanité. Le couple se sait fort par la grâce que Dieu lui donne, pardonné et aimé. Cette prise de conscience est tellement nécessaire que nous l'avons représenté par le soleil dont les rayons donnent le développement de l'arbre qui nous a servit de support pédagogique !

 

Figure 4 : La PFN, la méthode qui convient pour l’union conjugale. Les bénéfices (fruits) de la PFN se déploient et les conditions d'utilisation se clarifient

 


V - Conclusion

Nous avons présenté ici notre point de vue de médecins et de scientifiques, membre d'un groupe de réflexion, les Cigognes (voir http://www.lescigognes.fr/), regroupement informel de chrétiens, catholiques et protestants, issus de plusieurs associations françaises, qui s’intéressent à l’anthropologie de la planification familiale naturelle. Le sujet de la planification familiale naturelle peut apparaître comme secondaire face aux autres problèmes actuels. Il nous semble cependant que les enjeux de la planification familiale naturelle pour l’avenir de la famille sont importants. La famille est le lieu privilégié pour l’épanouissement de la personne. Dieu a placé la procréation des enfants au cœur de la relation conjugale. Il a donné au couple la capacité de connaître les temps de fertilité. Le couple est en mesure de choisir s'il est opportun d'accueillir un enfant et de se maîtriser pour adapter sa sexualité à ce projet.

Les enjeux de la planification familiale naturelle sont également d’ordre social. Notre société vit un événement sans précédent, la manipulation de la vie. Dans ce contexte, la planification familiale naturelle subit un ostracisme évident, même au sein de l'Eglise. Pourtant sa signification profonde au service de l’amour humain et de la vie nous semble avoir un rôle crucial.

Dans notre expérience d’hommes et femmes de terrain, nous constatons au cours de nos consultations qu’un autre enjeu de la planification familiale naturelle est la réconciliation de l’homme avec la transcendance et la relation à Dieu. Le couple se  place sous le regard du Seigneur, en acceptant d'adapter sa vie sexuelle au rythme de sa fertilité, il adopte ainsi une attitude apaisée d'accueil de la volonté de Dieu, pour Sa création, acceptant de ne pas modifier sa fertilité, laissant la vie au cœur de la relation conjugale. Une confiance vis-à-vis de la Sagesse de Dieu s’installe. Le doute face à la beauté et la pertinence de la création dans le domaine de la reproduction s’efface, l’enfant n’est plus vécu comme un gêneur mais comme une richesse.

Remerciements

Nous remercions les membres des Cigognes, Hélène et Jean-Paul Perez, et Dany Sauvage pour leurs précieux conseils pour la rédaction de ce texte.

Présentation des auteurs

Isabelle Ecochard

Médecin de Centre de Planification et d'Education Familiale

Maîtrise des Sciences de la Famille

Formatrice du CLER – Amour et Famille

Ancienne présidente de l'Institut Européen d'Education Familiale

 

i_ecochard@yahoo.fr

René Ecochard

Médecin hospitalier

Professeur de médecine; épidémiologiste

Consultant de la Fédération Africaine d'Action Familiale

rene.ecochard@chu-lyon.fr

 

Références

1 - Watrigant-Müller B. Les trois temps du cycle féminin — Observer pour comprendre et prescrire — Thèse Doctorat Médecine Lyon I, 2003.

2 - Ecochard R, Boehringer H, Rabilloud M, Marret H. Chronological aspects of ultrasonic, hormonal, and other indirect indices of ovulation. BJOG. 2001 Aug;108(8):822-9.

3 – Ecochard I., Benoit P. La planification familiale naturelle, cette méconnue. Lumière et vie, Juillet Septembre 2005 (disponible sur http://127.0.0.1/linkcommittee/link/commun/doc.php?numdoc=1146)

 

4 – Ecochard I. Comparer pour Comprendre. Deux anthropologies s'affrontent à propos de la planification familiale. Mémoire de maîtrise des Sciences de la Famille. Lyon 2003. (disponible sur http://linkcommittee.free.fr/link/commun/doc.php?numdoc=1079)

 

4- Stover J, Bertrand J, Smith S, et al. Empirically based conversion factors for calculating couple-years of protection. Carolina Population Center 2001:32.

 

5 - Arévalo M., Jennings V., Nikula M.,Sinai I.  Efficacy of the new TwoDay Method of family planning.  Fertility and Sterility, Volume 82 , Issue 4 , Pages 885 - 892

 

6 - Hatcher RA, Trussell J, Stewart F, Nelson AL, Cates W, Guest F, Kowal D. Contraceptive technology (18th revised edition), Ardent Media, 2004.

 

7 - Rice FJ, Lanctot CA, Garcia-Devesa C. Effectiveness of the Sympto-thermal Method of Natural Family Planning : an International Study. Int. J. Fertil., 26 :222-231, 1981.

 

8 – Frank-Herrmann P, Heil J, Gnoth C, Toledo E, Baur S, Pyper C, Jenetzky E,.Stowitzki T, Freundl G. The effectiveness of a fertility awareness based method to avoid pregnancy in relation to a couple’s sexual behaviour during the fertile time: a prospective longitudinal study. Hum. Reprod, 22, 5 :1310-1319, 2007.

 

9 - De Leiazola. Première phase d’une étude prospective d’efficacité du planning familial naturel réalisée en Belgique francophone. J. Gynecol. Obstet. Biol. Reprod., 23 :359-364. 1994

 

10 - Ecochard R, Pinguet F, Ecochard I, De Gouvello R, Guy M, Guy F. Analyse des échecs de la planification familiale naturelle. Contracept. Fertil. Sex. 2, 4 : 291-296.1998.

 

11 - Wade ME, McCarthy P. A Randomized Prospective Study of the Use-effectiveness of Two Methods of Natural Family Planning. Am. J. Obstet. Gynecol. , 141,14 :368-376. 1981.