les Méthodes Naturelles

 

Isabelle Ecochard

Mémoire de Maîtrise

Institut des Sciences de la Famille

 

2001/2003


 

PREFACE :

 

Il y a 20 ans j’ai passé ma thèse de médecine, sur l’aspect psychologique des méthodes naturelles. Cela fait 20 ans que je les enseigne soit dans un cadre associatif, soit dans un cadre professionnel. Cela fait 20 ans que je suis des couples utilisateurs des Méthodes Naturelles de Régulation des Naissances, cela fait 20 ans que je parcours le monde, en particulier l’Afrique pour répondre aux besoins de ceux et celles qui souhaitent développer un programme de Planification Familiale Naturelle.

Aujourd’hui j’ai envie de poser mes valises, de faire le point, de m’arrêter pour regarder le paysage. Mes valises sont pleines  de questions, d’ordre philosophique surtout, mais aussi pleines des témoignages offerts par tous les couples que j’ai rencontrés.

 

Le module européen ainsi que la maîtrise des Sciences de la Famille m’ont donné l’envie de trier, classer leur contenu, valises car elles contiennent des trésors offerts par les couples et non encore partagés, valises aussi parce qu’elles sont lourdes de questions, valises encore car je suis en chemin et j’ai besoin de faire le point sur la direction à prendre. Je remercie Institut des Sciences de la Famille de m’en donner l’occasion.

En débutant la maîtrise des sciences de le famille, je recherchais une connaissance  que je n’avais pas eu le courage de trouver seule et que les associations, que je connais, travaillant sur le même sujet n’ont pas jugé bon de développer. Cette formation m’a provoquée à beaucoup lire, à découvrir d’autres domaines, d’autres façons de penser.

  A moins de souffrir d’optimisme pathologique, force est de constater que cette voie offerte aux couples ressemble plus à une piste pour aventureux  inconscients qu’à un chemin de traverse, pour ceux  qui souhaitent voir un autre paysage, une variante au pays de la fertilité. Tout se passe comme si les balises de ce chemin différent étaient constamment détériorées, empêchant les volontaires de s’y aventurer                                                                                               .

Car il s’agit bien d’aventure. Il s’agit de faire le pari qu’un comportement fait de maîtrise et de respect de l’autre dans tout ce qui le constitue est un chemin possible, un chemin de bonheur. Lorsque le couple commence cette expérience, il doit faire  une confiance immense dans la parole qu’il a entendue. De la même manière que dans la fable du Laboureur c’est  en pratiquant que les richesses se découvrent.

L’accueil réservé par l ‘Institut des Sciences de la Famille à mon sujet de mémoire m’a beaucoup touchée. Oser dire haut et fort que son sujet de prédilection est les Méthodes Naturelles de Planification Familiale n’est pas toujours facile et est souvent occasion de rejet violent et blessant, même dans les structures qui à priori devraient être favorables. L’attitude facilitatrice des membres de l’Institut des Sciences de la Famille a été un soutien certain et une fenêtre ouverte sur un avenir.

 

INDEX

 

 

Index. 0

Remerciements : 2

PREFACE : 1

I. INTRODUCTION : 3

1. Qu’est ce que la Planification Familiale Naturelle ?. 4

II. LA PROBLEMATIQUE : 9

1. Constat d’ignorance et de rejet: 9

1. Il est possible de classer les motifs de satisfaction de la manière suivante : 16

a.   Ne pas modifier leur physiologie : 16

b.   Dialoguer à propos de leur fertilité: 18

c.    Engager leur partenaire: 19

d.   Instaurer une relation égalitaire: 19

e.   Se mettre  d’accord sur la méthode: 21

f.    Elargir leurs gestes de tendresse: 22

g.   Découvrir et aménager un espace pour leur amour: 24

 

2. La continence: 25

a.     La continence est un conflit de désir, elle est éducatrice : 25

b.   La continence est un manque: 28

c.    Un manque insupportable: 29

d.   Et la spontanéité, c’est en période fertile qu’on a le plus de désir ! 30

3. Hypothèse sur la raison du rejet de la Planification Familiale Naturelle: 31

III. METHODE DE TRAVAIL ET MATERIEL UTILISE : 33

1. Présentation : 33

2. Définition opérationnelle : 33

3. Les textes et leurs auteurs : 34

IV. ANALYSE DES TEXTES DE L’EGLISE CATHOLIQUE : 37

1. Historique de la rédaction d’Humanae Vitae. 37

a. Après Vatican II : 37

b. Influence de l’Archevêque de Louvain. 37

c. Première réunion en 1963 : Aucune contestation de la position de l’Eglise. 38

d. Deuxième réunion en Avril 1964 : Ouverture aux laïcs et thème du Mariage chrétien  38

e. Trois dernières réunions : Deux groupes se distinguent 39

f. Finale : 39

 

2. Comparaison des textes : 41

a. L’Eglise dans notre temps 41

b. Valeurs fondamentales du mariage et de l’amour humain: 42

c. La paternité responsable. 42

d. La Planification familiale. 44

e. Morale fondamentale. 44

f. Place des unions dans la vie conjugale : 45

g. Les grandes différences, la grande incompréhension : 46

1.   Valeur de la fonction de reproduction : 47

2.   Le sens des gestes amoureux du couple, de la relation sexuelle. 49

3.   Place de l’enfant dans la sexualité du couple qui a choisi la PFN : 50

4.    « Ouverte à la vie », une formulation qui gagne à être clarifiée : 51

5.      La continence qui en découle. 52

4.   Naturelle, un mot souvent mal compris : 56

 

3. Conclusion : 58

a.   Globalement une vision commune : 58

b.   Les différences entre les deux textes: 59

V. ANALYSE des TEXTES PROFANES : 63

1. Contextes de la rédaction des textes : 63

a. Les textes favorables à la contraception : 63

b. Les textes favorables à la PFN : 64

 

2. Comparaison des textes profanes : 66

a. La Révolution contraceptive. 66

b. Rapport homme-femme. 68

c. Notre corps nous appartient 69

d. Liberté des femmes 72

e. Deux types de libertés 73

f. Sphère publique et Sphère privée. 74

g. Le couple. 76

h. Les enfants 77

3. Conclusion de la comparaison des textes profanes. 78

 

Comparer pour Comprendre : conclusion. 81

 

BIBLIOGRAPHIE. 91

 

Annexe 1 : Humanae vitae. 95

Annexe 2 : Extrait de Gaudium et Spes. 105

Annexe 3 : Rapport de la majorité. 107

Annexe 4 :  Définitions et tableaux comparatifs. 115

ANNEXE 5 : LES METHODES NATURESLLES DE REGULATION DES NAISSANCES…………………………………………………………………………………….112

Annexe 6 : Les membres de la commission : 121

Annexe 7 : Exemple d’information émanant du ministère de l’emploi et de la solidarité et mentionnant les méthodes naturelles. 123

Annexe 8 : Bibliographie sur l’efficacité de la PFN : 123

 

Remerciements :

 

Mes remerciements vont particulièrement à

Pierre Benoit, directeur de l’Institut des Sciences de la Famille de Lyon, qui a dirigé ce travail.

Votre accueil favorable, encourageant et bienveillant au thème de ce mémoire a été un réconfort et un soutien dans ma recherche. Votre confiance en une progression, dans un domaine éloigné de ma formation initiale, m’a permis d’étayer ma réflexion sur un sujet qui m’accompagne depuis longtemps.

Soyez assuré de ma profonde gratitude.

 

Chantal Rodet, responsable de la maîtrise à de l’Institut des Sciences de la Famille de Lyon.

Votre accueil et votre regard positif posé sur chacun de vos élèves ont été précieux au cours de ma formation.

Je vous en remercie.

 

 

René, mon mari et compagnon dans notre action auprès des couples,

        

         Ton encouragement à persévérer tout au long de la rédaction de

ce mémoire m’ont profondément touchée.

 

 

Aude, Marie, Pierre et Ségolène, mes enfants,

 

Vous m’avez aidée et soutenue pendant la rédaction de ce travail, sur un sujet qui a accompagné votre enfance et qui parfois vous étonne,

 

Je vous embrasse affectueusement.

 

 

Au groupe des cigognes et aux monitrices MAO de la région Rhône Alpes

 

Vous m ‘accompagnez dans ma réflexion depuis longtemps, votre enthousiasme bienveillant pour la PFN est un soutien fort et réconfortant,

 

Soyez assurés de ma profonde amitié.

 

 

A tous les couples qui ont bien voulu me faire l’honneur de leur confiance.



PREFACE :

 

Il y a 20 ans j’ai passé ma thèse de médecine, sur le vécu de la Planification Familiale Naturelle. Cela fait 20 ans que je l’enseigne, soit dans un cadre associatif, soit dans un cadre professionnel. Cela fait 20 ans que je suis des couples utilisateurs des méthodes naturelles de régulation des naissances, cela fait 20 ans que je parcours le monde, en particulier l’Afrique, pour répondre aux besoins de ceux et celles qui souhaitent développer des programmes de Planification Familiale Naturelle.

Aujourd’hui, je souhaite faire le point, m’arrêter pour regarder le paysage. Mes « valises » sont pleines de questions, d’ordre philosophique surtout, mais aussi pleines des témoignages offerts par tous les couples que j’ai rencontrés.

Le Module Européen ainsi que la maîtrise des Sciences de la Famille, proposés par l’Institut des Sciences de la Famille de Lyon, m’ont donné l’envie de trier, classer le contenu de ces valises. Elles contiennent des trésors offerts par les couples et non encore partagés, elles sont lourdes de questions. J’ai besoin de faire le point sur la direction à prendre. Je remercie Institut des Sciences de la Famille de m’en donner l’occasion.

En débutant la maîtrise des Sciences de le Famille, je recherchais une connaissance et une aide dans ma réflexion. Cette formation m’a incitée à beaucoup lire, à découvrir d’autres domaines que ceux de ma formation initiale, médicale.

A moins de souffrir d’optimisme pathologique, force est de constater qu’il est difficile pour les couples de choisir la Planification Familiale Naturelle. Cette voie offerte ressemble plus à une piste pour aventureux inconscients qu’à un chemin correctement balisé. Tout se passe comme si les balises de ce chemin étaient constamment détériorées, empêchant les volontaires de s’y aventurer.  .

Car il s’agit bien d’aventure. Il s’agit de faire le pari qu’un comportement, fait de maîtrise et de respect de l’autre, dans tout ce qui le constitue, est un chemin possible, un chemin de bonheur.

 

L’accueil réservé par l’Institut des Sciences de la Famille à mon sujet de mémoire m’a beaucoup touchée. L’attitude facilitatrice des membres de l’institut a été un soutien encourageant ; j’envisage  désormais différemment mon activité en Planification Familiale Naturelle.

 

 

 

 

 

 

 


I. INTRODUCTION :

La Planification Familiale Naturelle (PFN) est définie depuis plus de 50 ans, son évolution est constante et son efficacité reconnue. Et pourtant peu de personnes la connaissent, peu de médecins en parlent aux couples. Quelles en sont les raisons ?

Tout au long de ce travail nous allons essayer de comprendre comment un tel ostracisme s’est installé. Pourquoi la PFN ne peut–elle pas être reconnue au même titre que les autres méthodes de planification familiale ?

Les méthodes de planification familiale (contraception, contragestion[1] et méthodes naturelles) ne relèvent pas uniquement des sciences médicales. Elles se situent à la croisée des chemins entre les sciences sociales, les sciences de la famille, les sciences médicales. Elles s’adressent à des individus et des couples mais elles concernent également le groupe social, pour des raisons démographiques mais aussi en raison de la philosophie qu’elles véhiculent.

Actuellement la PFN a été placée sous une chape de plomb, qui est un alliage de méconnaissance, de refus et peut être de crainte.

La raison? Ce mémoire va essayer d’apporter quelques réponses.


 

1. Qu’est ce que la Planification Familiale Naturelle ?[2]

 

On entend classiquement par planification familiale toutes les méthodes, toutes les possibilités mises à la disposition du couple pour choisir le nombre d’enfants qu’il souhaite accueillir dans sa famille. La terminologie centre de planification et d’éducation familiale reprend cette notion et est utilisée dans les textes officiels.[3]

Aucune méthode ne peut faire l’économie de la connaissance de la biologie de la reproduction : comment est conçu un enfant, comment se déroule le cycle féminin et l’ovogenèse, comment sont fabriqués et émis les spermatozoïdes, comment se fait la rencontre des gamètes. Le laboratoire, le médecin le couple vont choisir comment utiliser cette connaissance.

Dès ce stade se différencient les attitudes. Deux grandes voies[4] s’offrent alors à celui qui fait un choix de planification familiale : la voie de la technique d’intervention c’est à dire l’utilisation de la connaissance de la biologie de la reproduction afin de la modifier, et la voie de la connaissance, le couple modifie son comportement et ne modifie pas la physiologie.

Avec les techniques d’intervention, sont modifiés le cycle féminin par les hormones oestro-progestatives de la pilule, l’acte sexuel par l’utilisation du préservatif et des spermicides. C’est ce que nous appelons la contraception en raison de son action qui se situe avant la fécondation. A l’heure actuelle il n’existe pas de moyens pour modifier la spermatogenèse. Les recherches n’ont pas encore abouties, elles sont à ce jour ralenties.

D’autres méthodes d’intervention agissent après la fécondation, après la rencontre de l’ovule et du spermatozoïde. Il s’agit du stérilet et de la pilule du lendemain, lorsque celle ci est administrée après la fécondation. Lorsque la pilule du lendemain est prescrite avant l’ovulation, elle a une action antigonadotrope c’est à dire qu’elle bloque l’ovulation et est alors à classer avec la contraception. Stérilet et pilule du lendemain sont maintenant, depuis la proposition du docteur Beaulieu lors de la mise au point de la pilule abortive le RU486, appelées contragestion.

Une autre voie se propose pour la planification familiale, la voie de la connaissance. En effet, lorsque la femme apprend à repérer les périodes fertile et non fertiles de son cycle, le couple peut adapter son comportement sans modifier la physiologie de sa capacité de concevoir des enfants. Dans ce cas ce qui est modifié, est l’attitude du couple. Sous le terme de méthodes de connaissance[5] sont abritées plusieurs méthodes, dont le nom dépend soit du signe que la femme va observer pour connaître son cycle (méthode des températures, méthode symptothermique, méthode de la glaire), soit du nom de leur promoteur (méthode Ogino Knauss, méthode Billings), soit de l’attitude requise auprès de la femme (méthodes d’auto-observation) ou du couple (méthode de la continence périodique). Toutes sont à rattacher à la PFN.

Elles ont évolué dans le temps, grâce à la recherche incessante. En effet, sont intéressés par cette connaissance non seulement les personnes favorables à ce moyen de planifier les naissances mais aussi les biologistes de la reproduction pratiquant les Procréations Médicalement Assistées.

Il est important de comprendre que les méthodes de connaissance, plus communément appelées Planification Familiale Naturelle, quelle que soit la technique employée pour reconnaître les périodes du cycle féminin, reposent sur le même principe :

- observer les signes cliniques de fertilité pour connaître les périodes du cycle.

- respecter une continence pendant les périodes fertiles si le couple ne souhaite pas concevoir.


 

2. Contexte historique dans lequel s’inscrit notre débat :

La connaissance de la physiologie de la fertilité humaine a évolué, évolue et évoluera dans le temps. Nous retiendrons les dates suivantes, dates approximatives de diffusion des méthodes de Planification Familiale Naturelle.

Date de diffusion

Moyen ou signe utilisé

Nom

1930

Calcul probabiliste

Ogino Knauss

1950

Décalage de la température

Thermique

1970

Glaire Cervicale

Billings

MAO[6]

1980

Col de l’utérus

MAO

1990-2000

Appareils de détection hormonale ou thermique

Bioself, Cyclotest, Persona, Ladycomp

 

Chacune de ces méthodes a une efficacité qui lui est propre et qui dépend de la précision du signe choisi.

Dans un premier temps nous analyserons le rejet dont la PFN est l’objet actuellement, et malgré cela la satisfaction des couples qui l’utilisent. Puis nous essaierons de comprendre les raisons de ce rejet par la comparaison, d’une part de textes de l’église catholique rédigés en 1968 au moment de la publication de l’encyclique Humanae Vitae, et d’autre part de textes profanes rédigés 30 ans après.

 


 

II. LA PROBLEMATIQUE :

 

1. Constat d’ignorance et de rejet:

Les signes cliniques, sur lesquels repose la PFN, sont mal connus du corps       médical.

Le personnel de santé les ignore ou ose à peine en parler. Pourtant les signes de fertilité, que la femme est capable d’observer, sont une aide précieuse au diagnostic ou pour guider un traitement. L’observation des signes de fertilité par la femme elle même n’est même pas étudiée par les spécialistes de la biologie de la reproduction, ni par les gynécologues. Si les médecins s’intéressent aux signes d’ovulation ou de fertilité, ils les observent eux même au cours de l’examen clinique ; la femme n’est pas mise à contribution.

Rares sont les médecins qui connaissent la PFN et encore plus rares ceux qui la proposent.

 

L’utilisation de la PFN est encouragée par l'Eglise catholique qui la considère comme étant la seule méthode de planification des naissances qui respecte la création en ne dissociant pas l'acte d'amour et l'acte de procréation. Pourtant peu de prêtres osent en parler aux couples qu’ils rencontrent. « On constate également dans les paroisses un silence massif de la prédication autour des questions qui touchent à la morale sexuelle et conjugale. Ce qui n’est pas le cas pour les domaines social, écologique, économique, politique, etc. »[7]

Il y a peu d’écrits sur le sujet. La PFN n’est pas ou très peu présentée dans les séminaires catholiques. Et pourtant, n’y a-t-il aucun lien entre la continence du prêtre et celle demandée aux époux ? Il y a certainement des points communs qui vaudraient la peine d’être travaillés.

Je souhaite souligner la chance des catholiques d’appartenir à une église catholique qui a osé se prononcer sur le sujet, même si sa proposition n’est pas comprise et ne fait pas l’unanimité au sein même de l’institution. L’Eglise catholique a eu le mérite et le courage d’offrir aux couples des pistes de réflexion.

J’ai été très frappée par la première phrase d’un couple à ma consultation :

 

« Nous venons vous voir parce que nous sommes protestants et nous souhaitons connaître les raisons profondes des leaders de l’Eglise Catholique qui défendent les méthodes naturelles. Nos leaders ne se prononcent pas ! »

Cette introduction à un entretien médical montre qu’un choix de méthode de planification familiale est également d’ordre philosophique. Les couples ont besoin d’être guidés dans leur réflexion. Ce choix ne concerne pas seulement une prescription mais un mode de vie.

 Les méthodes naturelles de régulation des naissances sont décriées. Beaucoup de personnes, scientifiques ou non, ont des affirmations péremptoires les concernant. Des idées fausses circulent à leur sujet ; ceci est d’autant plus étonnant que peu de gens les utilisent ou les défendent, et qu'en plus les utilisateurs ne se montrent pas au grand jour. Les documents à propos de la planification familiale, validés par les organismes gouvernementaux mentionnent la PFN avec des renseignements erronés[8]. Pourtant certaines études confirmant la validité de la PFN ont été rédigés au sein des établissements publics comme l’Inserm[9] ou les universités.

 

La PFN est l’objet d’un ostracisme. A leur propos, les pensées semblent anesthésiées. Tout se passe comme si le silence autour d’elles était le résultat d’une injonction ; en parler, les proposer n’est pas politiquement, voire même scientifiquement correct. Le débat sur le sujet est toujours passionné, parfois agressif.

 

D'où naissent toutes ces idées délétères ? Comment sont elles alimentées, quand les défenseurs de la planification familiale naturelle se terrent dans un trou de souris ? Quel drôle de combat où David est si petit qu'on ne peut le voir. On est en droit de s'interroger sur les motivations de Goliath à continuer le combat avec un adversaire si peu visible et si peu offensif pour lui. Que craint Goliath ?


 

2. Constat des bases scientifiques de la PFN et de la satisfaction des utilisateurs :

a.    Les méthodes sont correctement codifiées :

Les techniques propres à chaque méthode ont été au fil des années et des recherches, simplifiées. Elles sont décrites dans des documents simples à la portée de tous. Chaque association a édité ses propres documents.

Des dossiers sont tenus de manière professionnelle par les personnes qui suivent des couples utilisateurs de la PFN. Ainsi les graphiques collectés servent régulièrement à la recherche. Par exemple actuellement, des courbes et graphiques issus des utilisateurs en Europe sont analysés à Padoue en Italie.[10]

 

b.   Elles sont efficaces :

De nombreux articles scientifiques, publiés dans des revues internationales, ont décrit des recherches sur leur efficacité. Actuellement plusieurs universités, en particulier une en Italie[11] et l’autre aux USA, ont orienté leurs thèmes de recherche sur ce sujet, les autres études étant réalisées de manières sporadiques dans les différents pays, sans que ce soit la spécialité du département de recherche concerné.

Il n’est plus contesté que leur efficacité avoisine les 98 à 99%.[12] Il faut bien sûr préciser que ces chiffres concernent les utilisations correctes de la méthode.

 Pour tout moyen de planification familiale, contraception ou contragestion, deux types d’efficacité sont décrites: efficacité théorique, et efficacité pratique, correspondant aux chiffres observés sur le terrain avec tous les aléas liés à la mise en œuvre.

La particularité de la PFN est qu’à tout moment le couple peut faire varier cette efficacité. Lorsque le couple n’applique pas correctement les consignes de la PFN, et qu’il en résulte une grossesse non planifiée, cette grossesse n’est pas à mettre sur le compte de la méthode ; il en est de même pour un couple utilisateur de préservatif, et qui a oublié de le mettre. Par contre s’il a correctement suivi les consignes et qu’une grossesse survient, la méthode est à mettre en cause.

L’efficacité de la PFN va donc dépendre de la qualité de l’enseignement autant que de la motivation du couple. L’expérience montre qu’un couple correctement enseigné, ayant une solide motivation, arrive à une efficacité quasi totale, équivalente à celle des méthodes contraceptives.

 

c.    Les couples utilisateurs sont satisfaits:

Les couples utilisateurs de la PFN sont satisfaits de leur choix. Il leur faut cependant une certaine force de caractère pour persévérer. En parler à leur médecin les expose à une diatribe sur l’efficacité, partager avec des amis leur fait prendre le risque de moquerie et de se faire taxer de naïfs attardés, l’évoquer avec un prêtre les expose à un mutisme décourageant.

Aussi la diffusion de ces méthodes n’utilise-t-elle pas les canaux habituels de la prescription de la contraception, les couples s’adressent à des associations dont les membres les suivront jusqu’à l’autonomie.

En France à l’heure actuelle, 4 associations dispensent ces services[13] ; chaque pays européens en compte également plusieurs.

La PFN ne se prescrit pas comme les autres médications ou examens para cliniques en médecine. Il est plus exact de dire qu’elles s’enseignent.

Depuis 15 ans j’assure, en tant que médecin, une consultation médicale dans un centre de planification hospitalier ; dans ce cadre, je suis des couples qui souhaitent utiliser la planification familiale naturelle comme moyen de régulation des naissances. Il est à noter qu’il s’agit d’une situation exceptionnelle en France.

Les centres de planification ont été créés après la loi Weil en 1975, portant sur la dépénalisation de l’avortement. Ils ne sont pas seulement destinés aux jeunes, toute personne en age de procréer peut y accéder. Le souci premier du législateur était de mettre à disposition des lieux d’information, d’écoute et de prescription de la contraception. Le centre de planification est donc un lieu où les usagers ont la possibilité de réfléchir, de choisir une méthode de planification familiale. L’organisation est telle que les usagers peuvent prendre le temps pour choisir, questionner.

 

Pour illustrer et ancrer dans le concret mon analyse, j’ai choisi de donner des témoignages de couples utilisateurs de la PFN. Ces témoignages ont été recueillis au cours de mes consultations médicales.

Sur le plan sociologique, les couples qui font appel à ma consultation de PFN sont de tous ages. Leur religion est majoritairement chrétienne, parfois musulmane. Leur niveau scolaire est varié, aucune tendance ne se dessine en ce qui concerne leur profession. Par contre les couples sont pour la plupart mariés, et au moment où ils optent pour la PFN ils ont plus d’enfants que la population générale. Le niveau socio économique est lui aussi varié. Cette constatation rejoint les études des populations d’utilisateurs de la PFN, que ce soit en France ou en Europe[14].

Sur le plan de leur satisfaction, on constate que les couples utilisateurs, au delà des difficultés, trouvent dans ce moyen de planification familiale une source de joie et de bonheur qui va bien au delà de la satisfaction à respecter la nature ou les enseignements de l’Eglise Catholique.

Il apparaît qu’une motivation uniquement d’ordre écologique ou d’obéissance à l’Eglise Catholique ne tiendra pas longtemps et qu’au premier problème rencontré, les couples dont la décision repose sur ce type de motivation, vont abandonner rapidement. Ce qu’ils expriment en consultation est le résultat des retombées positives de la PFN sur leur vie de couple, sur leur amour. Ils exposent rarement les fondements de leur choix, les racines de leurs convictions les plus profondes. L’entretien est là pour les aider à les formuler.

Je suis frappée par la constance du choix des couples même lorsque la continence parait longue ou les signes difficiles à observer. Souvent, il n’y a pas de corrélation entre la difficulté rencontrée et la persistance à utiliser cette méthode. La PFN comporte en effet des contraintes. Elle n’est pas toujours facile à vivre. Certains couples ne l’utilisent pas longtemps. D’autres, rencontrant les mêmes difficultés (courbes difficiles à interpréter et continence longue) sont heureux de continuer sur cette voie. Tout se passe pour le couple comme si, dans le faisceau d’arguments pour continuer la PFN, la difficulté à vivre la méthode ne pesait pas de tout son poids.

 

Les raisons de la satisfaction des couples paraissent tellement différentes des arguments habituels. Ces couples réalisent combien ils sont à contre courant de la pensée contraceptive actuelle et ils osent peu en parler. Les motifs de satisfaction des utilisateurs concernent d’une part leur fertilité, qu’ils ne souhaitent pas modifier et au sujet de laquelle ils sont heureux de dialoguer, et d’autre part les répercussions de la PFN sur leur relation conjugale, sur l’entente dans le couple.

 

1. Il est possible de classer les motifs de satisfaction de la manière suivante :

a.     Ne pas modifier leur physiologie :

 

Une des premières motivations exprimées par les couples est le souhait de ne pas modifier la physiologie du corps de la femme et de la relation sexuelle. Les mécanismes de la reproduction humaine sont vécus comme un bonne chose qu’ils ne veulent pas contrecarrer.

 

« Mon mari (c’est-à-dire son corps, sa physiologie, son caractère, ses qualités, ses défauts, son histoire, son intelligence…bref, tout ce qui le constitue) n’est pas une menace pour moi. Je n’ai pas besoin de m’en protéger (par un préservatif ou un spermicide). Je ne l’aime pas par petits bouts, en faisant le tri de ce qui me plait ou en éliminant ce qui me dérange : il est une personne humaine, donc non morcelable. De plus, il n’est pas moi, et c’est justement sa différence que je recherche ; autrement dit, j’accepte que face à ma fertilité cyclique, mon mari ait une fertilité continue et j’en assume les conséquences sans les nier. »

Chacun souhaite être considéré comme un être unique aux yeux de l’autre, et être aimé tel qu’il est, dans sa totalité.

 

Madame C prend sa tête entre ses mains et comme si elle dévoilait un peu de leur intimité, me dit : « Mon mari ne veut pas que je m’abime avec une méthode chimique ». A l’entendre c’est un beau cadeau pour elle.

La physiologie, la capacité à concevoir fait partie de la beauté. Ne pas agir sur son fonctionnement peut être vécu comme un signe d’amour.

 

« J’aime la physiologie de ma femme, son rythme. Cela fait partie de sa féminité et joue sur mon désir de relations avec elle. Je n’aimerais pas qu’elle se modifie pour moi. Je l’aime comme elle est. »

 

 

« Le cycle de ma femme c’est un peu comme des saisons, elles n’ont de beauté que parce qu’elles se succèdent, j’apprécie le printemps parce qu’il vient après l’hiver »

 

Ces témoignages rappellent une phrase de Jean Vanier[15] « Aimer quelqu'un c'est lui révéler sa beauté »

La relation sexuelle est un geste d’amour par excellence. Modifier la physiologie de l’autre peut être vécu comme une attitude qui ne s’inscrit pas dans une volonté de don total.

 

Monsieur et Madame, bien qu’assis en face de moi, se tournent le dos. Je sens qu’il y a désaccord. Madame ne veut plus prendre la pilule et Monsieur ne sait dire qu’une seule chose « Je suis égoïste » Les motivations de Madame pour les MAO sont claires et Monsieur persiste : « Ce doit être parce que je suis égoïste que je ne comprends pas pourquoi elle veut changer ». La situation semble bloquée. Puis Monsieur lance « C’est la pilule qui m’a rendu égoïste, je l’oblige à être toujours disponible pour moi, c’est intolérable. » 

 

b.     Dialoguer à propos de leur fertilité:

 

Les méthodes naturelles obligent à une continence. Les couples utilisateurs sont nombreux à témoigner que cela les provoque au dialogue. Tout d'abord pour une raison simple et évidente, il faut que les deux membres du couple soient informés du déroulement de la fertilité, Monsieur doit savoir si Madame est en période fertile ou non. Il va donc falloir discuter au moins à propos du graphique, se dire si on est fertile ou pas.

Chacun trouve les mots pour le dire, une femme avait choisi de mettre une rose dans l’entrée de leur maison !

Cette discussion à propos de la fertilité joue un rôle important dans l’entente du couple, il ne faut pas le négliger. Les conseillers conjugaux le savent bien.

 

« Ma femme a changé de moyen de contraception et je ne suis pas au courant. Je ne me sens pas respecté, il s’agit de notre fertilité tout de même. » Cet homme avançait ce premier argument pour exprimer sa motivation à choisir les méthodes naturelles. Une grande souffrance s’est échappée de cet entretien. Utilisant la PFN il sera forcément au courant.

 

c.      Engager leur partenaire:

C’est une évidence qu’il est nécessaire de rappeler. Pour un couple utilisant la PFN, Monsieur ne peut ignorer les temps de fertilité de leur couple, la physiologie de Madame les entraînant dans une alternance « fertile – non fertile ». C’est un élément principal pour beaucoup, surtout dans les populations où le rapport homme femme est différent de celui communément rencontré dans le monde occidental. « Cependant certaines femmes préfèrent les méthodes de continence parce qu’elles pensent que leur utilisation efficace dépend de l’engagement de leur partenaire dans la régulation de leur fertilité et démontre une coopération et une communication dans leur couple. »[16]

 

d.     Instaurer une relation égalitaire:

En effet la gestion de la fertilité (en l’occurrence ne pas avoir d’enfant tout en gardant une vie de couple avec relations sexuelles, qui elles mêmes engagent les deux membres du couple) peut reposer sur les épaules de Madame uniquement. La fertilité qui est un capital commun, est gérée par une seule personne. Cette situation n’est pas une répartition égalitaire des taches. « … Ce qui permet, selon les femmes qui l’ont utilisée, de construire une relation plus égalitaire. »[17]

 

D’après Georges Eid[18], l’apparition de l’intimité dans l’histoire des couples depuis plusieurs siècles, est directement liée à l’apparition de la démocratie sur le plan politique. La démocratie permet l’émergence de la liberté et de l’égalité. On observe les mêmes caractéristiques dans la sphère privée que dans la sphère publique. Sont apparues des normes de bonnes relations dans le couple comme l’autonomie, l’égalité, le respect, la communication et l’interdit de la violence. Plusieurs exemples peuvent être donnés pour illustrer ces affirmations. Que ce soit l’acquisition de l’autonomie de la femme sur le plan financier ou électoral ou les lois protégeant le respect de l’autre en cas de divorce. A l’instar des tâches concernant le propre et le ranger, la fertilité est un domaine où les responsabilités peuvent se partager, chacun selon ses capacités.

Les hommes et femmes qui proposent aux couples la PFN, témoignent souvent que la motivation première des couples utilisateurs est la joie de la gestion conjointe de leur fertilité.

« De façon notable les femmes qui préfèrent les méthodes naturelles les utilisent parce qu’elles voient leur fertilité comme une ressource précieuse. Elles la partagent avec leur mari et craignent qu’elle puisse être mises en danger par une méthode moderne. D’autre part certaines femmes sont dépendantes de leur mari sur le plan social et économique. Ces femmes là ont le sentiment qu’un contrôle indépendant de leur fertilité par l’usage d’une contraception peut compromettre la qualité et l’intimité de leur mariage. C’est un risque qu’elles ne sont pas prêtes à prendre. »[19]

 

e.     Choisir et suivre ensemble la méthode:

Quelle que soit la méthode choisie, il est important que le couple trouve celle qui lui convient, non seulement en terme de contre indications médicales mais aussi en terme d'acceptabilité pratique, psychologique et philosophique, en accord avec son projet de couple. Ce n'est pas toujours aussi simple. Idéalement le choix est le résultat d’un dialogue, qui est garant de l’acceptabilité. Dans le cadre de la PFN, étant donnée l’hostilité potentielle que le couple peut rencontrer de la part de l’entourage, il est important que l’accord du couple soit total.

 

Monsieur et madame R ont un petit garçon et ne sont pas en mesure d’avoir un autre enfant.

Ils ne sont pas d'accord sur la méthode à employer. Aussi se présentent-ils : "Nous ne sommes pas d'accord, nous avons trouvé une solution, pendant 2 ans nous utiliserons les Méthodes Naturelles et les 2 années suivantes la pilule". Monsieur est galant, il laisse sa femme commencer par "sa méthode". Et les voila partis pour 2 ans de PFN. Madame est ravie, le suivi est simple. Au terme des ces deux années et selon leur contrat de départ, ils optent pour « la méthode de monsieur". Finalement cette alternance a l'avantage de les remettre face à leur choix. Mais c'était sans compter sur la motivation indispensable, l'incontournable acceptation  de la méthode par chacun des deux membres du couple. Madame est enceinte après 3 mois de prise de pilule.

"Mais vous comprenez, il faut la prendre tous les jours" s'exclame-t-elle. L’observation aussi! Elle n'était pas motivée pour la pilule dont l'application est fort simple. Quelques oublis de comprimés avaient eu raison de sa motivation, le désir d'enfant avait fini par s'exprimer.

 

f.       Elargir leurs gestes de tendresse:

Les débuts de la diffusion de la PFN se situent vers les années 1950. Le premier objectif était l’espacement des naissances avec plus d’efficacité qu’auparavant.

« Nous avons cru à l’efficacité des méthodes naturelles et les couples qui ont accepté de s’en servir ont vu, ce que naïvement nous n’avions pas prévu, leur amour grandir en force et valeur » [20]. Cette affirmation se vérifie souvent au cours des entretiens. Nombreux sont les couples qui en témoignent.

 

Madame M est venue à la consultation par conviction écologique. Elle a donc décidé d'essayer les méthodes naturelles. A la question : "Qu'est ce que vous en pensez ? » elle répond avec des étoiles dans les yeux : « Oh vous savez mon mari m'emmène au restaurant maintenant ! » En effet il est fréquent que la répercussion de ce changement d'attitude qu'imposent la PFN ne soit pas où le couple attendait. « Mon mari m'offre des fleurs »,  sous entendu « il ne le faisait plus depuis longtemps ».

 

« Nous discutons, discutons, discutons, nous avons le temps d’aller au fond des choses, comme quand nous étions fiancés… cela ne se fait plus maintenant (de se fiancer), je veux dire comme quand nous n’avions pas encore de relations sexuelles. Et finalement nos discussions valent bien une relation sexuelle car elles sont une rencontre

 

« Merci de nous avoir aidés à persister dans notre choix. Nous sommes heureux d’être capables de vivre cela. Nous commençons à voir les répercussions sur notre couple »

« Moi j'aime cette alternance relation sexuelle et discussion, cela donne de la valeur à chacun de ces échanges. »

 

 

 

Les répercussions s’étendent jusque dans le domaine de la sexualité. Elle développe le duo plaisir - désir :

« La continence érotise la relation sexuelle » expliquait un homme.

« La continence remet à l’heure les pendules du désir ». Cette phrase souvent employée par les promoteurs des méthodes naturelles. En effet l’attente d’un événement ou d’un objet désiré augmente le plaisir. Tous les parents le savent, un cadeau attendu et espéré apporte plus de plaisir à l’enfant.

« Ma femme a retrouvé le plaisir au moment de nos unions »

Pour accepter la continence avec plus de sérénité, il va être indispensable pour le couple de discuter de la manière dont il va vivre cette période particulière. Chacun devra dire à l’autre ce qui le mettra en difficulté pour respecter leur décision. Le couple va devoir dialoguer au sujet de sa sexualité. Avec délicatesse chacun dira comment il souhaite vivre cette période.

 

« Au début on se fuyait, raconte un homme, on partait en réunion, on s’inventait des tas de choses à faire. On s’est vite rendu compte que ce n’était pas la solution. Maintenant on ne se cache plus derrière un hyper activisme, on reste ensemble en s’exprimant simplement qu’on s’aime et que l’on sait que l’on ne peut pas avoir de relation sexuelle même si on en a envie ! »

Réciproquement lorsque les hommes sont interrogés, ils témoignent de changements qu'ils n'attendaient pas.

 

Les couples sont provoqués, pendant la période de continence, à découvrir d'autres gestes de tendresse que la relation sexuelle. En fait c'est autour de la continence que s’articulent les retombées sur la relation entre les époux.

 

g.     Découvrir et aménager un espace pour leur amour:

Ainsi un espace s’aménage petit à petit. Tous les gestes, autres que la relation sexuelle, pour exprimer l’amour que l’on porte à l’autre, se retrouvent valorisés dans cet espace dont les contours s’explorent avec délicatesse, de peur de ne pas tenir les engagements vis à vis de la continence.

 

« La continence nous a fait découvrir entre nous un espace où chacun est provoqué à d’autres gestes d’amour que la relation sexuelle. La particularité de cet espace est l’obligation à une infinie délicatesse, comparable à celle que nous avions lorsque nous nous sommes déclaré notre amour il y a 25 ans. Nous avions tellement peur de blesser l’autre, de ne pas être reçus. La limite de cet espace avec la relation sexuelle est très légère, comparable à un vol de papillon. Il nous faut cultiver notre tendresse pour l’autre pour la respecter. »

 

« Chaque regard, chaque contact, chaque pensée, échangés avec l'objet de notre amour se charge d'une intensité érotique mille fois supérieure à celle d'un rapport sexuel ordinaire. »[21]

 

Accepter de différer son désir de relation sexuelle n’est pas toujours facile. Les couples utilisateurs rencontrent des difficultés à maintenir le cap de leur décision.

 

2. La continence:

 

a. La continence est un conflit de désir, elle est éducatrice :

La décision de ne pas avoir une relation sexuelle, alors qu’on le souhaite, est de l’ordre du conflit de désir. Les couples qui ont accepté de se lancer dans l’aventure de l’utilisation des méthodes naturelles avec confiance, font l’expérience d’un bienfait que leur apporte la gestion de ce conflit. Ceux qui le vivent depuis plusieurs années en témoignent.

 

Mme A lance "Mon mari m'énerve en ce moment, on s'est disputés hier soir" et après une pause "si on n'utilisait pas les méthodes naturelles, nous ne serions plus ensemble."

 

Madame F est ménopausée, avec son conjoint ils ont utilisé les MAO depuis leur mariage. Monsieur, atteint d'un cancer, vit les derniers instants de sa vie.

"Je vais vous dire, affirme-t-elle, si nous n'avions pas utilisé les méthodes naturelles, nous ne vivrions pas cette grâce qui nous est donnée d'apprécier chaque jour qui passe avec une telle intensité. C'est parce que nous sommes allés au plus profond de notre être à travers la gestion de notre fertilité que nous vivons ces moments difficiles avec tant de sérénité. Je ne peux pas le raconter…qui me croirait ?" Effectivement qui peut croire cette femme ? A l’heure où seule la contraception est vécue comme libérante, qui peut entendre que d’avoir accepté une continence périodique toute sa vie aide cette femme dans les moments les plus difficiles de sa vie de couple.

 

 

Nombreux sont les témoignages de couples utilisateurs de longue date, qui témoignent de l’apport dans leur vie de tous les jours d’une maîtrise de leurs désirs, de leurs pulsions. La décision d’adopter une méthode qui les provoque quotidiennement à une maîtrise de soi, les aide dans leur vie de tous les jours.

 « Mais rien n’est plus simple : il suffit que l’homme apprenne à moduler son désir sur d’autres grandes orgues que le sacro-saint coït pour qu’une période d’abstinence se transforme en fête. Qu’il imagine des variations autres. On assistera peut être à des célébrations étonnantes. »[22]

Car en fait c’est bien de maîtrise de soi qu’il s’agit. Maîtriser ses pulsions est humanisant, tout éducateur le sait. Il en est de même pour les pulsions sexuelles.

 

Madame a 47 ans et n'a jamais utilisé les MAO avant. Elle le regrette. Son couple se lance dans l'aventure: "Mon mari est gourmand" avait-elle dit lorsque je l'interrogeai sur sa motivation première. Cela semblait une souffrance pour elle d’avoir un conjoint qui « ne peut pas s’arrêter », qui ne peut pas entendre qu’elle souhaite des pauses. Pourquoi l’entendrait-il puisque la contraception est si efficace qu’il n’est plus lieu d’avoir peur d’une grossesse non planifiée. Madame a pendant longtemps associé preuves d’amour et non refus des relations sexuelles. Mais aujourd’hui la demande pour les méthodes naturelles semble liée à son désir de s’arrêter de temps en temps.

Mais lorsqu' avec le couple nous avons évoqué ce que le vécu de la continence leur a apporté, la réponse fut loin de ce que je pouvais imaginer:" j'ai toujours souffert de ne pas avoir assez discuté avec mon mari du nombre d'enfants que nous voulions" et le mari d'ajouter "oui nous n'avons jamais été d'accord là dessus et au moment de la pré ménopause cela est difficile pour ma femme. Ces périodes de continence nous ont offert un dialogue approfondi et maintenant nous sommes plus sereins". Tout se passait comme si leurs relations sexuelles occultaient une discussion importante pour eux. Madame avait pleuré en me confiant qu’elle avait « refusé » un enfant à son mari. Mais elle n’avait jamais osé en parler vraiment avec lui.

 

La gestion d’un conflit est bénéfique et permet de progresser. « Le conflit, bien qu'étant une forme de désaccord, est aussi une force de socialisation qui unit les parties rivales. Il est même l'une des forces de socialisation les plus actives selon G Simmel car il est en fait un mouvement de protection contre le dualisme qui sépare, et une voie qui mènera à une sorte d'unité, quelle qu'elle soit[23]

b.     La continence est un manque:

L’amour naît dans le manque. C’est une notion que déjà Freud a largement développée. C’est dans l’éloignement de la mère que l’enfant prend conscience qu’elle lui manque, et donc qu’il l’aime, qu’il désire sa présence. La continence est une forme de courte séparation de l’être aimé, c’est un moment d’absence de gestes échangés qui pourraient conduire à une relation sexuelle. « Une courte séparation suffit à nous prouver une fois encore que l'être aimé porte en lui quelque chose d'incomparable, quelque chose dont nous avons toujours ressenti le manque et qui s'est révélé à travers lui et que sans lui nous ne pourrions plus jamais retrouver. »[24]

Alberoni semble faire l’éloge de la continence, tout du moins il nous donne des arguments en sa faveur. « Dans la perte nous nous apercevons que nous aimons quelqu'un qu'en réalité nous aimions déjà avant. La perte est une sorte de re-confirmation brutale et dramatique de ce que nous aurions déjà dû savoir. L'expérience de la perte ne nous révèle pas seulement un amour préexistant. Elle ajoute quelque chose qui nous fait saisir plus profondément l'importance de l'objet. Elle nous attache d'avantage à l'objet aimé. Le lien amoureux se renforce donc dans une succession d'expérience de la perte...la perte ne se limite pas à nous dévoiler un amour qui existe déjà, elle contribue à le créer. »[25] En effet la continence augmente la valeur de la rencontre amoureuse qu’est la relation sexuelle, elle accentue le plaisir des époux parce que la période de retrouvailles va se terminer. Son caractère périodique, l’alternance « fiançailles/ mariage » façonne la joie des retrouvailles. L’absence valorise la présence.

 « La vie commune n’est supportable à une seule condition, l’existence d’espaces de séparation »[26]. Il en va de même pour la sexualité.

c.      Un manque insupportable:

Le grand reproche fait aux méthodes naturelles est le petit nombre de relations sexuelles qu’elles permettent. C’est une affirmation qu’il serait intéressant de vérifier.  Rien qu’à l’idée d’être limités dans ce domaine certains ont une attitude de rejet.

Edmonde Morin nous propose une conclusion intéressante à ce débat : « La qualité d’une vie ne gît pas dans la quantité de rapports sexuels qu’on entreprend, mais dans la qualité des relations humaines. L’abstinence n’est à cet égard ni une vertu en soi, ni un spectre horrible. C’est seulement l’exercice d’un choix qui consacre une période de la vie à la sexualité et une autre à la fécondité. C’est un choix qui respecte le rythme propre aux femmes. »[27]

 

d.     Et la spontanéité, c’est en période fertile qu’on a le plus de désir !

Une idée largement répandue est que la femme a plus de désir sexuel en période fertile, justement au moment où le couple qui ne souhaite pas concevoir devra s’abstenir.

Cette situation brise la spontanéité. On est loin du « si je veux quand je veux » moteur libérateur des femmes après 68, qui traîne derrière lui le « tout, tout de suite ».

Cette absence de spontanéité ne concerne que la période fertile, et non pas tous les jours du cycle. En acceptant ce compromis, le couple se donne une chance de progression.

 

Au cours d’un entretien avec un couple, nous discutions sur cette gestion nécessaire des pulsions sexuelles en essayant d’expliquer pourquoi c’est justement en période fertile qu’on a le plus de désir de relations sexuelles. C’est le thème d’une chanson enfantine : « Hans a tout ce qu’il veut, ce qu’il a il ne le veut pas, ce qu’il veut il ne l’a pas ». Monsieur s’est écrié : « Ma grand mère me chantait une chanson similaire ».

 

Certains avancent des arguments biologiques au désir plus fort en période fertile. La généralisation de la pilule invalide cette hypothèse. En effet pendant les périodes où le couple est non fertile, la femme est sous les mêmes hormones que celle de la pilule ! Les femmes sous pilule ont-elles vu disparaître leur désir ? Certes c’est décrit dans la littérature mais ce n’est pas vrai totalement

 

3. Hypothèse sur la raison du rejet de la Planification Familiale Naturelle:

 

De nombreux griefs sont très fréquemment exprimés contre la PFN. Le manque d’efficacité la difficulté du vécu, donc de la continence, et la méthode elle même sont souvent incriminées. L’expérience montre que ces arguments ne sont pas forcément le noyau dur du problème.

En effet, si le couple suit correctement les consignes, le taux de grossesses non planifiées est inférieur à 2%, ce qui classe la PFN dans le groupe des méthodes très efficaces.[28]

La méthode elle même est bien codifiée, rendant son utilisation simple et des ouvrages sont disponibles.

L’expérience montre qu’il n’y a pas de lien entre la facilité à appliquer la méthode et la persévérance des couples. Certains couples se déclarent satisfaits alors que leur fertilité est difficile à reconnaître. D’autres ont beaucoup de facilité et trouvent la méthode invivable.

L’ostracisme dont souffre la PFN ne semble pas venir de ces deux critères.

 

A l’heure actuelle il faut du courage et de la ténacité pour les promouvoir ou les utiliser. Seul des idées claires sur les fondements du choix de la méthode permet au couple, au médecin, aux associations d’en parler, de les montrer sous un jour plus juste et non pas déformées par le prisme d’autres tendances.

 

 

On pourrait penser que l’utilisation de la PFN par certains importe peu à ceux qui ne les ont pas choisies. Il semble que ce ne soit pas vrai. Humanae Vitae est la seule encyclique qui a été autant critiquée par le grand public. Les attaques dans la presse y sont récurrentes, et pourtant le faible pourcentage d’utilisateurs pourrait contribuer à son oubli. Les non utilisateurs sont parfois assez agressifs envers les utilisateurs, et on pourrait leur attribuer cette phrase de Folscheid à propos du « sexuellement correct » : « Au moindre vocable jugé déplacé, à la plus petite référence à des valeurs jugées réactionnaires et ringardes, il est prêt à déchaîner les foudres de sa censure ».[29]

L’hypothèse de ce travail est que la vision de l’Homme que la PFN véhicule est l’objet principal rejet.

 


III. METHODE DE TRAVAIL ET MATERIEL UTILISE :

1.   Présentation :

 

La méthode de travail retenue est l’étude de textes avec comparaison des arguments favorables et défavorables à la PFN.

Il nous a semblé délicat et hasardeux de choisir comme outils de travail un questionnaire sociologique auprès des couples. En effet, les utilisateurs eux mêmes ne sont pas tous capables d’annoncer à quelle philosophie fait référence leur choix d’un moyen de régulation des naissances, et surtout le lien entre leur éthique et les choix pratiqués.

Par contre, un texte correspond à un travail sur un sujet par un auteur compétent, il est possible d’en tirer la philosophie qui le sous tend.

 

     2. Définition opérationnelle :

 

Le terme choisi dans ce mémoire pour parler des méthodes de connaissance, est « Planification Familiale Naturelle », ce qui correspond à la définition proposée par l’OMS : «La régulation naturelle des naissances désigne les méthodes destinées à planifier ou à éviter les grossesses par l'observation des signes et des symptômes naturels qui indiquent les phases de fertilité et d'infertilité du cycle menstruel. Cette définition sous-entend que, pour éviter une grossesse, il est nécessaire de s'abstenir de rapports sexuels durant la phase de fertilité du cycle menstruel

Le cœur de cette définition est l’abstention de rapports sexuels en période fertile, et non pas les moyens pour arriver à la connaissance.

     3. Les textes et leurs auteurs :

 

Les textes choisis sont de deux natures : textes de l’Eglise Catholique et textes profanes.

 

a.     Textes de l’Eglise Catholique:

 

Il y a 30 ans, avant la parution de l’encyclique Humanae Vitae[30] , deux textes ont été rédigés au sein de l’Eglise Catholique :

-         le texte, appelé « de la majorité »[31] et rédigé en 1967, par les membres de la commission réunie par Paul VI à ce sujet. Ce groupe était opposé à la décision finale,

-         d’autre part Humanae Vitae, encyclique proposée par Paul VI en définitive en 1968.

 

A l’époque où ces textes ont été rédigés, concernant la PFN, c’est la méthode Ogino qui était connue, plus que celle des températures. Est ce à dire que ces textes ne sont plus d’actualité ? Certainement pas ! L’encyclique Humanae Vitae, qui aborde ce sujet, concerne ce qui est entendu dans la définition de l’OMS, à savoir la possibilité de planifier les naissances en respectant les deux finalités de l’acte sexuel: « Cette doctrine, plusieurs fois exposée par le Magistère, est fondée sur le lien indissoluble, que Dieu a voulu et que l'homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l'acte conjugal : union et procréation. »[32]

Aucune méthode ne peut prétendre correspondre plus que les autres à cette définition. Ni le signe employé, ni l’efficacité ne permettent de les hiérarchiser par rapport aux propositions faites aux couples par l’Eglise Catholique.

En ce qui concerne la contraception et la contragestion, les techniques ont également évolué depuis la parution de l’encyclique. Certaines techniques ont été mises sur le marché depuis, d’autres ont été modifiées. Ces nouvelles techniques entrent dans le cadre de la définition de la contraception donnée à cette époque.

 

b. Textes profanes:

Publiés 30 ans après la publication d’ Humanae Vitae :

 

Les textes en faveur de la contraception:

 

-         De Françoise Héritier, professeur au Collège de France et directrice du laboratoire d’anthropologie sociale, Vers un nouveau rapport des catégories du masculin et du féminin.

-         De Geneviève Fraisse, directrice de recherches en philosophie au CNRS, l’Habeas Corpus des femmes, une double révolution ?

 

Tirés du livre  Contraception, contrainte ou liberté  sous la direction d’Etienne Emile Baulieu, Françoise Héritier et Henri Leridon, aux éditions Jacob (1999).

 

Les textes de conférences en faveur de la PFN:

-         De Michèle Guy, médecin de centre de planification, fondateur d’associations diffusant la PFN, La planification Familiale Naturelle, un service pour la famille, présenté au congrès de l’Institut Européen d’Education Familiale en octobre 1994.

-         De Henri Hoser, prêtre et médecin, Les fondements anthropologiques de la Planification Familiale Naturelle, Conférence présentée à Cotonou (Bénin) lors de la rencontre de la Fédération Africaine d’Action Familiale, en novembre 2001.


 

IV. ANALYSE DES TEXTES DE L’EGLISE CATHOLIQUE :

 

1. Historique de la rédaction d’Humanae Vitae

 

a. Après Vatican II :

Humanae Vitae est le fruit d’une longue réflexion qui a débuté en 1963, peu après le début de Vatican II. Sa rédaction bénéficiera de ce souffle nouveau proposé à l’Eglise et « qui mis en avant une exaltante vision communautaire et collégiale de l’Eglise » [33]

 

b. Influence de l’Archevêque de Louvain

Le principal initiateur de cette commission sur le contrôle des naissances fut Léo Joseph SUENENS, archevêque de Maline-Bruxelles

En effet, Léo Joseph SUENENS a participé au deuxième concile du Vatican en 1962 et il était de ceux qui pensaient que Vatican II ne pouvait se conclure sans une parole sur le sujet de la régulation des naissances. Son opinion, sur la position que l’église catholique devait adopter, a considérablement changé au cours des échanges de cette commission. Après avoir écrit « La contraception est la négation même de la communion conjugale, au sein de laquelle elle établit un divorce secret et qu’elle transforme en mensonge et en recherche de soi »[34] [35], Suenens propose une série de conférences informelles à l’université de Louvain en y invitant des scientifiques et des théologiens, qui pour certains, seront invités ensuite à siéger à la commission. C’est à l’occasion de ces rencontres que son opinion se modifia à tel point que, sur un ton moqueur, il lança une attaque directe à la méthode Ogino (seule méthode largement diffusée à l’époque et dont nous connaissons actuellement les limites entre autre la faible efficacité) « Il est temps de soumettre une position intelligente sur la paternité responsable et de tenter de reformuler cette vielle idée selon laquelle plus il y a d’enfants mieux c’est ».[36]

 

c. Première réunion en 1963 : Aucune contestation de la position de l’Eglise

La première réunion se situe quelques mois après la mort du Pape Jean XXIII, en 1963. La commission comporte alors 6 membres dont un iésuite Français, le père de Lestapis.

Le rapport de cette première réunion ne comporte pas l’ombre d’une contestation de l’enseignement précédent de l’Eglise. Il invite le Pape à « ne pas prendre une position absolument définitive sur la pilule ».[37]

Ce rapport suscita de vives réactions dans la presse.

 

d. Deuxième réunion en Avril 1964 : Ouverture aux laïcs et thème du Mariage chrétien

Les débats portèrent essentiellement sur le mariage chrétien et la place de la relation sexuelle, ainsi que sur l’action des différentes méthodes sur l’intégrité du mariage.

A nouveau, la presse se déchaîne, malgré le souhait du Vatican de garder le secret jusqu’à la fin de ce travail.

 

e. Trois dernières réunions : Deux groupes se distinguent

Trois autres réunions auront lieu (octobre 1964, 1965, 1966), creusant petit à petit l’écart entre deux groupes, les opposants à la pensée initiale de l’Eglise et les partisans.

A chacune d’elles la commission compte de nouveaux participants et, fait notable, des couples. Deux couples auront une influence déterminante. Dans le groupe des favorables à la planification familiale naturelle, le Docteur Charles Rendu et son épouse Elisabeth Rendu de France, fondateurs de l’association CLER (Centre de Liaison des Equipes de Recherches dont l’objectif premier était d’établir le lien entre toutes les associations françaises s’intéressant à la planification familiale naturelle). Patricia et Patrick Crowley dans le groupe des opposants, fondateurs de l’association Christian Family Movement. Ces deux couples ont illustré leurs exposés avec leur expérience de terrain auprès des couples qu’ils rencontraient grâce à leurs associations respectives.

Lors de l’écriture finale, la commission comportera 70 membres, dont 15 cardinaux et évêques.[38]

 

f. Finale :

L’histoire de cette commission de contrôle des naissances se termine donc par une scission avec la rédaction de 3 textes, celui de la majorité, celui de la minorité, et la réfutation de la majorité.

De nombreux votes eurent lieu, certains n’étant pas consignés dans les annales. Ils étaient tous favorables à la contraception. « Heenann (favorable à la PFN) lança dans une harangue contre Le Locht, (favorable à la contraception) lui reprochant d’être incapable de défendre mieux l’ancienne tradition.  « Onze à quatre » citant le vote antérieur des théologiens niant la caractère intrinsèquement mauvais de la contraception. « Cela ne veut rien dire, nous devons nous interroger sur la valeur des 15 et la valeur des 4 » [39].

Paul VI choisira d’emboîter le pas de la minorité, après avoir posé 3 questions aux 15 cardinaux présents:

-         La contraception est-elle intrinsèquement mauvaise ? (9 non, 3 oui et 3 abstentions)

-         La contraception, telle qu’elle est définie dans le rapport de la majorité, est-elle en continuité fondamentale avec la tradition et les déclarations du Magistère ? (9 oui, 5 non, 1 abstention)

-          Le Magistère devrait-il parler de cette question dès que possible ? (14 oui et 1 non)

Le Pape débute sa réponse[40]de la manière suivante: « Les conclusions auxquelles était parvenue la Commission ne pouvaient toutefois être considérées par Nous comme définitives, ni Nous dispenser d'examiner personnellement ce grave problème, entre autres parce que le plein accord n'avait pas été réalisé au sein de la Commission sur les règles morales à proposer ; et surtout parce qu'étaient apparus certains critères de solutions qui s'écartaient de la doctrine morale sur le mariage proposée avec une constante fermeté par le Magistère de l'Église. C'est pourquoi, ayant attentivement examiné la documentation qui Nous a été soumise, après de mûres réflexions et des prières assidues, Nous allons maintenant, en vertu du mandat que le Christ Nous a confié, donner notre réponse à ces graves questions. »

2. Comparaison des textes :

 

Les deux textes, Humanae Vitae et le texte de la majorité, introduisent la réflexion en rappelant que la possibilité de transmettre la vie fait des époux les libres et responsables collaborateurs du créateur.

 

a. L’Eglise dans notre temps 

Le magistère situe bien le débat au début d’Humanae Vitae. L’église catholique ne peut ignorer l’évolution de la société, le développement démographique, les changements de la place de la femme dans la société et dans le couple, ainsi que l’évolution des connaissances scientifiques. Le texte de la majorité détaille ces mêmes aspects dans le paragraphe intitulé « Continuité et approfondissement de la doctrine ».[41]

La question du caractère licite d’une méthode contraceptive est clairement posée dans Humanae Vitae : 

« … ne pourrait-on admettre que l'intention d'une fécondité moins abondante, mais plus rationalisée, transforme l'intervention matériellement stérilisante en un licite et sage contrôle des naissances ? Ne pourrait-on admettre, en d'autres termes, que la finalité de procréation concerne l'ensemble de la vie conjugale, plutôt que chacun de ses actes ? Etant donné le sens accru de responsabilités de l'homme moderne, le moment n'est-il pas venu pour lui de confier à sa raison et à sa volonté, plutôt qu'aux rythmes biologiques de son organisme, le soin de régler la natalité ? »[42] 

 

b. Les valeurs fondamentales du mariage et de l’amour humain:

Les deux textes s’appuient sur la constitution pastorale Gaudium et Spes,[43] sur les valeurs fondamentales du mariage et de l’amour conjugal, les époux se donnent l’un à l’autre et collaborent avec Dieu à la génération et à l’éducation d’une nouvelle vie.[44]

Dans Humanae Vitae, l’accent est mis sur l’amour humain avec une déclinaison simple et claire des caractéristiques qu’il doit recouvrir, total, fidèle exclusif et fécond. Le texte de la majorité reprend ces thèmes dans le paragraphe des valeurs fondamentales du mariage.

 

c. La paternité responsable

La paternité est le fait d’être père mais dans le contexte ce terme englobe le versant féminin, la maternité. Un être responsable est celui qui doit accepter les conséquences de ses actes.

La paternité responsable, telle que l’entend l’Eglise Catholique, invite les époux à une réflexion adulte face à leur pouvoir de procréer. « Pour de justes raisons les époux peuvent vouloir espacer les naissances de leurs enfants. Il leur revient de vérifier que leur désir ne relève pas de l’égoïsme mais est conforme à la juste générosité d’une paternité responsable ».[45]  

Pour les auteurs des deux textes, elle doit être réfléchie et généreuse ; le texte de la majorité emploie aussi le terme de prudente.

« Généreuse » ne doit pas être compris dans le sens quantitatif, c’est à dire avoir une famille nombreuse, mais plutôt dans le sens d’un « non égoïsme ».

« Réfléchie » signifie que le choix de la venue d’un enfant ainsi que de leur nombre, doit reposer sur des critères objectifs, tenant compte des situations concrètes. Il est important que dans cette décision chacun soit respecté, les parents et les enfants afin que la vie de la famille garde un caractère harmonieux. Elle doit tenir compte des conjonctures du moment. « Ils (les époux) prendront en considération à la fois et leur bien et celui des enfants déjà nés ou à naître, ils cerneront les conditions aussi bien matérielles que spirituelles de leur époque et de leur situation. »[46]

Ces deux adjectifs, « généreuse » et « réfléchie » peuvent paraître antinomiques, la générosité rimant souvent avec insouciance ou imprévision, loin de la sagesse. Et pourtant c’est dans cette association que l’enfant sera accueilli avec responsabilité, car il a besoin de la gravité d’une réflexion sur sa venue au monde mais aussi de la générosité sans borne de ses parents. La paternité responsable n’entre pas uniquement dans le cadre d’un contrôle du nombre de naissances, avoir ou ne pas avoir d’enfant, mais elle propose aussi de s’inscrire dans une vision globale du couple et de sa vocation face au Créateur. « Comme tout autre problème concernant la vie humaine, le problème de la natalité doit être considéré, au-delà des perspectives partielles - qu'elles soient d'ordre biologique ou psychologique, démographique ou sociologique - dans la lumière d'une vision intégrale de l'homme et de sa vocation, non seulement naturelle et terrestre, mais aussi surnaturelle et éternelle. » [47]

 

d. La Planification familiale

A nouveau il y a accord entre les deux groupes d’auteurs, les opposants et les partisans, sur la nécessité de tenir compte de l’amélioration des connaissances scientifiques, la place de la chasteté nécessaire maîtrise de l’instinct et de ses passions, le devoir de faire grandir la famille d’une manière réfléchie et la nécessité d’une régulation des naissances.

        

e. La morale fondamentale

Les arguments développés dans les deux textes, pour le choix de la méthode à employer, eux aussi raisonnent de concert : la méthode doit être en accord avec la morale fondamentale, c’est à dire « Cette voix qui ne cesse de le (l’homme) presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun, raisonne dans son cœur[48]

« La paternité responsable comporte encore et surtout un plus profond rapport avec l'ordre moral objectif, établi par Dieu, et dont la conscience droite est le fidèle interprète. »[49]

« Cette intervention de l’homme sur les phénomènes physiologiques, ordonnée aux valeurs essentielles du mariage, doit d’abord être décidée en vue du bien des enfants, respectant les principes de la morale fondamentale et des critères objectifs »[50]

Il est cependant intéressant de noter que dans le texte de la majorité, « l’intervention sur les processus physiologiques » n’est pas clairement définie ; la formulation laisse entrevoir la différence fondamentale, il s’agit d’intervenir, d’un coté, et de tenir compte des rythmes naturels et de les respecter de l’autre.

 

f. La place des unions dans la vie conjugale :

Les textes étudiés s’attachent à décrire la place de la relation sexuelle au sein du mariage chrétien. « Si le mariage et l’amour conjugal sont ordonnés d’eux même à la procréation et à l’éducation, cela ne s’applique pas à chaque relation sexuelle. »[51]. Chacun des deux textes le reprend à sa façon. « Ces actes, par lesquels les époux s'unissent dans une chaste intimité, et par le moyen desquels se transmet la vie humaine, sont, comme l'a rappelé le Concile, " honnêtes et dignes ", et ils ne cessent pas d'être légitimes si, pour des causes indépendantes de la volonté des conjoints, on prévoit qu'ils seront inféconds : ils restent en effet ordonnés à exprimer et à consolider leur union. »[52] Les « causes indépendantes de la volonté des époux » signifient qu’il n’y a pas intervention volontaire des époux, pour que la relation sexuelle, qui aurait pu être féconde, soit inféconde. Il n’y a pas de modification apportée de l’extérieur. Les jours féconds ne sont pas rendus inféconds par l’homme.

Le texte de la majorité le reformule différemment : « La moralité des rapports sexuels dans le mariage prend la signification première et spécifique du fait de leur ordonnance dans une vie conjugale féconde, c’est à dire pratiquée dans l’esprit d’une paternité responsable, généreuse et prudente, et elle ne dépend par conséquent pas de la fécondité directe de chaque rapport en particulier»[53].

 

A ce stade de la comparaison des textes, et pour conclure cette première partie, les points communs, d’une grande importance doivent être relevés. La sexualité s’exprime dans le mariage chrétien, lieu d’amour et de respect mutuel des conjoints. La procréation doit être considérée comme un acte sérieux, en tenant compte de critères objectifs. La notion de fécondité de l’union charnelle ne dépend pas de chaque rapport mais elle s’inscrit dans l’histoire et le projet du couple.

 

g. Les grandes différences, la grande incompréhension :

La possibilité de reconnaissance de jours infertiles pour le couple a alimenté les arguments de chaque groupe.

Pour Paul VI, puisque la nature est ainsi faite c’est le signe que « Dieu a sagement fixé des lois et des rythmes naturels de fécondité qui espacent déjà par eux-mêmes la succession des naissances »[54] l’homme doit utiliser cette connaissance. Pour le groupe des opposants, dans la nature il y a des jours inféconds, ainsi l’homme peut soumettre la nature en les rendant tous inféconds. « En effet il est de la nature de l’homme de se servir de la technique pour soumettre les données de la nature physique à l’empire de l’homme. »[55]

Cette différence fondamentale entraîne notre réflexion bien au delà du discours purement biologique ou écologique, mais dans un débat sur la valeur de la fonction de reproduction, la vision de la sexualité et la place de l’enfant à travers celle ci. C’est du regard de l’homme sur la création dont il s’agit.

1.    Valeur de la fonction de reproduction :

Pour le groupe de la majorité, favorables aux techniques contraceptives, l’homme peut utiliser son intelligence et ses connaissances pour modifier les fonctions de l’être humain. Les recherches médicales ont permis d’appliquer des techniques pour le bien des personnes. Les exemples sont nombreux, de la greffe cardiaque à la dialyse rénale en passant par les prothèses d’articulation ou les transfusions. L’Eglise ne s’est jamais opposée à ces techniques, qui pourtant modifient considérablement un ordre établi. Le groupe de la majorité pense que la fonction de reproduction, comme les autres fonctions, peut être modifiée sans conséquences pour l’Homme.

La médecine a pour objectif premier de modifier un état pathologique qui compromet le pronostic vital, pour le ramener au plus près possible de la normalité et permettre un fonctionnement optimum des fonctions.

Un autre champ d’action de la médecine est la gestion de l’écart par rapport à la majorité, au groupe, afin de diminuer l’inconfort et d’inadaptation lié à cet écart. Le traitement d’un pied bot permet à la personne de marcher comme tout le monde, et pourtant le pronostic vital n’est pas modifié pour autant. Les techniques contraceptives n’entrent pas dans ces cadres là. La fertilité est un état normal, souhaitable. Elle a permis à l’humanité d’arriver jusqu’à nos jours. Elle n’est pas à ranger dans la liste des pathologies ou des inadaptations.

 

Pour le groupe favorable à la contraception, la fonction de reproduction est mise au même niveau que les autres fonctions du corps humain, sans hiérarchie. Telle qu’elle a été crée, elle est considérée comme un état qu’il faut modifier chez toutes les femmes.

 

Par contre, le groupe favorable à la PFN considère que la fonction de reproduction, du fait de sa finalité, est particulière, ayant une valeur plus élevée que toutes les autres fonctions. Chaque fonction a droit à un respect proportionné à l’importance du rôle qu’elle joue pour le bien de la personne. « Ainsi nos fonctions sexuelles ont-elles pareillement un droit clair et certain à un respect bien autrement inviolable et sacré du fait même de l’importance incomparablement supérieur de la cause au service de laquelle elles sont ordonnées : cette cause étant rien de moins que celle de la croissance et de la permanence ici bas du genre humain »[56]

Modifier un comportement, avec la continence, c’est accepter de considérer avec confiance la reproduction humaine, reconnaissant la finesse de l’organisation de la création et ses enjeux sur les générations présentes et à venir. Ce n’est pas seulement s’en accommoder. Ceci est différent du principe de précaution, qui décrit une prudence face à une nature non maîtrisée et dont l’équilibre serait fragile.

 

2.    Le sens des gestes amoureux du couple, de la relation sexuelle

Toute personne souhaite être mise en dialogue, échanger avec les autres. Nous sommes des êtres de relation. Le corps et le sexe, appartenant au corps, sont au service de cette relation, de ce dialogue. La sexualité est au cœur de cette rencontre. Le sexe est inhérent et nécessaire à l’existence de la personne humaine.

Nos cinq sens sont indispensables à cette rencontre. La sexualité n’est pas un sixième sens, elle transcende les cinq autres. « Elle est un organe de reconnaissance mutuelle. Elle n’a de sens que comme valeur d’expression de soutien et d’enrichissement de cet ordre relationnel personnaliste par lequel se définit l’être spirituel. »[57] Chaque couple trouve la meilleure intégration possible du plaisir génital dans son dialogue amoureux. Lorsque le couple fait un choix de méthode contraceptive pour sa régulation des naissances, il ôte de manière continue le pouvoir procréateur. Même s’il accueille plusieurs enfants, cela ne concerne que quelques cycles et lors de la plupart de ses unions, la notion de procréation sera exclue.

Les gestes amoureux ne sont pas seulement génitaux, ils passent également par d’autres expressions.[58] Dépourvus de la possibilité de l’enfant, les gestes d’amour et de tendresse d’un couple peuvent ainsi se déplacer sur la relation sexuelle seule et l’expression de leur amour peut être dépourvue de sexualité extra génitale. C’est une remarque fréquente des couples qui ont opté pour la PFN après avoir utilisé la contraception.[59]

 

Les gestes sont porteurs de sens, chaque geste de tendresse traduit une manière d’être à l’égard de l’autre. Nos gestes ne sont pas seulement l’instrument d’une pensée, d’un sentiment, mais c’est par eux que nous agissons, que nous sommes hommes et femmes en relation. C’est ce qui élève la sexualité des hommes au dessus de celle des animaux. « Seul le couple humain peut lui imposer (à la sexualité) la signification qu’il veut en vue d’un dialogue d’amour et de charité »[60]

Le couple qui utilise une contraception a retiré de la relation sexuelle son sens procréateur, et lui garde le sens dialogue amoureux.

Le couple qui choisit la PFN, ne cesse de se rappeler que l’acte d’amour est aussi un acte de procréation d’où peut surgir une vie humaine, les rendant collaborateur avec Dieu de la génération d’enfants. Il se souvient avec responsabilité, chaque fois qu’il choisit d’avoir ou d’éviter une relation sexuelle, que celle ci contient dans son essence même, la conception d’un enfant. C’est un profond respect de leur pouvoir d’engendrer. «C’est leur manière de témoigner visiblement, d’incarner si l’on peut s’exprimer ainsi, la subsistance au cœur de leur réciprocité, du vœu créateur permanent. »[61]

 

3.    Place de l’enfant dans la sexualité du couple qui a choisi la PFN :

Les valeurs de la procréation sont constamment présentes au sein du couple. A l’enfant présent ou en puissance est gardé une place. C’est peut être ce qui explique le nombre d’enfants plus important en moyenne, par couple utilisant les méthodes naturelles, alors que toutes les grossesses ont été planifiées.[62]

Lorsque le couple décide de mettre un terme au nombre d’enfants qu’il va accueillir, son attitude de non modification de l’acte de procréation ne peut pas être interprété comme une fermeture à l’enfant, puisque le couple garde le sens procréateur de la relation sexuelle et que de fait il n’a pas modifié sa capacité à concevoir.

         4. « Ouverte à la vie », une formulation qui gagne à être clarifiée :

Plusieurs contresens sont rencontrés au sujet de la formule « ouvertes à la vie ».

Etre ouvert à la vie ne veut pas dire qu’il faut choisir ou proposer une méthode moins efficace que les autres. Cela ressemblerait à une méthode « ouverte au hasard ». Cela ne veut pas dire non plus que s’exposer à des grossesses non planifiées reflète en soi une « ouverture à la vie », ni que le choix d’une méthode efficace signe une fermeture à la vie.

 « Voir dans l’inefficacité de certaines méthodes naturelles l’équivalent de l’ouverture à la vie dont parle Humanae Vitae, c’est commettre un lourd contresens, aux conséquences graves ».[63]

« Ouvert à la vie » signifie classiquement accueillir des enfants, ce n’est pas lié à la méthode employée. Tout couple qui accepte d’accueillir des enfants est « ouvert à la vie », la présence des enfants dans sa famille le prouve. Mais dans ce cas, il s’agit plutôt d’une autre déclinaison de la paternité responsable, que nous avons vue plus haut.

L’ouverture à la vie, dans le contexte de notre discussion, ne concerne pas les enfants déjà nés. Elle concerne la capacité de concevoir qui doit être sauvegardée.

Le couple qui ne souhaite pas d’enfant et qui utilise la PFN est ouvert à la vie, si il se situe dans le cadre d’une paternité responsable, puisque dans son dialogue amoureux ce couple s’organise pour que sa possibilité d’enfant ne soit pas modifiée.

5. La continence qui en découle

Il est important de comprendre que ce qui est proposé n’est pas la continence pour elle même comme attitude de maîtrise de ses pulsions, mais la continence pour une ouverture à la vie, la continence pour une non dissociation des deux sens de la relation sexuelle; cette continence favorise  une attitude de chasteté au sein du couple, faite de respect mutuel, de maîtrise de soi, de non possession de l’autre.

Une approche subjective, plaçant le débat sous l’angle de l’intention, pourrait inviter à une continence périodique aussi bien pour les couples en âge de procréer que pour les couples infertiles ou après la ménopause ; au contraire l’approche objective, qui sous tend la réflexion d’Humanae Vitae, fait de la continence périodique un choix de vie adapté au choix du couple de concevoir ou de ne pas concevoir, et non pas une fin en soi comparable au jeûne ou à une privation. Il n’est aucunement proposé aux couples stériles, aux couples dont la femme est ménopausée, de vivre une continence périodique. L’appel à l’ouverture à la vie, dans le cadre qui nous concerne de la planification des naissances, ne leur est pas destiné.

La continence est le moyen, le chemin incontournable, pour à la fois planifier les naissances et rester ouvert à la vie. Elle n’en est pas le but, même si elle favorise le dialogue et la tendresse dans le couple.[64]

Cette vision de l’Homme, sous jacente à Humanae Vitae, peut être considérée comme un peu trop idéale. Concrètement, en pratique, dans la vie de tous les jours, est-ce possible, est-ce envisageable pour un couple de vivre selon Humanae Vitae ? Peut-on, au nom de la loi naturelle et du sens que l’on donne à la création, proposer aux couples une continence périodique ?

Le groupe favorable à la contraception répond « non », sans hésiter. « De plus on doit prendre en considération le sentiment des fidèles selon lequel la condamnation des conjoints à une continence longue et souvent héroïque comme moyen de régulariser les conceptions ne peut être fondée en vérité. »[65] Les mots employés sont forts. La continence est vécue comme une épreuve « héroïque » et c’est l’argument majeur. C’est elle qui oriente la réflexion vers un refus total. Il est intéressant de noter que c’est le « sentiment des fidèles » qui est pris en considération. Tout se passe comme si la pensée, l’argumentation du groupe se développe en fonction de la réaction de celui qui va la recevoir. Cela semble signifier « on ne peut pas demander cela aux fidèles, que penseraient-ils de nous ? ». Le groupe des favorables à la contraception rejette la continence non pas parce que cela lui semble « mauvais » pour le couple mais parce qu’il pense que c’est beaucoup trop difficile et aussi parce qu’il est ennuyé de proposer une telle attitude. « Je vous en prie mes frères, évitons une nouvelle affaire Galilée »[66] a lancé le Cardinal Suenens au cours de la commission de 1964. La crainte de certains membres de la commission était de faire une déclaration qui deviendrait obsolète dans l’avenir au regard de l’avancée des connaissances scientifiques.

Les termes « condamnation », « héroïque » inscrit la continence dans le registre des propositions indéfendables. Le groupe de la majorité aurait honte d’une telle proposition.

Il est vrai que l’épanouissement d’un couple passe par une vie sexuelle réussie. Paul VI est bien conscient que la continence peut être difficile pour les couples, mais sa réponse est d’un tout autre ordre. D’une part, il rappelle qu’elle est éducatrice : « Mais cette discipline, propre à la pureté des époux, bien loin de nuire à l'amour conjugal, lui confère au contraire une plus haute valeur humaine. »[67] Il pense que l’Homme est capable de la vivre. Il fonde sa réflexion sur la loi naturelle et l’observation possible des signes de fertilité et ne se laisse pas influencer par son auditeur.

D’autre part il ne propose pas la continence pour la continence elle même, il exhorte les scientifiques à orienter leurs recherches afin de rendre les méthodes naturelles plus faciles à utiliser. « Il est souhaitable, en particulier, que, selon le voeu déjà formulé par Pie XII, la science médicale réussisse à donner une base suffisamment sûre à une régulation des naissances fondée sur l'observation des rythmes naturels. Ainsi les hommes de science et, en particulier les chercheurs catholiques, contribueront à démontrer par les faits que, comme l'Église l'enseigne, " il ne peut y avoir de véritable contradiction entre les lois divines qui règlent la transmission de la vie et celles qui favorisent un authentique amour conjugal. » D’ailleurs depuis la parution d’Humanae Vitae, les recherches ont permis d’affiner l’observation des signes de fertilité, rendant les méthodes plus accessibles aux couples. Si elles sont actuellement rendues plus faciles, la continence reste cependant le point central de la méthode.

Le couple est considéré comme capable de modifier son comportement, conscient qu’il ne peut accueillir tous les enfants que lui donnerait une vie sexuelle sans méthode de planification familiale, en se souvenant qu’il est potentiellement acteur de la création. Dans ce but le couple choisit d’adapter sa sexualité au rythme de sa fécondité, ce qui fait de lui un ministre de sa sexualité et de sa fécondité, et non pas un maître absolu. « En revanche lorsque les époux, en observant le recours à des périodes infécondes, respectent le lien indissoluble entre les aspects d'union et de procréation de la sexualité humaine, ils se comportent comme des «ministres» du dessein de Dieu et ils usent de la sexualité en «usufruitiers», selon le dynamisme originel de la donation «totale», sans manipulations ni altérations »[68]

Humanae Vitae propose à l’Homme de ne pas vivre sa fertilité et ses pulsions sexuelles comme un poids à subir mais comme chance d’humanisation. « Qui prend argument des fatalités de la nature pour nier les possibilités de l’homme s’abandonne à un mythe ou tente de justifier une démission. »[69] Dans cette phrase le mot nature est à comprendre en tant que pulsion. L’Homme est capable de les maîtriser, il n’en dépend pas comme d’un réflexe biologique. « Or l’homme se singularise par une double capacité de rompre avec la nature. Seul il connaît cet univers qui l’engloutit et seul il le transforme, lui le moins armé et le plus puissant des animaux. Il est capable d’amour ce qui est infiniment plus encore. Le chrétien ajoutera, il est rendu capable et coopérateur avec Dieu. »[70]

 

La différence entre les deux textes d’Eglise est de taille, ce qui aurait pu apparaître comme un détail, un caprice d’écologiste ou une peur de la technique, se révèle être la pierre d’angle d’une réflexion sur l’Homme face à son créateur, sur le couple face à l’enfant et sur la fertilité dans le dialogue conjugal.

 

4.    Naturelle, un mot souvent mal compris :

Il ne s’agit nullement d’un simple respect de la création, de la nature. La position de l’Eglise ne s’apparente pas à une attitude écologique, l’homme devant préserver les richesses de ce monde. Ce n’est pas non plus une phobie de toute intervention artificielle sur la biologie humaine.

Le respect de la nature est une des conséquences, et non son point de départ. Ce n’est pas en ce sens que doit être compris le mot « naturelle » dans les appellations de la méthode. Il s’agit d’une référence à la loi naturelle.

 « L’homme participe à la sagesse et à la bonté du Créateur qui lui confère la maîtrise de ses actes et la capacité de se gouverner en vue de la vérité et du bien. La loi naturelle exprime le sens moral originel qui permet à l’homme de discerner par la raison ce que sont le bien et le mal, la vérité et le mensonge. »[71] Ainsi, les « Méthodes naturelles », selon l’Eglise sont un chemin indiqué aux couples qui souhaitent choisir une méthode conforme à leur idéal. C’est la réponse de l’Eglise aux couples qui cherchent avec droiture quel moyen de planification familiale adopter en fonction de leur foi.  « La loi " divine et naturelle " montre à l’homme la voie à suivre pour pratiquer le bien et atteindre sa fin. La loi naturelle énonce les préceptes premiers et essentiels qui régissent la vie morale. Elle a pour pivot l’aspiration et la soumission à Dieu, source et juge de tout bien, ainsi que le sens d’autrui comme égal à soi-même. Elle est exposée en ses principaux préceptes dans le Décalogue. Cette loi est dite naturelle non pas en référence à la nature des êtres irrationnels, mais parce que la raison qui l’édicte appartient en propre à la nature humaine. » [72] Ainsi le terme « naturelle » ne fait pas référence à une attitude écologique ni « biologique » dans le sens « proche de la nature ». Il fait référence à l’attitude d’un Homme envers son Créateur, à sa quête de sens. « Nature désigne ici la nature humaine, telle qu’elle est l’objet d’un regard éclairé par la foi. Son contenu est l’objet d’une théologie de la création. La nature est donc la nature crée qui, comme telle, ontologiquement considérée est porteuse de sens. Ce sens ce n’est pas l’homme qui l’apporte, il est donné, et c’est pourquoi en étant attentif aux finalités inscrites dans la sexualité humaine, on se rend attentif du même coup, au dessein du Créateur sur l’Homme ».[73] Ainsi « méthode naturelle » signifie méthode en accord avec notre aspiration au bien et à la vérité, gardant le sens donné à la création.

Modifier la fonction de reproduction c’est toucher à notre relation avec un Dieu créateur. La garder intacte est reconnaître que l’histoire de l’Homme se déroule dans le temps, et qu’elle révèle un mystère qui le dépasse, lui-même non soumis au temps et que l’histoire de l’homme est porteuse de sens.

La naissance d’un enfant n’est pas une aventure banale, elle provoque au questionnement de notre condition humaine, face à un Dieu créateur. En sommes-nous « ministres » ou « acteurs » toujours plus interventionnistes au fur à mesure que nos connaissances techniques se développent ?

3. Conclusion de la comparaison des textes d’église:

a.     Globalement une vision commune aux auteurs des deux textes d’Eglise, favorables et défavorables à la contraception :

Les deux textes rédigés par des personnes appartenant à l’Eglise Catholique concernent des hommes, des femmes, des couples dont l’objectif est de planifier leurs naissances, avec le souci de respecter la vie familiale et l’évolution de chacun de ses membres. L’accueil de l’enfant doit se faire par un couple qui s’est engagé l’un envers l’autre, ceci favorisant l’épanouissement de l’enfant. Le couple reconnaît l’existence d’un créateur.

Uni dans un mariage chrétien, le couple exerce une paternité responsable. Tout ceci en tenant compte de l’évolution de la société dans laquelle nous vivons, des données sociales et démographiques, des données médicales.

Il s’agit d’une vision de l’Homme, capable d’amour, libre et responsable face à sa fertilité, croyant en un Dieu créateur. L’homme est ouvert à la transcendance. Cette vision s’inscrit dans la ligne d’une vision personnaliste décrite en particulier par Emmanuel Mounier. L’Homme est capable d’alliance et de s’engager. Cette vision est basée sur une profonde confiance en l’Homme.

L’Homme n’est pas considéré comme un individu pour lequel une structure politique choisit la méthode qu’il doit employer ou le nombre d’enfants qu’il peut accueillir, comme cela se fait actuellement dans quelques pays à régime politique totalitaire. Il est libre de son choix.

 

b.     Les différences entre les deux textes:

Humanae Vitae dévoile une confiance absolue dans le Dieu créateur et met en haut de son échelle de valeurs l’intégrité de la fonction de reproduction et la capacité de l’Homme à se dépasser. Le corps est vécu comme un allier, l’Homme étant capable de le maîtriser. Le corps est le moyen pour l’Homme d’exprimer sa personne, il est le visible de l’esprit, il est lieu de progression, il permet à l’Homme de communiquer. « L’Homme est justement une personne parce qu’il est maître de lui même et parce qu’il se domine lui même. Car c’est dans la mesure où il est maître de lui même qu’il peut se donner à l’autre. »[74] La signification du corps humain et la vérité du langage du corps à travers la relation sexuelle sont constamment recherchées et considérées comme premières dans la vision de la sexualité sous-jacente à Humanae Vitae.

 

Le groupe favorable à la contraception colore cette vision personnaliste de l’Homme d’un doute quant à la capacité de la femme à reconnaître l’alternance des rythmes de fertilité et la capacité de l’Homme à contrôler ses pulsions sexuelles. Il s’agit d’un personnalisme qui rallie à lui quelques valeurs issues de l’influence de la technique sur la pensée. La science peut apporter toutes les solutions aux problèmes rencontrés par l’homme. La science impose alors une vision partielle acceptant de masquer une partie de la vérité de l’acte sexuel. Tout se passe comme si, sur le plan de la sexualité et de la planification familiale, le monde était réductible au visible.

Au moment de la rédaction de ces deux textes, cette différence de la vision de l’Homme pouvait paraître infime, car, après tout, l’objectif est d’être au service du couple et dans le cadre d’une parenté responsable. Le moyen employé pouvait paraître peu important.

L’avenir nous a montré qu’il n’en est rien. La petite fente est devenue cassure. Cette autorisation que s’est donnée l’homme de modifier les finalités de l’acte conjugal a ouvert la voie à d’autres attitudes quant aux débuts de la vie.

Ainsi s’est ouvert un large champ nouveau pour la possibilité à concevoir. La contraception en a été le précurseur. Il est possible de retirer la procréation de l’acte d’amour, quelques années plus tard, la procréation peut être retirée du corps, (les procréations médicalement assistées sont devenues courantes) et, maintenant, la procréation du sexe, le clonage est en route. « On peut même estimer que la vulgarisation de l’ « esprit contraceptif » a préparé le terrain du hors sexe (procréation hors sexe) en accoutumant le public à accueillir favorablement une dissociation beaucoup plus radicale »[75]

Toute dissociation étant maintenant possible, cela peut rejaillir sur le vécu du couple lui même. « Je voudrais bien un enfant mais pas avec X que j’aime ! » annonçait une jeune fille, rencontrée en consultation.[76] L’ « homme père » peut être différent de l’ « homme amant », lui même pouvant être différent de l’ « homme avec qui je vis ». Il peut même ne plus être présent du tout !

« La contraception nous a permis d’éprouver du plaisir sans procréer, la fécondation in vitro de procréer sans éprouver de plaisir. Aujourd’hui on pense à faire des enfants sans plaisir ni spermatozoïde »[77] Voilà qui fait réfléchir sur la place de l’homme dans la relation conjugale et la procréation. Valère Staraleski n’a-t-il pas titré un livre en 2003 « L’homme inutile »?

 

Intervenir sur les mécanismes de la reproduction humaine, comme le propose le texte de la majorité, c’est considérer que l’homme, en tant qu’être biologique, est perfectible dans tous les domaines, donc imparfait pour les temps actuels compte tenu des progrès de la science. A la technique n’est pas donné de limite ; elle est considérée comme un bien, voire même un chemin d’humanisation, au service de la procréation.

« Les raisons invoquées en faveur de cette affirmation – acceptation de la contraception- sont de genres divers : la mutation sociale du mariage, de la famille et surtout de la situation de la femme ; la diminution de la mortalité infantile ; les nouvelles connaissances biologiques, psychologiques, sexologiques (démographiques), changements aussi dans l’appréciation de la valeur et de la signification de la sexualité humaine et des relations conjugales mais par dessus tout, plus vive perception qu’a l’homme de s’humaniser et de pousser les dons de la nature à une plus grande perfection au bénéfice de la vie humaine. »[78].

La fonction de reproduction est considérée comme l’égale des autres fonctions du corps humain (cardiaque, digestive, respiratoire.), il n’y a pas de hiérarchisation. Comme les autres, elle devient modifiable par l’homme sans que cela donne lieu à une réflexion éthique.

 

Humanae Vitae, au contraire, lui donne une valeur supérieure aux autres fonctions. L’Eglise ne s’est jamais prononcée sur la licité des greffes d’organes ou de la trachéotomie. Mais elle considère que la fonction de reproduction créée par Dieu, au service du couple, soit pour concevoir, soit pour limiter les naissances, ne peut pas être considérée comme les autres fonctions. Elle s’exprime à deux, elle est lieu d’amour et permet à l’Homme d’approcher au plus près le mystère de la création. « Dieu a sagement fixé des lois et des rythmes naturels de fécondité qui espacent déjà par eux-mêmes la succession des naissances »[79] La fonction de reproduction serait-elle la seule fonction du corps humain qui nécessite une modification ? Et les autres fonctions ?

 

 

 

 


 V. ANALYSE des TEXTES PROFANES :

 

1. Contextes de la rédaction des textes :

a. Les textes favorables à la contraception :

Le Collège de France, institution singulière en France, a été fondé par François 1ier en 1530. Il occupe une situation à part dans la recherche fondamentale. Il n’a pas son équivalent à l’étranger. Il n’est ni une université ni une grande école. Il ne dispense pas le savoir à partir d’un programme et ne prépare à aucun diplôme. Comme le CNRS, l’INSERM et l’INRA, il est voué à la recherche fondamentale, il a en outre l’obligation de diffuser les résultats de cette recherche dans le cadre d’un enseignement particulier. La devise du Collège de France peut se résumer ainsi enseigner le savoir en train de se faire.

 Le Collège de France ne cesse de vérifier ce mot de l’un de ses professeurs, Maurice MERLEAU PONTY : « Ce que le Collège de France, depuis sa fondation, essaie de donner à ses auditeurs , ce ne sont pas des vérités acquises, c’est l’idée de la recherche libre. »

Le Collège de France organise des colloques autour d’un thème, avec des personnalités référentes sur le sujet. Ces travaux donnent lieu ensuite à la publication d’un ouvrage.

En 1999, un livre « Contraception, contrainte ou liberté » a été édité par la collection « Travaux du Collège de France ». L’objectif de ce travail était de proposer un tour d’horizon sur la contraception, dans différents domaines : sociologiques, démographiques, éthiques, juridiques et éducatifs.

C’est dans cet ouvrage qu’ont été choisis deux textes pour ce mémoire.

 

Les auteurs en sont :

- Françoise HERITIER, professeur honoraire au Collège de France, titulaire de la chair d’études comparées des sociétés africaines. Elle est également directeur d’étude à l’Ecole de Hautes Etudes de Sciences Sociales, où elle dirige le laboratoire d’anthropologie sociale.

 

- Geneviève FRAISSE, directrice de recherche en philosophie au Centre National de la Recherche Scientifique, elle a été déléguée interministérielle aux Droits de la femme. Elle travaille sur la différence des sexes en philosophie et l’histoire politique de l’égalité.

 

b. Les textes favorables à la PFN :

Les promoteurs de la PFN sont souvent regroupés en associations. Dans chaque pays une ou plusieurs associations proposent des formations pour suivre les couples désireux d’utiliser la PFN. Des diplômes sont décernés ; il s’agit parfois d’une partie d’un autre diplôme comme celle de conseiller conjugal. Certaines universités dispensent un diplôme sur la PFN : il y en a une dizaine en Europe, réparties entre l’Allemagne, l’Espagne, la Grande Bretagne, la Pologne, la Tchéquie ; le diplôme contient alors une partie sur la technique de la PFN et une partie sur la philosophie . Aucune université française n’a développé cette formation.

Ces associations se regroupent au niveau international, d’une part pour échanger, d’autre part pour faire de la recherche scientifique sur la PFN, ainsi que sur sa pédagogie. Elles sont souvent aussi engagées dans la promotion de la vie familiale avec l’éducation affective et sexuelle des jeunes et le conseil conjugal.

C’est le cas :

-         de l’Institut Européen d’Education Familiale (IEEF), crée en 1994, dont le siège est à Milan

-         de la Fédération Africaine d’Action Familiale (FAAF) créée en 2001, dont le siège est à l’Ile Maurice.

 Chaque fédération a pris en compte les réalités de terrain, ainsi la FAAF s’intéresse particulièrement à l’incidence du SIDA dans la vie familiale.

 

Les auteurs des textes choisis sont membres de ces fédérations internationales :

-         Le Docteur Michèle GUY est membre de l’Institut de Recherche sur le Couple (IREC) à Grenoble, fondatrice du Centre de Liaison des Equipes de Recherche en France, de l’Action Familiale à l’Ile Maurice et de l’IEEF. Elle fut responsable du Centre de Planification hospitalo universitaire de Grenoble.

-  Le Père Henri HOSER est médecin, membre fondateur de l’action familiale rwandaise et formateur, sur les questions anthropologiques de la PFN, au sein de la FAAF.


 

2. Comparaison des textes profanes :

a. La Révolution contraceptive

Lorsqu’on relit les arguments avancés au moment des premières campagnes contraceptives, on entrevoit le désarroi des couples, « Encore un !...une bouche à nourrir, deux pieds à chausser, un lit de plus à caser, des frais d’éducation à prévoir, un avenir à assurer», et leur soulagement avec une authentique régulation des naissances titrait un tract en faveur d’une régulation des naissances dans les années 60. « Il n’y a plus d’inquiétude ni de panique d’un cycle à l’autre……..je me demande quelle vie de foyer nous aurions eue. »[80]

L’élément le plus nouveau est l’efficacité des méthodes proposées. Jusqu’alors, les méthodes utilisées étaient le retrait et le préservatif, à l’époque en vessie de mouton. Leur particularité était le caractère aléatoire de leur efficacité. Elles permettaient tout au plus de limiter un peu le nombre des enfants. Il est à noter que l’allaitement jouait alors un grand rôle dans l’espacement des naissances.

La deuxième moitié du XXième siècle a vu apparaître les premières méthodes contraceptives, ayant une efficacité quasi totale, et disponibles pour tout le monde.

Tous les auteurs s’accordent pour affirmer que l’apparition des moyens de régulation des naissances, quels qu’ils soient, est une « révolution ». Pour la femme, pour le couple, pouvoir choisir le nombre de leurs enfant fut un grand changement

Une révolution est un passage de l’histoire dont l’après semble oublier l’avant. Ainsi des champs inexplorés s’ouvrent pour l’homme. « Parce qu’une révolution vraiment révolutionnaire commence par ébranler et détruire toutes les structures de l’ordre ancien pour en faire table rase. Elle ouvre ainsi sur un avenir où l’on pose en principe que tout est possible. »[81]

L’apparition des méthodes de régulation des naissances change complètement le regard des couples sur les grossesses, finies les angoisses de fin de cycle des femmes, finis les « enfants escaliers », un monde nouveau apparaît et pour tout le monde, meilleur certainement.

 « Le changement quantitatif a permis d’atteindre de nouveaux seuils d’utilisation de la contraception, mais par sa portée symbolique comme par sa pratique, il a accompagné et probablement même conduit une révolution dans les mœurs, les relations entre les hommes et les femmes, et l’idée que les femmes se font de leur féminité. »[82]

Effectivement le changement de cap fut radical, en matière de planification familiale apparaît une situation nouvelle que personne n’avait alors imaginé : l’enfant peut disparaître de la vie sexuelle d’un couple, soit pour un temps soit pour toujours.

« On s’est habitué à une vie sexuelle dont l’horizon s’est épurée de toute perspective d’engendrement. Il fut un temps où l’enfant toujours possible était un ennemi absolu, considéré a priori comme un agresseur. »[83]

Alors les femmes peuvent réclamer « un enfant si je veux, quand je veux ! » Le message de ce slogan va changer les rapports homme-femme.


                b. Rapport homme-femme

Pour les auteurs favorables à la contraception, la fertilité est lieu d’opposition et de soumission. La contraception est inévitablement vécue comme libératrice et de ce fait bouscule les liens conjugaux habituels.

« Il s’agit moins……que de mettre en évidence les possibles changements au sein du paradigme de la domination masculine vers un nouveau rapport du masculin et du féminin ».[84]

Selon Françoise Héritier, l’homme dépourvu de la capacité d’enfanter s’est, au cours des siècles, réapproprié la procréation par la mise en place de règles sociales comme l’instauration de l’échange matrimonial. « Le moteur de la domination est dans le contrôle de la fécondité, pendant la période fertile des femmes, et l’échange des femmes est ainsi une façon de répartir la paix et équitablement la vie entre les groupes d’hommes.» Ainsi, « Si les femmes se réapproprient par la contraception le contrôle de leur fécondité, elles changent ipso facto les règles non seulement sociales mais conceptuelles du jeu. »[85]

La fertilité, la possibilité de mettre au monde un enfan,t est vécue comme une soumission à la nature.

« Le Sujet humain reste soumis à l’espèce ou devient libre, si la contraception est une révolution elle l’est doublement en libérant la nature et en résistant à la domination masculine. » [86]

 

Pour les auteurs favorables aux méthodes naturelles, cette modification du rapport homme-femme n’est pas analysée de la même manière. Elles provoquent à la complémentarité dans le couple, avec un partage égalitaire face à la gestion de la fertilité. « Elles requièrent la coopération des deux conjoints et engagent leur responsabilité commune »[87][88]. L’alternance des périodes fertiles et non fertiles, qui oblige à la continence, doit être gérée par les deux membres du couple. « La structure dialogale de la PFN constitue son autre trait distinctif. Il est souvent postulé que l’exercice de la parenté responsable devrait être supporté de façon égale par les deux conjoints. La communication, l’attention mutuelle, la délicatesse, le partage des joies et des sacrifices, tous sont préalables à la réussite des méthodes de connaissance et d’auto-observation. Le danger de dévalorisation de celui qui est plus « faible » ou vulnérable peut être écarté comme tentation de domination ou d'exploitation de l’un par l’autre. »[89]

 

Pouvoir prévoir une naissance a fait apparaître d’autres relations dans les couples. Disparition de la domination masculine par le « non » possible des femmes à la procréation, pour les uns, et apparition de la responsabilité obligatoirement partagée face à l’alternance de la fertilité, pour les autres. Voilà deux mondes bien différents !

        

c. Notre corps nous appartient 

 

« La contraception est un habeas corpus. Au sens propre : le Bill de 1679 institue « You should have a body » en est l’expression centrale, celle d’une propriété de soi qui commence par celle du corps. Elle est exactement reprise dans le slogan « notre corps nous mêmes » des féministes américaines des années 1970, traduit par « notre corps nous appartient » par les féministes de la même époque. »[90] La contraception permet à la femme de disposer de son corps vis à vis de l’enfant mais aussi vis à vis de la relation sexuelle.

Le « si je veux quand je veux » s’applique à l’enfant et à la relation sexuelle. Il s’agit d’un droit dans une société, porté par les politiques. « Le « notre corps nous appartient » relève bien du registre du droit fondamental. N’oublions pas que le sens premier de l’habeas corpus est de désigner une liberté civile avant une liberté de principe. Pour les femmes les libertés civiles sont aussi souvent des libertés politiques. »[91]

 

La fertilité est alors vécue comme un danger contre lequel il faut se défendre. La loi est alors ressentie comme une aide, elle est un appui, une sécurité.

« La contraception arrête la tyrannie de la nature en dissociant l’injonction à la reproduction. L’habeas corpus est avant tout un droit qui protège »[92]

 

Pour les utilisateurs des méthodes naturelles le corps est ce qui permet au couple la méthode. Il entraîne le couple dans une alternance « nous sommes fertiles »-« nous ne sommes pas fertiles », et le couple apprend à gérer cette succession de phénomènes biologiques. Tout se passe comme si, dans l’apprentissage de la connaissance de la fertilité se constituait un « corps conjugal », voire même un « corps familial », où l’enfant né ou à naître est déjà présent, puisqu’il s’agit à chaque saison de la fertilité, de choisir ou rechoisir l’accueil, l’espacement ou la limitation des naissances. Le couple est obligé de traduire « un enfant si nous voulons quand nous voulons ».

 

« La femme est reconnue (par la PFN), identifiée et respectée en tant que femme, épouse et mère. Sa fertilité est appréciée, n’est pas combattue ; son rythme naturel est préservé. D’autre part, la connaissance de soi nécessaire à l’utilisation de la PFN assure à la femme un statut supérieur à ce qu’il serait si elle n’avait pas accès à cette connaissance. Nous savons actuellement l’importance donnée par les nations à la promotion de la femme dans leur politique de développement.

L’Homme est de même reconnu et valorisé en tant qu’homme, époux et père. Sa responsabilité d’homme lui est reconnue, et la femme qui n’a plus besoin de se protéger de lui en est la première bénéficiaire. »[93]

 

Il n’est plus question de protéger son corps contre celui de l’autre, qu’il soit conjoint ou enfant, mais de guetter et comprendre le « corps conjugal » sur le plan de sa fertilité. Son propre corps et celui de l’autre sont des alliés incontournables pour une gestion de la fertilité.

« La vision avancée de l’amour conjugal l’aperçoit comme un échange mutuel de personnes dans leur totalité. Cette totalité du don n’est pas compatible avec des formes d’aliénation des éléments constitutifs de la personne. L’aliénation en question peut prendre l'aspect d’un sublime chantage : « je t’accepte sous condition de ta stérilité ». La confiance réciproque est dès lors ébranlée et surgit le sentiment de « menace » constituée par la fertilité du conjoint : « je dois me protéger contre ta fertilité ». »[94]

Nous pouvons rappeler ici le témoignage de Madame C. « Mon mari (c’est-à-dire son corps, sa physiologie, son caractère, ses qualités, ses défauts, son histoire, son intelligence…bref, tout ce qui le constitue) n’est pas une menace pour moi. Je n’ai pas besoin de m’en protéger...»[95]  

 

d. Liberté des femmes

Prévoir, choisir, s’organiser pour la venue d’un enfant ont permis de « sortir », faire des études, avoir une vie professionnelle. La liberté des femmes par rapport à l’enfant est acquise. Pour les différents auteurs cette liberté n’est pas interprétée de la même manière.

 

Pour les auteurs favorables à la contraception, il s’agit de la liberté du corps.

« Il ne faut pas oublier que la liberté des femmes, liberté toujours entravée ou conquise par la négation ou l’affirmation du droit du corps. Bien évidemment la contraception en est un enjeu. »[96]

« S’affranchir de la loi de l’espèce ou de la nature, et gagner en liberté dans le devenir sujet désignent en fait deux chemins de liberté humaine, dont l’un est collectif et l’autre individuel. »[97]

Les termes « s’affranchir », « conquise » signifient lutte pour l’obtention de quelque chose, opposition et donc défense d’un résultat. Ces acquis doivent donc être préservés, les lois en sont les gardiennes. 

« Ces lois (contraception 1967 et avortement 1975) donnent une liberté nouvelle à l’individu, à toute femme surtout. Il est enfin reconnu dans la loi que sexualité et reproduction sont dissociables. »[98]

 

Dans les textes favorables aux Méthodes Naturelles, la liberté de choisir la venue d’un enfant est vécue et appréciée parce qu’elle vient de la connaissance. Le « Connais toi toi même » de Socrate engendre la liberté. « Elle conduit à l’autonomie du couple. Une fois familiarisé avec la méthode, il n’est plus tributaire d’un tiers dans la gestion de sa vie sexuelle. Si la technique crée une dépendance, l’éducation mène à la liberté. »[99]

        

e. Deux types de libertés

Deux types de libertés différentes, l’une est la liberté par la loi, l’autre par la connaissance, l’une est du domaine public acquise pour tout le monde, l’autre du domaine privé chaque jour à conquérir.

« Finalement un autre bénéfice de la PFN pour la famille consiste en l’Education qui en est la base. A une époque où l’on recherche un résultat immédiat, la famille sait en effet que l’Education demande temps et patience ; c’est un service fondamental apporté par la PFN à la famille. Cette revalorisation de l’Education et en particulier de l’éducation du contrôle de soi sur le plan sexuel et de la fidélité, ne concerne pas seulement la vie du couple, mais tous les autres aspects de la vie en société »[100] 

Les objectifs concernant le corps et la liberté des femmes sont identiques pour les deux argumentations, le moyen pour y parvenir diffère considérablement, ainsi que le pourquoi s’intéresser à cet objectif. En forçant un peu le trait, pour les deux approches « mon corps est important » mais avec d’un côté « mon corps pour moi et finalement malgré toi », de l’autre « mon corps pour nous et pas sans le tien ».

 

f. Sphère publique et Sphère privée

Les conceptions exposées dans les différents textes ont une différence fondamentale : leur sphère d’évolution.

Dans les textes sur la contraception, la liberté du corps et la liberté de la femme sont considérées comme étant du domaine public et doivent être protégées par les lois. Cela suppose des actions collectives et des moyens politiques pour maintenir ces libertés. L’uniformisation est alors à la fois le résultat mais aussi le moyen indispensable pour le maintenir en place. Elle permet une efficacité de diffusion. Toute pensée, attitude différente est alors vécue comme menaçante.

Dans les textes sur les méthodes naturelles, la régulation des naissances est du domaine privé. L’intimité du couple devient alors protectrice de la liberté et du corps. L’uniformisation est impossible et elle peut être vécue comme une intrusion dans l’intimité du couple, et comme menaçante, parfois. Les lois ne sont pas nécessaires pour défendre les choix du couple, seule la volonté du couple les protègera. Par contre la patience est de mise car cela ne peut être le fruit que d’une éducation. Le temps est forcément nécessaire à leur mise en place et il joue contre leur existence.

 

La liberté de la femme, acquise par des actions publiques et politiques, se reflète-t-elle dans la vie privée des couples ? La liberté collective est-elle toujours également individuelle ensuite ? Est-elle une somme de libertés individuelles ? Pour le sujet qui nous concerne cela ne paraît pas si simple. « Accorder la liberté contraceptive aux femmes n’était dans qu’une manière de laisser là encore à leur seule responsabilité toutes les charges qui relèvent de la fécondité et de la procréation. »[101]

 

La question est posée : est ce une liberté pour la femme d’être toujours disponible à son conjoint ? Est ce une liberté pour l’homme de devoir être toujours capable ?

« Par la pilule, la femme a acquis le droit d’être toujours disponible, en échange de quoi, l’homme n’est plus jamais refusé ………L’homme garde les initiatives. En croyant adopter des comportements libérés, les femmes entrent de plain pied dans l’imaginaire des hommes, sans se soucier d’avantage de savoir ce qui est de leur propre identité, ce que sont leurs propres désirs ».[102]

Les Méthodes Naturelles ne permettent pas les relations sexuelles selon la spontanéité du couple[103]. C’est un grand reproche qui leur est fait. L’avantage est que les désirs sont souvent en accord, certainement déjà à la fin de la période de continence, où chacun est heureux de retrouver l’autre après un temps de séparation. La nécessaire maîtrise de soi, et l’obéissance aux rythmes de la fertilité du couple revalorisent l’acte sexuel et évitent une banalisation de celui ci. Grâce à la joie des retrouvailles, la continence permet de concilier le « je veux une relation sexuelle et je ne veux pas attendre » et le « je n’ai pas envie maintenant ». C’est alors la biologie du « corps conjugal » qui répond à ces deux tensions, économisant ainsi au couple la difficulté d’une inadéquation des désirs l’un par rapport à l’autre.

 

 

« J’aime la méthode parce que je n’ai plus besoin de dire « non » à mon mari, c’est notre fertilité qui s’en charge. »[104]

 

 « Quand elle est pratiquée avec une forte motivation, l’abstinence n’est pas un motif de détresse, de misère morale. Chaque mois est reconduit le désir de procréer ou non et sans faire violence à l’organisme. Le corps ne doit pas être constamment à la disposition du désir sexuel. »[105]

 

g. Le couple

Les textes sur la contraception abordent peu la notion de couple. Dans les textes sur les méthodes naturelles le couple est présent en filigrane.

« Accorder la liberté contraceptive aux femmes n’était dans cet esprit qu’une manière de laisser à leur seule responsabilité toutes les charges qui relèvent de la fécondité et de la procréation. L’idée certes est de rendre le couple responsable et non pas la personne unique de la femme………..La liberté des couples est une notion qui reste à construire vraiment »[106] La régulation des naissances est-t-elle affaire de femme ou de couple ?

 

La contraception permet à l’homme d’ignorer la méthode employée. En acceptant la contraception, l’homme peut se désintéresser de la gestion de sa propre descendance. « C’est affaire femme ». La contraception est applicable pour toutes les sortes de relations, de la plus solide à la plus courte.

Les méthodes naturelles obligent l’homme à s’y intéresser, et de ce fait favorisent la création du couple. Elles ne font pas l’économie du couple. Elles sont inapplicables dans une relation brève et éphémère. Elles nécessitent la durée pour apprendre mais aussi pour voir les bienfaits qu’elles apportent. Un investissement des deux membres du couple est indispensable pour les appliquer.

 

h. Les enfants

Pas une seule fois les deux textes favorables à la contraception n’ont abordé le thème de l’enfant et de la famille. Comme si ceux ci étaient exclus du débat, ce qui est d’ailleurs le but et la réussite de la contraception, il est possible d’envisager la vie sexuelle sans enfant, de ne plus y penser.

Par contre, présent ou en puissance, il est souvent évoqué dans les textes sur les méthodes naturelles. Le principe même des méthodes repose sur la possibilité de sa présence. « L’enfant dans la PFN est recherché ou différé, mais jamais exclu. »[107] Le couple prend en considération à chaque cycle de la femme, presque à chaque relation sexuelle, la possibilité ou non de sa venue.

« La nécessité de la régulation éthique est aussi visible à la lumière des considérations anthropologiques d’un phénomène complexe qu'est le désir d’un enfant chez une femme. La psychologie moderne reconnaît au moins sept désirs distincts : aimer, être aimée, éprouver un plaisir, être pénétrée, être enceinte, avoir un enfant et enfin avoir cet enfant là, issu de telle rencontre sexuelle précise. Ce vécu est enveloppé par les réalités plus larges de la vie : la place et l’importance données à la vie sexuelle, la relation au conjoint et aux enfants déjà mis au monde, la façon de se situer comme femme ou homme dans la société, le degré d’attachement à la vie privée, l’idée de la liberté etc. »[108]

 

Conclusion de la comparaison des textes profanes

La révolution de la planification familiale est achevée, apportant aux femmes la liberté de choisir la venue d’un enfant.

Les moyens employés et les arguments avancés par les auteurs des textes favorables à la contraception d’une part et favorables à la PFN d’autre part,   montrent deux réflexions évoluant dans deux mondes différents, qui semblent ne pas pouvoir se croiser. La relation du couple, avec la liberté de l’un par rapport à l’autre, la possibilité de choisir la venue d’un enfant et ainsi d’éviter une grossesse non planifiée vécue comme une intrusion dans le corps de la femme, sont abordées en fonction de la méthode choisie, soit de l’intérieur, de l’intimité du couple, soit de l’extérieur par les lois et les décisions politiques. Voilà deux angles de vue différents pour appréhender la même réalité. D’un coté le couple considère que toute décision concernant la conception d’un enfant doit être prise par lui et par lui seul, d’un autre coté, il considère que le politique, l’homme de loi et le médecin doivent l’aider à consolider sa décision.

 

« Confiez nous la procréation, dit la contraception, nous sauvegarderons vos droits et votre liberté », « Nous en prendrons soin tout seuls, répondent les méthodes naturelles, cela ne regarde que nous ».

 

Chacune de ces deux visions peut-elle se projeter dans la sphère de l’autre sans se dénaturer ?

Les méthodes naturelles ont-elles besoin du droit, accepteraient elles la loi du nombre et l’uniformisation ? Modifieraient-elles un peu de leur qualité de vie relationnelle pour une rapidité de diffusion ? Peuvent elles céder à une efficacité totale en renonçant à leur infini attachement à l’enfant en puissance ?

La contraception peut-elle abandonner son incroyable efficacité de diffusion à une éducation du sens de la relation sexuelle. Accepterait-elle de nuancer le « si je veux quand je veux » pour une réflexion sur la communication dans le couple ? Changerait-elle son application essentiellement féminine pour une réflexion sur l’intégralité de la personne et la place de l’enfant dans le couple?

« Par rapport au mode de pensée sur la personne humaine et l’acte générateur, nous pensons qu’il existe fondamentalement deux visions anthropologiques et morales qui, selon la position rationnelle retenue, se révèlent parallèles et en soi non réconciliables : l’une qui entend la raison comme mesure de tout le réel et plie la réalité selon une perspective déterminée, même si elle est souvent changeante, affirmant en ce sens une liberté détachée de la vérité ; l’autre [ ……] entend la raison comme une percée sur le réel par laquelle la réalité, et en particulier l’existence humaine, est à la fin insaisissable et est un signe qui reporte à un autre que soi. Les conceptions respectives de la personne et de la sexualité humaine se révèlent radicalement différentes et irréductibles entre elles »[109]

Deux échelles de valeurs ont peu d’échelons au même niveau.

Tout choix nécessite l’élimination de quelque chose, même dans le domaine du mode de vie. Je choisis la pilule, j’élimine le préservatif ; je choisis l’hospitalité dans ma famille, j’élimine ipso facto d’avoir une maison superbement rangée. Les exemples peuvent se multiplier à l’infini. Il en va de même dans le domaine qui concerne ce travail.

L’obsession de la PFN à prendre en considération l’enfant à naître élimine toute méthode dont le principe repose uniquement et constamment sur la non rencontre des gamètes. Le choix de défendre la contraception dans les lois d’un pays élimine la possibilité de confiance accordée aux couples quant à la compréhension et la gestion par eux même de leur fertilité. L’uniformisation des femmes par la contraception élimine la singularité de chaque couple quant à sa fertilité.

C’est la vision de l’enfant en puissance qui provoque la grande différence et le lieu de non communication, cette attitude face à l’enfant rejaillit sur la vision de l’homme, de la femme et de la vie conjugale.


 

 

        

Comparer pour Comprendre :

 

Toutes les méthodes de régulation des naissances permettent de choisir la venue d’un enfant avec une efficacité à peu près identique.[110]

Elles représentent toutes une contrainte pour le couple, différente en fonction de la méthode. A l’exception de la stérilisation, elles sont toutes réversibles et applicables par les couples. Elles répondent donc toutes aux critères de l’OMS, retenant comme qualités requises pour une contraception : réversibilité, acceptabilité, efficacité, innocuité.

Et pourtant les Méthodes Naturelles sont mal connues, décriées et même rejetées. Pourquoi ?

La comparaison de textes écrits à 30 ans d’intervalle, textes en faveur de la contraception et textes en faveur des méthodes naturelles, font apparaître que la réponse à cette question ne se situe ni dans l’efficacité, ni dans l’innocuité, ni dans la méthode elle même. Le problème est d’ordre philosophique. L’analyse comparative de 6 textes permet de révéler ces différences.

Les deux textes initiaux de référence écrits par des personnes appartenant à l’Eglise catholique, ont des conclusions différentes concernant la planification familiale. A partir de constatations communes sur la valeur du mariage chrétien et de l’amour humain, la parenté responsable, et tenant compte de l’évolution du monde quant à la place de la femme et la démographie, les auteurs tirent des conclusions fondamentalement différentes.  Ces conclusions révèlent des visions opposées sur des points fondamentaux comme la valeur de la fonction de reproduction, le sens de la relation sexuelle, la place de l’enfant présent ou en puissance. En définitive, c’est la place de l’Homme face au Créateur qui est le point central de cette réflexion. C’est à ce niveau que le choix d’une méthode de régulation des naissances prend tout son sens. Quels actes concrets le couple pose-t-il pour objectiver son choix?  Par la continence, le couple marque dans ses actes son intention de ne pas altérer la fonction de reproduction telle qu’elle a été créée, avec ses deux versants amour et procréation; par le choix d’une méthode contraceptive, il confirme sa capacité et sa volonté de pouvoir intervenir sur toutes les fonctions du corps humain.

Les arguments de 4 textes rédigés 30 ans plus tard, ne trouvent pas de terrain d’entente. Si les thèmes abordés sont identiques, comme la liberté des femmes, celle d’user de son propre corps et le rapport homme/femme, il n’y a pas d’argument en commun. L’exclusion de l’enfant en puissance de la sexualité par les méthodes contraceptives a des répercussions sur la vision du rapport homme femme, la possibilité de concevoir étant vécue comme un lieu où la liberté de la femme est en jeu. A l’inverse, le couple utilisateur de la PFN considère la gestion de sa fertilité comme un lieu de dialogue où chacun fait sa part d’effort, pour vivre la continence.

Les différences notées à l’analyse des textes, sont d’ordre philosophique. « A la lumière de l'expérience de tant de couples et des données des diverses sciences humaines, la réflexion théologique peut saisir - et elle est appelée à l'approfondir - la différence anthropologique et en même temps morale existant entre la contraception et le recours aux rythmes périodiques: il s'agit d'une différence beaucoup plus importante et plus profonde qu'on ne le pense habituellement et qui, en dernière analyse, implique deux conceptions de la personne et de la sexualité humaine irréductibles l'une à l'autre »[111]

 

Les deux choix (contraception et PFN) évoluent dans deux mondes différents, la sphère publique et la sphère privée. La PFN n’est défendue par aucune loi, elle ne fait l’objet d’aucun consensus public. De ce fait, elle ne peut bénéficier du support de la société civile, des rouages habituels de la médiatisation. La diffusion systématique de la PFN dans les universités, les différents lieux de formation, est alors rendue difficile, et en conséquence la PFN est facilement mise de coté, oubliées, intentionnellement ou non, mises à l’écart. Il n’est pas rare d’entendre : « La PFN est toujours à part ! »

Face à l’injonction contraceptive et son « impressario buldozer », du laboratoire pharmaceutique aux médecins, des mass media aux politiques, la PFN fait un peu « poids plume » parce qu’elle se love dans l’intimité du couple.

Nous vivons dans un univers de technique. Nos pays occidentaux ne sont-ils pas paralysés par la moindre coupure de courant électrique ? Que ferions nous sans pétrole ou sans l’informatique ? Nous sommes complètement dépendants de la technique et celle ci nous rassure. Etre efficace est souvent synonyme de « bon » ou « vrai ».

Pour éviter la conception d’un enfant, la contraception fait appel à une technique, élaborée par les laboratoires pharmaceutiques, surveillées par des médecins. Sa diffusion est régie par des lois, permettant sa mise sur le marché et garantes de leur innocuité. En cas de problème, un bouc émissaire est vite trouvé, lacune législative, laboratoire pharmaceutique ; il n’y a pas de responsabilité pour les utilisateurs. L’utilisation des techniques contraceptives nécessite une prescription médicale et un suivi, c’est à dire l’intervention du domaine public. La sphère publique est mise à contribution. En effet la technique ne peut se passer de la sphère publique car c’est la société civile qui permet son élaboration, la recherche scientifique à son sujet, le développement de son terrain d’application à grande échelle. La contraception a des retombées économiques, médicales, et sociales. La technique a une efficacité assurée, qui dépend de plusieurs acteurs, le législateur, le médecin et le pharmacien. Une contraception considérée comme idéale est une contraception efficace. La contraception est accompagnée d’une certaine idéologie, femme libérée de la domination masculine.

A l’opposé, l’efficacité de la PFN est chaque jour à acquérir, elle ne dépend que de deux personnes ; seule la volonté du couple maintient l’efficacité de la PFN. Aussi paraît-elle bien fragile aux yeux de certains.

 

La différence PFN-Contraception se situe à la jonction entre la nature et la culture. Le couple utilisateur de la PFN est motivé par le désir de ne pas altérer son potentiel procréateur, d’avoir une gestion autonome de sa fertilité et de ne pas dépendre d’une technique. Les méthodes naturelles utilisent les progrès de la connaissance, de l’ordre de la culture, mais c’est pour mieux retourner à la nature humaine. A l’opposé, le couple utilisant la contraception accepte de dépendre de la technique.

 

Pouvons nous imaginer la PFN diffusée à grande échelle à l’aide des services publics et par les canaux habituels de l’information ? Certes, dans l’absolu, cela semble envisageable : une information dès l’école, une diffusion radiotélévisée et une formation continue médicale pourraient sortir la PFN de l’ombre. Nous pouvons même l’imaginer technicisée, comme les actuels appareils de reconnaissance des périodes fertiles et non fertiles, essaient de le faire.[112]Mais c’est sans compter sur l’essence même de la PFN. En effet, un choix de méthode de planification familiale qui tient compte de l’enfant à naître et du monde crée est une pièce de puzzle qui ne s’emboîte pas dans l’image de notre société technicienne. Dans un tel contexte, il est facile de comprendre la méconnaissance et la mise à l’écart de la PFN.

Au pays des « services après vente », du « tout tout de suite » et des « assurances tous risques», les « moi tout seul » et les « je ne suis pas indifférent à mon créateur » n’ont pas de visa. Le mode de pensée courant dans la société technicienne a pour risque de transformer l’humain en objet, on parle de « production d’embryons » dans les milieux de la procréatique. Le personnalisme au contraire valorise l’Homme, le maintenant délibérément du coté de l’humain. De plus, les utilisateurs de la PFN font preuve d’indépendance et d’originalité dans leur choix, ils alimentent une discussion qui a des relents de passéisme et d’avant révolution : la proposition d’une maîtrise de soi, voire pour ceux qui se déclarent croyants, la référence à un Dieu créateur.

 

Notre fertilité est notre richesse et nous prolonge dans l’avenir. « Etre riche et ne pas avoir d’enfant ce n’est pas la richesse, être pauvre et avoir des enfants ce n’est pas la pauvreté » dit le proverbe africain, et il ajoute « L’homme sans enfant est venu pour rien et repart pour rien » . Perdre sa fertilité au moment de la ménopause n’est pas chose facile. Un couple qui n’arrive pas à concevoir est un couple souffrant.

L’enfant est toujours présent dans le couple, consciemment ou non. A l’instar du couple utilisateur de la PFN qui se souvient à chaque geste de tendresse de sa possibilité d’engendrer, la femme qui avale une pilule chaque soir, pose un geste porteur de sens, éviter une conception, et ceci même les soirs où elle n’aura pas d’union sexuelle.

Ainsi, pour une même finalité, ne pas concevoir d’enfant, deux attitudes opposées sont observées : accepter ou refuser que l’union sexuelle est potentiellement fécondante. Ces deux attitudes s’opposent comme deux atomes qui se repoussent.

Garder, dans chacun de ses gestes de tendresse, l’enfant comme un grand trésor, même au prix de la continence, est peut être «to put a bone in your shoe »[113], vis à vis de l’idéologie contraceptive. Ce rappel constant du sens procréateur de la relation sexuelle est peut être une des raisons de l’agressivité des défenseurs de la contraception à l’encontre des utilisateurs de la PFN.

 

Une constatation importante, posée au début de ce travail porte sur le mutisme du clergé de l’Eglise Catholique. Nous l’avons abordé en début de ce travail, Humanae Vitae a été rédigé après un vote des membres de la commission consultative, majoritairement opposée à la PFN. Il est compréhensible que dans une pareille situation les prêtres traînent le pied pour diffuser cette encyclique. De plus la parution de l’encyclique a correspondu à l’effervescence de Mai 68 avec « il est interdit d’interdire » mais aussi la diffusion de la contraception à plus grande échelle. Dans un tel contexte, le message de l’Eglise ne pouvait être que controversé. La presse ne s’en est pas privée. Reconnaissons que les termes employés pour expliquer la position du Pape ne sont pas toujours très clairs.Les expressions telles que « L’ouverture à la vie » ou le mot « Naturelles » sont souvent mal comprises, mal interprétées. L’ouverture à la vie est comprise comme « un peu inefficace » et naturelle est confondu avec biologique ou proche de la nature[114]. Dans un tel contexte, l’enseignement et la diffusion auprès des couples catholiques est évidemment rendue difficile. Ceci n’explique cependant pas un mutisme de plus de 30 ans, tant au niveau des paroisses que des préparations au mariage et des séminaires.

Cette réflexion, sur la vie humaine et sa transmission, continue au sein de l’Eglise Catholique. Les encycliques, comme Familiaris Consortio et Donum Vitae, reprennent ce thème. Jean Paul II a consacré 21 catéchèses du mercredi, sur le thème de l’amour humain dans le plan divin. Peu de prêtres en retransmettent les enseignements dans leur paroisse. Et pourtant les prêtres ont également un témoignage à donner quant à la gestion de la sexualité. Comment ne pas relier la continence totale des prêtres avec la continence périodique proposée aux laïcs ? Ne s’agit-il pas de deux aspects d’une même réalité ? « La maîtrise de soi est l’indice d’une véritable liberté humaine. Et nous parvenons à cette maîtrise non pas en réprimant ou en éliminant ce qui est naturel en nous, mais en canalisant sciemment et librement ces instincts naturels de l’esprit et du corps dans des actions qui approfondissent notre humanité parce qu’elles sont conformes aux choses telles qu’elles sont[……]. C’est dans l’action morale que la pensée, l’esprit et le corps forment l’unité de la personne. »[115]

 

La Planification Familiale Naturelle est-elle encore d’actualité? Assistons nous au chant du cygne d’un concept dépassé ?

Les biotechnologies provoquent une mutation de la vision de l’homme sur le monde et la procréation. Les couples, les enfants, les familles sont entraînées dans ce « brain storming ». Les couples sont perplexes, anxieux du hiatus entre leur idéal de vie de couple et ce qui leur est proposé. Ils sont en questionnement.

Les arguments en faveur du choix de la PFN sont d’ordre humain, cette approche permettant de respecter l’unicité de la personne, sans volonté de modification, loin d’une certaine uniformisation. La maîtrise de soi secondaire à la PFN est un chemin d’humanisation.

Les critères de choix peuvent être aussi d’ordre spirituel, la fonction de reproduction étant celle qui nous permet d’approcher le mystère d’un au-delà qui nous dépasse : devenir père et mère, accueillir un enfant grâce à un acte d’amour. La pratique de la PFN marque la vie de tous les jours de cette transcendance.

Le croyant en un Dieu créateur, qui lui est supérieur, peut choisir d’adopter une attitude de reconnaissance de la beauté de la procréation en ne la modifiant pas. Avec humilité, il accepte d’en être le ministre et non le maître absolu. La fonction de reproduction n’est pas une fonction imparfaite qu’il se donne le droit de modifier, mais elle est un don de Dieu.

L’Eglise Catholique invite, dans le cadre d’une parenté responsable, à utiliser une méthode « ouverte à la vie », sauvegardant les deux sens de la relation sexuelle.

Le choix d’une méthode de régulation des naissances est, pour un couple, un passage obligé qui a des répercussions importantes dans sa vie de tous les jours, sur son dialogue amoureux, la tendresse échangée. Ainsi, la méthode choisie participe au fil des années à la construction du couple. Il n’est pas rare de rencontrer des couples s’interrogeant a posteriori, sur les retombées de telle ou telle méthode qu’ils ont utilisée dans le passé.

Il serait intéressant qu’un travail pédagogique soit entrepris, non seulement auprès des acteurs de santé, mais également auprès de toutes les personnes susceptibles d’aborder ce sujet avec les couples, pour leur permettre de faire un choix plus en adéquation avec leur idéal de vie, de couple et de famille.

 

 

 

 

 

O Homme qui es-tu pour disputer avec Dieu ?

L’œuvre va-t-elle dire à celui qui l’a modelée : Pourquoi m’as-tu faite ainsi ?

Le potier n’est-il pas maître de son argile ?

 Romain, 9 20


 

 


BIBLIOGRAPHIE

 

 

TEXTES ANALYSES:

 

 

Publications :

 

Encyclique Humanae Vitae

Texte de la majorité in Robert McClory, Rome et la contraception, Editions de l’atelier,1998

Etienne Emile Baulieu, Françoise Héritier, Henri Leridon, Contraception, contrainte ou liberté, Editions Jacob 1999.

 

Exposés :

 

Henri Hoser, Les fondements anthropologiques de la Planification Familiale Naturelle, Exposé congrès de la FAAF, Cotonou 2001

Michèle Guy, La planification Familiale Naturelle, un service pour la famille, Congrès de l’IEEF Lublin 1994

 

 

BIBLIOGRAPHIE :

 

Livres :

 

Francesco Alberoni, Le choc amoureux, Edition Ramsay, 1985

Francesco Alberoni, Je t‘aime, tout sur la passion amoureuse, Edition Plon, 1997

Dominique Folscheid, Sexe mécanique, Edition Contretemps, 2002

Emmanuel Mounier, Le personnalisme, Edition Puf, 2001

Edmonde Morin, La rouge différence, Edition du seuil, 1982

Elisabeth et Charles RENDU, l’Eglise nous a-t-elle trompés ?, Edition Xavier Mappus, 1970

François de Singly , Libres ensembles, Edition Nathan, 2000

Georges Cottier, Défis éthiques, Editions Saint Augustin, 1996

Georges de Broglie, Autour d’un plaidoyer pour la contraception, Edition Saint Michel, 1969

Georges Eid, L’intimité ou la guerre des sexes, Edition l’Harmattan, 1999

Georges WEIGEL ,Jean Paul II, témoin d’espérance, Edition Jean Claude Lattes, 1999

Jean Paul , « L’amour humain dans le plan divin », édition du cerf, 1980

Jean Toulat, Contraception sans violence, Edition Pygmalion, 1980

Jean Vanier, Homme et femme Il les fit, Edition Fleurus, 1984

Clothilde Lemarchant, Belles filles, avec les beaux parents trouver la bonne distance, presses universitaires de Rennes,1999

Xavier Lacroix, Le corps de l’esprit, Edition Puf, 1999

Xavier Lacroix, L’avenir c’est l’autre, Edition seuil, 2000

Charles Daniel et Evelyne Maire, Famille, points de repère ? Edition Ligue de la lecture de la bible, 2001

Mika Mfitzsche Enjeux éthiques de la régulation des naissances en Afrique, Editions actuel, 2002

Jean Claude Guillebaud, Le principe d’humanité, Edition Seuil, 2001

B. Colombo, B.Kambic, Aspetti demografici e statistici della regulazione della fertilita umana, Edition Liberia Cortina Verona, 1999

Catéchisme de l’Eglise Catholique, Edition Mame Plon, 1992

Dictionnaire des Philisophes, Edition Albin Michel, 2001

 

 

Articles :

 

Karl Best, Utilisation d’une méthode traditionnelle et la communication sont parfois liées, Network en français, 2002

Gunter. Freundl, Prospective European multi-center study of NFP , Advances in contraception 1993

Stanislas de Lestapis, Régulation des naissances et anthropologies , Fiches documentaires du CLER n°36 

William H. Shannon, The lively debate : reponse to Humanae Vitae

R.Ecochard, F.Pinguet, I.Ecochard,R.de Gouvello, M.Guy, F.Guy, Analyse des échecs de la planification familiale naturelle, à propos de 7007 cycles d’utilisation, in Contraception fertilités sexualité 1998, vol 25 n° 4 p.291

 

 

Encycliques:

 

Pie XII Travailler à bien penser 

Jean Paul II, Familiaris Consorcio

Jean Paul II Donum Vitae

 

Thèses :

 

Paulo Araujo, Par le désir jusqu’à l’abandon , essai pastoral sur la régulation naturelle de la fécondité, un itinéraire vers un plus grand amour, Institut d’études théologiques, Séminaire Saint Luc à Aix en Provence, 1998

 

Barbara Muller, Les trois temps du cycle, observer pour comprendre et diagnostiquer, Thèse de médecine, université Claude Bernard, Lyon, 2002

Laura Cavazzina, L’acte générateur, entre naturalité et artificialité, Thèse de bioéthique, Milan, Traduit de l’Italien par Élisabeth et Christophe Gonnet


 


Annexe 1 :               Humanae vitae


sur le mariage et la régulation
des naissances

Lettre Encyclique du 25 juillet 1968

 

La transmission de la vie

1. Le très grave devoir de transmettre la vie humaine, qui fait des époux les libres et responsables collaborateurs du Créateur, a toujours été pour ceux-ci source de grandes joies, accompagnées cependant parfois de bien des difficultés et des peines.

En tout temps, l'accomplissement de ce devoir a posé à la conscience des époux de sérieux problèmes ; mais l'évolution récente de la société a entraîné des mutations telles que de nouvelles questions se sont posées: questions que l'Église ne pouvait ignorer, en un domaine qui touche de si près à la vie et au bonheur des hommes.

I. Aspects nouveaux du problème

Et compétence du Magistère

Nouvelles données du problème

2. Les changements survenus sont effectivement notables et de plusieurs sortes. Il s'agit tout d'abord du rapide développement démographique. Beaucoup manifestent la crainte que la population mondiale n'augmente plus vite que les ressources à sa disposition ; il s'ensuit une inquiétude croissante pour bien des familles et pour des peuples en voie de développement, et grande est la tentation pour les autorités d'opposer à ce péril des mesures radicales. En outre, les conditions de travail et de logement, comme aussi les exigences accrues, dans le domaine économique et dans celui de l'éducation, rendent souvent difficile aujourd'hui la tâche d'élever convenablement un grand nombre d'enfants.

On assiste aussi à un changement, tant dans la façon de considérer la personne de la femme et sa place dans la société que dans la valeur à attribuer à l'amour conjugal dans le mariage, comme aussi dans la manière d'apprécier la signification des actes conjugaux par rapport à cet amour.

Enfin et surtout, l'homme a accompli d'étonnants progrès dans la maîtrise et l'organisation rationnelle des forces de la nature, au point qu'il tend à étendre cette maîtrise à son être lui-même pris dans son ensemble : au corps, à la vie physique, à la vie sociale et jusqu'aux lois qui règlent la transmission de la vie.

3. Un tel état de chose fait naître de nouvelles questions. Étant données les conditions de la vie moderne, étant donnée' la signification des relations conjugales pour l'harmonie entre les époux et pour leur fidélité mutuelle, n'y aurait-il pas lieu de réviser les règles morales jusqu'ici en vigueur, surtout si l'on considère qu'elles ne peuvent être observées sans des sacrifices parfois héroïques ?

Étendant à ce domaine l'application du principe dit " de totalité ", ne pourrait-on admettre que l'intention d'une fécondité moins abondante, mais plus rationalisée, transforme l'intervention matériellement stérilisante en un licite et sage contrôle des naissances ? Ne pourrait-on admettre, en d'autres termes, que la finalité de procréation concerne l'ensemble de la vie conjugale, plutôt que chacun de ses actes ?

On demande encore si, étant donné le sens accru de responsabilités de l'homme moderne, le moment n'est pas venu pour lui de confier à sa raison et à sa volonté, plutôt qu'aux rythmes biologiques de son organisme, le soin de régler la natalité.

 


 

Compétence du Magistère

4. De telles questions exigeaient du Magistère de l'Église une réflexion nouvelle et approfondie sur les principes de la doctrine morale du mariage doctrine fondée sur la loi naturelle, éclairée et enrichie par la Révélation divine.

Aucun fidèle ne voudra nier qu'il appartient au Magistère de l'Église d'interpréter aussi la loi morale naturelle. Il est incontestable, en effet, comme l'ont plusieurs fois déclaré Nos Prédécesseurs (1) , que Jésus-Christ, en communiquant à Pierre et aux apôtres sa divine autorité, et en les envoyant enseigner ses commandements à toutes les nations (2) , les constituait gardiens et interprètes authentiques de toute la loi morale : non seulement de la loi évangélique, mais encore de la loi naturelle, expression elle aussi de la volonté de Dieu, et dont l'observation fidèle est également nécessaire au salut (3).

Conformément à cette mission qui est la sienne, l'Église a toujours donné - et avec plus d'ampleur à l'époque récente - un enseignement cohérent, tant sur la nature du mariage que sur le juste usage des droits conjugaux et sur les devoirs des époux (4).

 

Études spéciales

5. La conscience de cette même mission Nous amena à confirmer et à élargir la Commission d'étude que Notre prédécesseur Jean XXIII, de vénérée mémoire, avait instituée en mars 1963. Cette Commission, qui comprenait, outre plusieurs spécialistes des différentes disciplines concernées, également des couples, avait pour but de recueillir des avis sur les nouvelles questions relatives à la vie conjugale, et en particulier celle de la régulation de la natalité, et de fournir d'opportuns éléments d'information, pour que le Magistère pût donner, à l'attente non seulement des fidèles, mais de l'opinion publique mondiale, une réponse adéquate (5).

Les travaux de ces experts, complétés par les jugements et conseils que Nous fournirent, soit spontanément, soit sur demande expresse, bon nombre de Nos frères dans l'épiscopat, Nous ont permis de mieux mesurer tous les aspects de cette question complexe. Aussi exprimons-Nous à tous de grand cœur Notre vive gratitude.

 

La réponse du Magistère

6. Les conclusions auxquelles était parvenue la Commission ne pouvaient toutefois être considérées par Nous comme définitives, ni Nous dispenser d'examiner personnellement ce grave problème, entre autres parce que le plein accord n'avait pas été réalisé au sein de la Commission sur les règles morales à proposer ; et surtout parce qu'étaient apparus certains critères de solutions qui s'écartaient de la doctrine morale sur le mariage proposée avec une constante fermeté par le Magistère de l'Église.

C'est pourquoi, ayant attentivement examiné la documentation qui Nous a été soumise, après de mûres réflexions et des prières assidues, Nous allons maintenant, en vertu du mandat que le Christ Nous a confié, donner notre réponse à ces graves questions.

 

II. Principes doctrinaux

 Une vision globale de l'homme

7. Comme tout autre problème concernant la vie humaine, le problème de la natalité doit être considéré, au-delà des perspectives partielles - qu'elles soient d'ordre biologique ou psychologique, démographique ou sociologique - dans la lumière d'une vision intégrale de l'homme et de sa vocation, non seulement naturelle et terrestre, mais aussi surnaturelle et éternelle. Et puisque, dans leur tentative de justifier les méthodes artificielles de contrôle des naissances, beaucoup ont fait appel aux exigences soit de l'amour conjugal, soit d'une " paternité responsable ", il convient de bien préciser la vraie conception de ces deux grandes réalités de la vie matrimoniale, en Nous référant principalement à ce qui a été récemment exposé à ce sujet, d'une manière hautement autorisée, par le IIème Concile du Vatican, dans la Constitution pastorale Gaudium et Spes.

L'amour conjugal

8. L'amour conjugal révèle sa vraie nature et sa vraie noblesse quand on le considère dans sa source suprême, Dieu qui est amour, " le Père de qui toute paternité tire son nom, au ciel et sur la terre (7) ".

Le mariage n'est donc pas l'effet du hasard ou un produit de l'évolution de forces naturelles inconscientes : c'est une sage institution du Créateur pour réaliser dans l'humanité son dessein d'amour. Par le moyen de la donation personnelle réciproque, qui leur est propre et exclusive, les époux tendent à la communion de leurs êtres en vue d'un mutuel perfectionnement personnel pour collaborer avec Dieu à la génération et à l'éducation de nouvelles vies.

De plus, pour les baptisés, le mariage revêt la dignité de signe sacramentel de la grâce, en tant qu'il représente l'union du Christ et de l'Église.

 

Ses caractéristiques

9. Dans cette lumière apparaissent clairement les notes et les exigences caractéristiques de l'amour conjugal, dont il est souverainement important d'avoir une idée exacte.

C'est avant tout un amour pleinement humain, c'est-à-dire à la fois sensible et spirituel. Ce n'est donc pas un simple transport d'instinct et de sentiment, mais aussi et surtout un acte de la volonté libre, destiné à se maintenir et à grandir à travers les joies et les douleurs de la vie quotidienne, de sorte que les époux deviennent un seul cœur et une seule âme et- atteignent ensemble leur perfection humaine.

C'est ensuite un amour total, c'est-à-dire une forme toute spéciale d'amitié personnelle, par laquelle les époux partagent généreusement toutes choses, sans réserves indues ni calculs égoïstes. Qui aime vraiment son conjoint ne l'aime pas seulement pour ce qu'il reçoit de lui, mais pour lui-même, heureux de pouvoir l'enrichir du don de soi.

C'est encore un amour fidèle et exclusif jusqu'à la mort. C'est bien ainsi, en effet, que le conçoivent l'époux et l'épouse le jour où ils assument librement et en pleine conscience l'engagement du lien matrimonial. Fidélité qui peut parfois être difficile, mais qui est toujours possible et toujours noble et méritoire, nul ne peut le nier. L'exemple de tant d'époux à travers les siècles prouve non seulement qu'elle est conforme à la nature du mariage, mais encore qu'elle est source de bonheur profond et durable.

C'est enfin un amour fécond, qui ne s'épuise pas dans la communion entre époux, mais qui est destiné à se continuer en suscitant de nouvelles vies. " Le mariage et l'amour conjugal sont ordonnés par leur nature à la procréation -et à l'éducation des enfants. De fait, les enfants sont le don le plus excellent du mariage et ils contribuent grandement au bien des parents eux-mêmes (8). "

 

La paternité responsable

10. L'amour conjugal exige donc des époux une conscience de leur mission de " paternité responsable ", sur laquelle, à bon droit, on insiste tant aujourd'hui, et qui doit, elle aussi, être exactement comprise. Elle est à considérer sous divers aspects légitimes et liés entre eux.

Par rapport aux processus biologiques, la paternité responsable signifie connaissance et respect de leurs fonctions : l'intelligence découvre, dans le pouvoir de donner la vie, des lois biologiques qui font partie de la personne humaine (9).

Par rapport aux tendances de l'instinct et des passions, la paternité responsable signifie la nécessaire maîtrise que la raison et la volonté doivent exercer sur elles.

Par rapport aux conditions physiques, économiques, psychologiques et sociales, la paternité responsable s'exerce soit par la détermination réfléchie et généreuse de faire grandir une famille nombreuse, soit par la décision, prise pour de graves motifs et dans le respect de la loi morale, d'éviter temporairement ou même pour un temps indéterminé une nouvelle naissance.

La paternité responsable comporte encore et surtout un plus profond rapport avec l'ordre moral objectif, établi par Dieu, et dont la conscience droite est la fidèle interprète. Un exercice responsable de la paternité implique donc que les conjoints reconnaissent pleinement leurs devoirs envers Dieu, envers eux-mêmes, envers la famille et envers la société, dans une juste hiérarchie des valeurs. Dans la tâche de transmettre la vie, ils ne sont par conséquent pas libres de procéder à leur guise, comme s'ils pouvaient déterminer de façon entièrement autonome les voies honnêtes à suivre, mais ils doivent conformer leur conduite à l'intention créatrice de Dieu, exprimée dans la nature même du mariage et de ses actes, et manifestée par l'enseignement constant de l'Église (10).

 

Respecter la nature et les finalités de l'acte matrimonial

11. Ces actes, par lesquels les époux s'unissent dans une chaste intimité, et par le moyen desquels se transmet la vie humaine, sont, comme l'a rappelé le Concile, " honnêtes et dignes (11) ", et ils ne cessent pas d'être légitimes si, pour des causes indépendantes de la volonté des conjoints, on prévoit qu'ils seront inféconds : ils restent en effet ordonnés à exprimer et à consolider leur union. De fait, comme l'expérience l'atteste, chaque rencontre conjugale n'engendre pas une nouvelle vie. Dieu a sagement fixé des lois et des rythmes naturels de fécondité qui espacent déjà. par eux-mêmes la succession des naissances. Mais l'Église, rappelant les hommes à l'observation de la loi naturelle, interprétée par sa constante doctrine, enseigne que tout acte matrimonial doit rester ouvert à la transmission de la vie (12).

 

Deux aspects indissociables:
union et procréation

12. Cette doctrine, plusieurs fois exposée par le Magistère, est fondée sur le lien indissoluble, que Dieu a voulu et que l'homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l'acte conjugal : union et procréation. En effet, par sa structure intime, l'acte conjugal, en même temps qu'il unit profondément les époux, les rend aptes à la génération de nouvelles vies, selon des lois inscrites dans l'être même de l'homme et de la femme. C'est en sauvegardant ces deux aspects essentiels, union et procréation que l'acte conjugal conserve intégralement le sens de mutuel et véritable amour et son ordination à la très haute vocation de l'homme à la paternité. Nous pensons que les hommes de notre temps sont particulièrement en mesure de comprendre le caractère profondément raisonnable et humain de ce principe fondamental.

 

Fidélité au dessein de Dieu

13. On remarque justement, en effet, qu'un acte conjugal imposé au conjoint sans égard à ses conditions et à ses légitimes désirs, n'est pas un véritable acte d'amour et contredit par conséquent une exigence du bon ordre moral dans les rapports entre époux. De même, qui réfléchit bien devra reconnaître aussi qu'un acte d'amour mutuel qui porterait atteinte à la disponibilité à transmettre la vie, que le Créateur a attachée à cet acte selon des lois particulières, est en contradiction avec le dessein constitutif du mariage et avec la volonté de l'auteur de la vie. User de ce don divin en détruisant, fût-ce partiellement, sa signification et sa finalité, c'est contredire à la nature de l'homme comme à celle de la femme et de leur rapport le plus intime, c'est donc contredire aussi au plan de Dieu et à sa volonté. Au contraire, user du don de l'amour conjugal en respectant les lois du processus de la génération, c'est reconnaître que nous ne sommes pas les maîtres des sources de la vie humaine, mais plutôt les ministres du dessein établi par le Créateur. De même, en effet, que l'homme n'a pas sur son corps en général un pouvoir illimité, de même il ne l'a pas, pour une raison particulière, sur ses facultés de génération en tant que telles, à cause de leur ordination intrinsèque à susciter la vie, dont Dieu est le principe. " La vie humaine est sacrée, rappelait Jean XXIII ; dès son origine, elle engage directement l'action créatrice de Dieu (13). "

 

Moyens illicites de régulation des naissances

14. En conformité avec ces points fondamentaux de la conception humaine et chrétienne du mariage, nous devons encore une fois déclarer qu'est absolument à exclure, comme moyen licite de régulation des naissances, l'interruption directe du processus de génération déjà engagé, et surtout l'avortement directement voulu et procuré, même pour des raisons thérapeutiques (14).Est pareillement à exclure, comme le Magistère de l'Église l'a plusieurs fois déclaré, la stérilisation directe, qu'elle soit perpétuelle ou temporaire, tant chez l'homme que chez la femme (15).

Est exclue également toute action qui, soit en prévision de l'acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréations (16).

Et on peut invoquer comme raisons valables, pour justifier des actes conjugaux rendus intentionnellement inféconds, le moindre mal ou le fait que ces actes constitueraient un tout avec les actes féconds qui ont précédé ou qui suivront, et dont ils partageraient l'unique et identique bonté morale. En vérité, s'il est parfois licite de tolérer un moindre mal moral afin d'éviter un mal plus grand ou de promouvoir un bien plus grand (17) il n'est pas permis, même pour de très graves raisons, de faire le mal afin qu'il en résulte un bien (18), c'est-à-dire de prendre comme objet d'un acte positif de volonté ce qui est intrinsèquement un désordre et, par conséquent, une chose indigne de la personne humaine, même av ec l'intention de sauvegarder ou de promouvoir des biens individuels, familiaux ou sociaux. C'est donc une erreur de penser qu'un acte conjugal rendu volontairement infécond et, par conséquent, intrinsèquement déshonnête, puisse être rendu honnête par l'ensemble d'une vie conjugale féconde.

 

Licéité des moyens thérapeutiques

15. L'Église, en revanche, n'estime nullement illicite l'usage des moyens thérapeutiques vraiment nécessaires pour soigner des maladies de l'organisme, même si l'on prévoit qu'il en résultera un empêchement à la procréation, pourvu que cet empêchement ne soit pas, pour quelque motif que ce soit, directement voulu (19).

 

Licéité du recours aux périodes infécondes

16. A cet enseignement de l'Église sur la morale conjugale, on objecte aujourd'hui, comme Nous l'observions plus haut (n. 3), que c'est la prérogative de l'intelligence humaine de maîtriser les énergies offertes par la nature irrationnelle et de les orienter vers un but conforme au bien de l'homme. Or, certains se demandent : dans le cas présent, n'est-il pas raisonnable, en bien des circonstances, de recourir au contrôle artificiel des naissances, si on obtient par là l'harmonie et la tranquillité du foyer et de meilleures conditions pour l'éducation des enfants déjà nés ?

A cette question, il faut répondre avec clarté l'Église est la première à louer et à recommander l'intervention de l'intelligence dans une œuvre qui associe de si près la créature raisonnable à son Créateur, mais elle affirme que cela doit se faire dans le respect de l'ordre établi par Dieu.

Si donc il existe, pour espacer les naissances, de sérieux motifs dus, soit aux conditions physiques ou psychologiques des conjoints, soit à des circonstances extérieures, l'Église enseigne qu'il est alors permis de tenir compte des rythmes naturels, inhérents aux fonctions de la génération, pour user du mariage dans les seules périodes infécondes et régler ainsi la natalité sans porter atteinte aux principes moraux que Nous venons de rappeler (20).

L'Église est conséquente avec elle-même quand elle estime licite le recours aux périodes infécondes, alors qu'elle condamne comme toujours illicite l'usage des moyens directement contraires à la fécondation, même inspiré par des raisons qui peuvent paraître honnêtes et sérieuses. En réalité, il existe entre les deux cas une différence essentielle : dans le premier cas, les conjoints usent légitimement d'une disposition naturelle ; dans l'autre cas, ils empêchent le déroulement des processus naturels. Il est vrai que, dans l'un et l'autre cas, les conjoints s'accordent dans la volonté positive d'éviter l'enfant pour des raisons plausibles, en cherchant à avoir l'assurance qu'il ne viendra pas ; mais il est vrai aussi que dans le premier cas seulement ils savent renoncer à l'usage du mariage dans les périodes fécondes quand, pour de justes motifs, la procréation n'est pas désirable, et en user dans les périodes agénésiques, comme manifestation d'affection et sauvegarde de mutuelle fidélité. Ce faisant, ils donnent la preuve d'un amour vraiment et intégralement honnête.

 

Graves conséquences des méthodes de régulation artificielle de la natalité

17. Les hommes droits pourront encore mieux se convaincre du bien-fondé de la doctrine de l'Église en ce domaine, s'ils veulent bien réfléchir aux conséquences des méthodes de régulation artificielle de la natalité.

Qu'ils considèrent d'abord quelle voie large et facile ils ouvriraient ainsi à l'infidélité conjugale et à l'abaissement général de la moralité. Il n'est pas besoin de beaucoup d'expérience pour connaître la faiblesse humaine et pour comprendre que les hommes - les jeunes, en particulier, si vulnérables sur ce point - ont besoin d'encouragement à être fidèles à la loi morale, et qu'il ne faut pas leur offrir quelque moyen facile pour en éluder l'observance. On peut craindre aussi que l'homme en s'habituant à l'usage des pratiques anticonceptionnelles, ne finisse par perdre le respect de la femme et, sans plus se soucier de l'équilibre physique et psychologique de celle-ci, n'en vienne à la considérer comme un simple instrument de jouissance égoïste, et non plus comme sa compagne respectée et aimée.

Qu'on réfléchisse aussi à l'arme dangereuse que l'on viendrait à mettre ainsi aux mains d'autorités publiques peu soucieuses des exigences morales. Qui pourra reprocher à un gouvernement d'appliquer à la solution des problèmes de la collectivité ce qui serait reconnu permis aux conjoints pour la solution d'un problème familial ? Qui empêchera les gouvernants de favoriser et même d'imposer à leurs peuples, s'ils le jugeaient nécessaire, la méthode de contraception estimée par eux la plus efficace ? Et ainsi les hommes, en voulant éviter les difficultés individuelles, familiales ou sociales que l'on rencontre dans l'observation de la loi divine, en arriveraient à laisser à la merci de l'intervention des autorités publiques le secteur le plus personnel et le plus réservé de l'intimité conjugale.

Si donc on ne veut pas abandonner à l'arbitraire des hommes la mission d'engendrer la vie, il faut nécessairement reconnaître des limites infranchissables au pouvoir de l'homme sur son corps et sur ses fonctions ; limites que nul homme, qu'il soit simple particulier ou revêtu d'autorité, n'a le droit d'enfreindre. Et ces limites ne peuvent être déterminées que par le respect qui est dû à l'intégrité de l'organisme humain et de ses fonctions, selon les principes rappelés ci-dessus et selon la juste intelligence du " principe de totalité " exposé par Notre prédécesseur Pie XII (21).

 

L'Église garante des authentiques valeurs humaines

18. On peut prévoir que cet enseignement ne sera peut-être pas facilement accueilli par tout le monde : trop de voix - amplifiées par les moyens modernes de propagande - s'opposent à la voix de l'Église. Celle-ci, à vrai dire, ne s'étonne pas d'être, à la ressemblance de son divin Fondateur, un " signe de contradiction " (22) ; mais elle ne cesse pas pour autant de proclamer avec une humble fermeté, toute la loi morale, tant naturelle qu'évangélique. Ce n'est pas elle, qui a créé cette loi, elle ne saurait donc en être l'arbitre ; elle en est seulement la dépositaire et l'interprète, sans pouvoir jamais déclarer licite une chose qui ne l'est pas à cause de son intime et immuable opposition au vrai bien de l'homme.

En défendant la morale conjugale dans son intégralité, l'Église sait qu'elle contribue à l'instauration d'une civilisation vraiment humaine ; elle engage l'homme à ne pas abdiquer sa responsabilité pour s'en remettre aux moyens techniques ; elle défend par là même la dignité des époux. Fidèle à l'enseignement comme à l'exemple du Sauveur, elle se montre l'amie sincère et désintéressée des hommes, qu'elle veut aider, dès leur cheminement terrestre, " à participer en fils à la vie du Dieu vivant, Père de tous les homme (23) ".

 

III. Directives pastorales

 

L'Église " Mater et Magistra "

19. Notre parole ne serait pas l'expression adéquate de la pensée et de la sollicitude de l'Église, Mère et Maîtresse de toutes les nations, si, après avoir rappelé les hommes à l'observance et au respect de la toi divine au sujet du mariage, elle ne les encourageait pas dans la voie d'une honnête régulation de la natalité, même au milieu des difficiles conditions qui éprouvent aujourd'hui les familles et les peuples. L'Église, en effet, ne peut avoir, vis-à-vis des hommes, une conduite différente de celle du Rédempteur: elle connaît leur faiblesse, elle a compassion de la foule, elle accueille les pécheurs ; mais elle ne peut renoncer à enseigner la loi qui est en réalité celle d'une vie humaine rendue à sa vérité originelle et conduite par l'esprit de Dieu (24).

 

Possibilité de l'observance de la loi divine

20. La doctrine de l'Église sur la régulation des naissances, qui promulgue la loi divine, pourra apparaître à beaucoup difficile, pour ne pas dire impossible à mettre en pratique. Et certes, comme toutes les réalités grandes et bienfaisantes, cette loi requiert une sérieuse application et beaucoup d'efforts, individuels, familiaux et sociaux. On peut même dire qu'elle ne serait pas observable sans l'aide de Dieu qui soutient et fortifie la bonne volonté des hommes. Mais si l'on réfléchit bien, on ne peut pas ne pas voir que ces efforts sont ennoblissants pour l'homme et bienfaisants pour la communauté humaine.

 

Maîtrise de soi

21. Une pratique honnête de régulation de la natalité exige avant tout des époux qu'ils acquièrent et possèdent de solides convictions sur les vraies valeurs de la vie et de la famille et qu'ils tendent à acquérir une parfaite possession d'eux-mêmes. La maîtrise de l'instinct par la raison et la libre volonté impose sans nul doute une ascèse pour que les manifestations affectives de la vie conjugale soient dûment réglées, en particulier pour l'observance de la continence périodique. Mais cette discipline, propre à la pureté des époux, bien loin de nuire à l'amour conjugal, lui confère au contraire une plus haute valeur humaine.

Elle exige un effort continuel, mais grâce à son influence bienfaisante, les conjoints développent intégralement leur personnalité, en s'enrichissant de valeurs spirituelles : elle apporte à la vie familiale des fruits de sérénité et de paix, et elle facilite la solution d'autres problèmes ; elle favorise l'attention à l'autre conjoint, aide les époux à bannir l'égoïsme, ennemi du véritable amour, et approfondit leur sens de responsabilité.

Les parents acquièrent par là la capacité d'une influence plus profonde et plus efficace pour l'éducation des enfants ; l'enfance et la jeunesse grandissent dans ]ajuste estime des valeurs humaines et dans le développement serein et harmonieux de leurs facultés spirituelles et sensibles.

 

Créer un climat favorable à la chasteté

22. Nous voulons à cette occasion rappeler l'attention des éducateurs et de tous ceux qui ont des tâches de responsabilité pour le bien commun de la société sur la nécessité de créer un climat favorable à l'éducation à la chasteté, c'est-à-dire au triomphe de la saine liberté sur la licence par le respect de l'ordre moral.

Tout ce qui, dans les moyens modernes de communication sociale, porte à l'excitation des sens, au dérèglement des mœurs, comme aussi toute forme de pornographie ou de spectacles licencieux, doit provoquer la franche et unanime réaction de toutes les personnes soucieuses du progrès de la civilisation et de la défense des biens suprêmes de l'esprit humain. Et c'est en vain qu'on chercherait à justifier ces dépravations par de prétendues exigences artistiques ou scientifiques2l, ou à tirer argument de la liberté laissée en ce domaine par les autorités publiques.

 

Appel aux pouvoirs publics

23. Aux gouvernants, qui sont les principaux responsables du bien commun, et qui peuvent tant pour la sauvegarde des valeurs morales, Nous disons : ne laissez pas se dégrader la moralité de vos peuples ; n'acceptez pas que s'introduisent, par voie légale, dans cette cellule fondamentale de la société qu'est la famille, des pratiques contraires à la loi naturelle et divine. Toute autre est la voie par laquelle les pouvoirs publics peuvent et doivent contribuer à la solution du problème démographique : c'est la voie d'une prévoyante politique familiale, d'une sage éducation des peuples, respectueuse de la loi morale et de la liberté des citoyens.

Nous sommes bien conscient des graves difficultés dans lesquelles se trouvent les pouvoirs publics à cet égard, spécialement dans les pays en voie de développement. A leur légitimes préoccupations, Nous avons consacré Notre encyclique Populorum progressio. Mais avec Notre prédécesseur Jean XXIII, Nous répétons : " Ces difficultés ne doivent pas être résolues par le recours à des méthodes et à des moyens qui sont indignes de l'homme, et qui ne trouvent leur explication que dans une conception purement matérialiste de l'homme et de sa vie. La vraie solution se trouve seulement dans le développement économique et dans le progrès social qui respectent et promeuvent les vraies valeurs humaines, individuelles et sociale (26). " Et l'on ne saurait, sans une grave injustice, rendre la divine Providence responsable de ce qui dépendrait au contraire d'un défaut de sagesse de gouvernement, d'un sens insuffisant de la justice sociale, d'un accaparement égoïste, ou encore d'une blâmable indolence à affronter les efforts et les sacrifices nécessaires pour assurer l'élévation du niveau de vie d'un peuple et de tous ses enfants (27).

Que tous les pouvoirs responsables - comme certains le font déjà si louablement - renouvellent généreusement leurs efforts. Et que l'entraide ne cesse de s'amplifier entre tous les membres de la grande famille humaine : c'est un champ d'action presque illimité qui s'ouvre là à l'activité des grandes organisations internationales.

 

Aux hommes de science

24. Nous voulons maintenant exprimer Nos encouragements aux hommes de science, qui " peuvent beaucoup pour la cause du mariage et de la famille et pour la paix des consciences si, par l'apport convergent de leurs études, ils s'appliquent à tirer davantage au clair les diverses conditions favorisant une saine régulation de la procréation humaine2l' ". Il est souhaitable, en particulier, que, selon le voeu déjà formulé par Pie XII, la science médicale réussisse à donner une base suffisamment sûre à une régulation des naissances fondée sur S29 l'observation des rythmes naturels. Ainsi les hommes de science et, en particulier les chercheurs catholiques, contribueront à démontrer par les faits que, comme l'Église l'enseigne, " il ne peut y avoir de véritable contradiction entre les lois divines qui règlent la transmission de la vie et celles qui favorisent un authentique amour conjugal (30) ".

 

Aux époux chrétiens

25. Et maintenant Notre parole s'adresse plus directement à Nos fils, particulièrement à ceux que Dieu appelle à le servir dans le mariage. L'Église, en même temps qu'elle enseigne les exigences imprescriptibles de la loi divine, annonce le salut, et ouvre par les sacrements les voies de la grâce, laquelle fait de l'homme une nouvelle créature, capable de répondre dans l'amour et dans la vraie liberté au dessein de son Créateur et Sauveur, et de trouver doux le joug du Christ (31).

Que les époux chrétiens, dociles à sa voix, se souviennent donc que leur vocation chrétienne, commencée au baptême, s'est ensuite spécifiée et confirmée par le sacrement du mariage. Par lui, les époux sont affermis et comme consacrés pour accomplir fidèlement leurs devoirs, pour réaliser leur vocation jusqu'à la perfection et pour rendre chrétiennement le témoignage qui leur est propre en face du monde (32). C'est à eux que le Seigneur confie la tâche de rendre visibles aux hommes la sainteté et la douceur de la loi qui unit l'amour mutuel des époux à leur coopération à J'amour de Dieu auteur de la vie humaine.

Nous n'entendons aucunement dissimuler les difficultés, parfois graves, qui sont inhérentes à la vie des époux chrétiens : pour eux, comme pour chacun, " étroite est la porte et resserrée est la voie qui conduit à la vie (33) ". Mais l'espérance de cette vie doit illuminer leur chemin, tandis qu'ils s'efforcent courageusement de vivre avec sagesse, justice et piété dans le temps présent (34), sachant que la figure de ce monde passe (35).

Que les époux affrontent donc les efforts nécessaires, soutenus par la foi et par l'espérance qui " ne trompe pas, car l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné (36) " ; qu'ils implorent par une persévérante prière l'aide divine; qu'ils puisent surtout dans l'Eucharistie à la source de la grâce et de la charité. Et si le péché avait encore prise sur eux, qu'ils ne se découragent pas, mais qu'ils recourent avec une humble persévérance à la miséricorde de Dieu, qui est accordée dans le sacrement de pénitence. Ils pourront de cette façon réaliser la plénitude de la vie conjugale décrite par l'Apôtre : " Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Église f... 1. Les maris doivent aimer leurs femmes comme leur propre corps. Aimer sa femme, n'est-ce pas s'aimer soi-même ? Or, personne n'a jamais haï sa propre chair ; il la nourrit, au contraire, et l'entretient, comme le Christ le fait pour son Église [... ]. Grand est ce mystère, je veux dire par rapport au Christ et à l'Église. Mais en ce qui vous concerne, que chacun aime son épouse comme lui-même et que l'épouse respecte son mari (37) ".

 

Apostolat entre foyers

26. Parmi les fruits qui proviennent d'un généreux effort de fidélité à la loi divine, l'un des plus précieux est que les conjoints eux-mêmes éprouvent souvent le désir de communiquer à d'autres leur expérience. Ainsi vient s'insérer dans le vaste cadre de la vocation des laïcs une nouvelle et très remarquable forme de l'apostolat du semblable par le semblable : ce sont les foyers eux-mêmes qui se font apôtres et guides d'autres foyers. C'est là sans conteste, parmi tant de formes d'apostolat, une de celles qui apparaissent aujourd'hui les plus opportune (38).

 

Aux médecins et au personnel sanitaire

27. Nous avons en très haute estime les médecins et les membres du personnel sanitaire, qui, dans l'exercice de leur profession, ont à cœur, plus que tout intérêt humain, les exigences supérieures de leur vocation chrétienne.

Qu'ils continuent à promouvoir en toute occasion les solutions inspirées par la foi et par la droite raison, et qu'ils s'efforcent d'en susciter la conviction et le respect dans leur milieu. Qu'ils considèrent aussi comme un devoir professionnel l'acquisition de toute la science nécessaire dans ce domaine délicat, afin de pouvoir donner aux époux qui les consultent les sages conseils et les saines directives que ceux-ci attendent d'eux à bon droit.

 

Aux prêtres

28. Chers fils prêtres, qui êtes par vocation les conseillers et les guides spirituels des personnes et des foyers, Nous Nous tournons maintenant vers vous avec confiance. Votre première tâche, spécialement pour ceux qui enseignent la théologie morale,, est d'exposer sans ambiguïté l'enseignement de l'Église sur le mariage.

Soyez les premiers à donner, dans l'exercice de votre ministère, l'exemple d'un assentiment loyal, interne et externe, au Magistère de l'Église. Cet assentiment est dû, vous le savez, non pas tant à cause des motifs allégués que plutôt en raison de la lumière de ]'Esprit Saint, dont les pasteurs de l'Église bénéficient à un titre particulier pour exposer la vérité (39). Vous savez aussi qu'il est de souveraine importance, pour la paix des consciences et pour l'unité du peuple chrétien, que dans le domaine de la morale comme dans celui du dogme, tous s'en tiennent au Magistère de l'Église et parlent un même langage. Aussi est-ce de toute Notre âme que Nous vous renouvelons l'appel angoissé du grand Apôtre Paul : " Je vous en conjure, frères, par le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ayez tous un même sentiment ; qu'il n'y ait point parmi vous de divisions, mais soyez tous unis dans le même esprit et dans la même pensée (40) ".

29. Ne diminuer en rien la salutaire doctrine du Christ est une forme éminente de charité envers les âmes. Mais cela doit toujours être accompagné de la patience et de la bonté dont le Seigneur lui-même a donné l'exemple en traitant avec les hommes. Venu non pour juger, mais pour sauver (41) il fut certes intransigeant avec le mal, mais miséricordieux envers les personnes. Au milieu de leurs difficultés, que les époux retrouvent toujours, dans la parole et dans le cœur du prêtre, l'écho de la voix et de l'amour du Rédempteur.

Parlez avec confiance, chers fils, bien convaincus que l'esprit de Dieu, en même temps qu'il assiste le Magistère dans l'exposition de la doctrine, éclaire intérieurement les cœurs des fidèles en les invitant à donner leur assentiment. Enseignez aux époux la voie nécessaire de la prière, préparez - les à recourir souvent et avec foi aux sacrements de l'eucharistie et de la pénitence, sans jamais se laisser décourager par leur faiblesse.

 

Aux évêques

30. Chers et vénérables frères dans l'épiscopat, avec qui Nous partageons de plus près le souci du bien spirituel du peuple de Dieu, c'est à vous que va Notre pensée respectueuse et affectueuse au terme de cette encyclique. A tous Nous adressons une pressante invitation. A la tête des prêtres, vos coopérateurs, et de vos fidèles, travaillez avec ardeur et sans relâche à la sauvegarde et à la sainte- té du mariage, pour qu'il soit toujours davantage vécu dans toute sa plénitude humaine et chrétienne. Considérez cette mission comme l'une de vos plus urgentes responsabilités dans le temps présent. Elle comporte, comme vous le savez, une action pastorale concertée dans tous les domaines de 1'activité humaine, économique, culturelle et sociale : seule, en effet, l'amélioration simultanée dans ces différents secteurs permettra de rendre non seulement tolérable, mais plus facile et plus joyeuse la vie des parents et des enfants au sein des familles, plus fraternelle et plus pacifique la vie en commun dans la société humaine, dans la fidélité au dessein de Dieu sur le monde.

 

 

Appel final

31. Vénérables frères, chers fils, et vous tous, hommes de bonne volonté, grande est l'œuvre d'éducation, de progrès et d'amour à laquelle Nous vous appelons, sur le fondement de l'enseignement de l'Église, dont le successeur de Pierre est, avec ses frères dans l'épiscopat, le dépositaire et l'interprète. Grande œuvre, en vérité, Nous en avons l'intime conviction, pour le monde comme pour l'Église, puisque l'homme ne peut trouver le vrai bonheur, auquel il aspire de tout son être, que dans le respect des lois inscrites par Dieu dans sa nature et qu'il doit observer avec intelligence et amour. Sur cette œuvre Nous invoquons, comme sur vous tous, et de façon spéciale sur les époux, l'abondance des grâces du Dieu de sainteté et de miséricorde, en gage desquelles Nous vous donnons Notre Bénédiction apostolique.

 

Donné à Rome, près Saint-Pierre, en la fête de l'apôtre saint Jacques, le 25 juillet de l'année 1968, de Notre pontificat la sixième.

 

Paulus PP. VI


Annexe 2 : Extrait de Gaudium et Spes

Fécondité du mariage 

50. 1. Le mariage et l'amour conjugal sont d'eux-mêmes ordonnés à la procréation et à l'éducation. D'ailleurs, les enfants sont le don le plus excellent du mariage et ils contribuent grandement au bien des parents eux-mêmes. Dieu Lui-même qui a dit: " Il n'est pas bon que l'homme soit seul " (Gen. 2, 18) et " qui dès l'origine a fait l'être humain homme et femme " (Mt. 19, 4), a voulu lui donner une participation spéciale dans son oeuvre créatrice; aussi a-t-il béni l'homme et la femme, disant: " Soyez féconds et multipliez-vous " (Gen. I, 28). Dès lors, un amour conjugal vrai et bien compris, comme toute la structure de la vie familiale qui en découle, tendent, sans sous-estimer (pour autant les autres fins du mariage, à rendre les époux disponibles pour coopérer courageusement à l'amour du Créateur et du Sauveur qui, par eux, veut sans cesse agrandir et enrichir sa propre famille. 

2. Dans le devoir qui leur incombe de transmettre la vie et d'être des éducateurs (ce qu'il faut considérer comme leur mission propre), les époux savent qu'ils sont les coopérateurs de l'amour du Dieu Créateur et comme ses interprètes. Ils s'acquitteront donc de leur charge en toute responsabilité humaine et chrétienne, et, dans un respect plein de docilité à l'égard de Dieu, d'un commun accord et d'un commun effort, ils se formeront un jugement droit: ils prendront en considération à la fois et leur bien et celui des enfants déjà nés ou à naître; ils discerneront les conditions aussi bien matérielles que spirituelles de leur époque et de leur situation; ils tiendront compte enfin du bien de la communauté familiale, des besoins de la société temporelle et de l'Eglise elle-même. 

Ce jugement, ce sont en dernier ressort les époux eux-mêmes qui doivent l'arrêter devant Dieu. Dans leur manière d'agir, que les époux chrétiens sachent bien qu'ils ne peuvent pas se conduire à leur guise, mais qu'ils ont l'obligation de toujours suivre leur conscience, une conscience qui doit se conformer à la loi divine; et qu'ils demeurent dociles au magistère de l'Eglise, interprète autorisée de cette loi à la lumière de l'Evangile. Cette loi divine manifeste la pleine signification de l'amour conjugal, elle le protège et le conduit à son achèvement vraiment humain. Ainsi, lorsque les époux chrétiens, se fiant à la Providence de Dieu et nourrissant en eux l'esprit de sacrifice (12), assument leur rôle procréateur et prennent généreusement leurs responsabilités humaines et chrétiennes, ils rendent gloire au Créateur et ils tendent, dans le Christ, à la perfection. Parmi ceux qui remplissent ainsi la tâche que Dieu leur a confiée, il faut accorder une mention spéciale à ceux qui, d'un commun accord et d'une manière réfléchie, acceptent de grand coeur d'élever dignement même un plus grand nombre d'enfants(13). 

3. Le mariage cependant n'est pas institué en vue de la seule procréation. Mais c'est le caractère même de l'alliance indissoluble qu'il établit entre les personnes, comme le bien des enfants, qui requiert que l'amour. mutuel des époux s'exprime lui aussi dans sa rectitude, progresse et s'épanouisse. C'est pourquoi, même si, contrairement au voeu souvent très vif des époux, il n'y a pas d'enfant, le mariage, comme communauté et communion de toute la vie, demeure, et il garde sa valeur et son indissolubilité. 


 


Annexe 3 : Rapport de la majorité

 

PATERNITÉ RESPONSABLE
Rapport de la majorité de la Commission pontificale pour l'étude de la
population de la famille et des naissances

Introduction

La constitution pastorale Gaudium et Spes n'a pas explicité la question de la paternité responsable sous tous ses aspects. Aux problèmes non encore résolus, une réponse doit être donnée dans ce qui va suivre. Mais cette réponse ne peut être comprise que si elle est reçue et intégrée dans une conception générale de l'histoire du salut

Dieu créa le monde, donnant à l'homme faculté et mandat de donner forme à ce monde même, dans l'esprit et la liberté ; d'en réaliser toutes les possibilités, grâce au zèle actif qui fait le fond de sa personnalité. En la personne de son Verbe, Dieu lui-même, comme la cause première efficiente de toute l'évolution du monde et de l'homme, est présent et efficace dans l'histoire ; l'histoire doit donc être considérée comme oeuvre commune de Dieu et de l'homme. Et même les immenses progrès dans la domination de la matière par les techniques et dans l'universelle et totale t intercommunication » correspondent en tous points comme tels aux décrets divins (cf. Gaudium et Spes, I, c. 3).

Lorsque le temps fut accompli, le Verbe du Père éternel entra dans l'histoire et l'assuma afin de rendre l'humanité et le monde participants du salut Après son Ascension auprès du Père, le Seigneur parachève son oeuvre par l'Église. De même que Dieu fait homme, de même son Église est réellement incarnée dans le monde. Mais comme le monde, à qui l'Église doit témoigner le mystère du Christ, subit toujours des changements, l'Église elle-même est nécessairement et continuellement en route. Bien que son essence et ses structures fondamentales demeurent pour toujours immuablement, cependant personne ne peut dire de l'Église qu'elle ait été à aucun moment suffisamment manifeste et fixée une fois pour toutes (cf. Paul VI dans Ecclesiam suam et dans l'allocution d'ouverture de la deuxième session de Vatican II).

Établie par le Christ dans le déroulement du temps, l'Église a pour principe le Verbe créateur et sauveur. C'est pourquoi, elle ne peut tirer seulement de son passé l'intelligence de son mystère ; mais elle doit, debout dans le présent et regardant l'avenir, assumer en elle-même tout le progrès du genre humain. De cela, l'Église devient de plus en plus certaine. Ce que Jean XXIII voulait signifier sous le mot d'. aggiornamento ., Paul VI l'a repris à son compte au moyen de la formule • dialogue avec le monde - et dans l'encyclique Ecclesiam suam il tient les propos suivants : • On ne sauve pas le monde du dehors ; il faut, comme le Verbe de Dieu qui s'est fait homme, assimiler, en une certaine mesure, les formes de vie de ceux à qui on veut porter le message du Christ; sans revendiquer de privilèges qui éloignent, sans maintenir la barrière d'un langage incompréhen­sible, il faut partager les usages communs, pourvu qu'ils soient humains et honnêtes, spécialement ceux des plus petits, si on veut être écoutés et compris • (Ecclesiam suam, c. 3, n° 49).

En ce qui concerne de nombreux problèmes qui se manifestent par les transformations actuelles dans presque tous les domaines, l'Église au Concile de Vatican II a ouvert la voie du dialogue.. L'Église, gardienne du dépôt de la parole divine où elle puise les principes de l'ordre religieux et moral, n'a pas toujours, pour autant, une réponse immédiate à chacune de ces questions ; elle désire, toutefois, joindre la lumière de la Révélation à l'expérience de tous pour éclairer le chemin où l'humanité vient de s'engager. (Gaudium et Spes, I, c. 3, n° 33.)

C'est la mission de l'Église, de tirer du dépôt de la foi, pour les annoncer dans le dialogue ouvert avec le monde, les normes obligatoires de la vie humaine et chrétienne. Comme cependant à aucun moment les obligations morales ne peuvent être précisées dans toutes leurs applications particulières, on doit toujours faire appel à la responsabilité personnelle de chacun. C'est ce qui apparaît aujourd'hui plus clairement encore à cause de la complexité de la vie moderne. Les normes morales ne peuvent pas être poussées jusqu'à l'extrême, dans leurs définitions concrètes.

À la solution de la présente question engageant les problèmes de la paternité responsable, le Saint-Père, mû par une volonté disposée au dialogue, a attaché une importance telle que jamais auparavant dans l'histoire. Pendant des années d'études, une commission d'experts, réunie par lui et composée, pour la plus grande partie, de laïcs spécialistes de disciplines variées, a préparé pour lui la matière révisée finalement par le soin des évêques.

 


Première partie : Principes fondamentaux

 

Valeurs fondamentales du mariage

La santé de la personne et de la société, tant humaine que chrétienne est étroitement liée à la prospérité de la communauté conjugale et familiale. Aussi les chrétiens, en union avec tous ceux qui font grand cas de cette communauté, se réjouissent-ils sincèrement des soutiens divers qui font grandir aujourd'hui parmi les hommes, l'estime de cette communauté d'amour et le respect de la vie, et qui aident les époux et les parents dans leur éminente mission. lis en attendent en outre, de meilleurs résultats et s'appliquent à les étendre. (Gaudium et Spes, Il, c. 1, n° 47.)

C'est pourquoi, forte de son autorité, reçue du Christ lui-même, l'Église a constamment, au cours des siècles, pris sous sa garde la dignité et les valeurs essentielles de cette institution dont le fondateur est Dieu lui-même qui a créé l'homme à son image et l'a élevé à la participation de son amour ; c'est pourquoi aussi, elle les a toujours enseignées à ses fidèles et à tous les hommes, et c'est pourquoi enfin, de nos jours où tant de familles lui demandent son chemin, elle entend leur proposer une façon de vivre dans laquelle elles puissent, eu égard aux conditions de vie de notre époque, vivre et épanouir les dons éminents de cette communauté du mariage.

L'union des époux doit avant tout être considérée comme une communauté de personnes portant en elle le germe d'une vie humaine nouvelle. C'est pourquoi on ne doit jamais séparer en elle les éléments d'affirmation et d'approfondissement de l'union des personnes à l'intérieur de la communauté, de la finalité de procréation qui spécifie la communauté conjugale. Déjà l'encyclique de Pie XI, Casti Connubii, en se référant à la tradition exprimée dans le Catéchisme romain, exprime cette doctrine dans les termes suivants :. Dans cette mutuelle formation intérieure des époux et dans cette application assidue à travailler à leur perfection réciproque, on peut voir aussi, en toute vérité comme l'enseigne le Catéchisme romain, la cause et la raison première du mariage si l'on ne considère pas strictement dans le mariage l'institution destinée à la procréation et à l'éducation des enfants, mais, dans un sens plus large, une mise en commun de toute la vie, une intimité habituelle, une société.. (AAS, 22, 1930, p. 547.)

Cependant l'amour conjugal, sans lequel le mariage ne serait pas véritablement union de personnes, ne peut être exprimé dans le seul don mutuel dans lequel chacun rechercherait uniquement l'autre ; les époux savent bien qu'ils ne peuvent se perfectionner l'un l'autre et former une vraie communauté que si leur amour ne s'achève pas en une union purement égoïste, mais, compte tenu de la situation de chacun, est rendu vraiment fécond par la création d'une nouvelle vie ; et parallèlement, la procréation et l'éducation ne peuvent être considérées comme fécondité vraiment humaine que si elles sont le fruit d'un amour prenant source dans la communauté familiale. L'amour conjugal et la fécondité ne doivent d'aucune manière s'opposer l'un à l'autre, puisqu'ils se complètent l'un l'autre pour former une unité quasi indissoluble.

L'Église, enseignant la loi naturelle et divine, exhorte tous les hommes à agir en vrais dispensateurs des dons divins, conformément à leur propre nature personnelle, et à conformer leur vie conjugale aux impératifs de la loi naturelle et de la loi divine. Dieu créa l'homme mâle et femelle afin qu'attachés par le lien de l'amour dans le don mutuel charnel et spirituel, ils s'entraînent l'un l'autre à la perfection et préparent avec grand soin le fruit de leur amour, c'est-à-dire leurs enfants, à une vie vraiment humaine. Qu'ils se considèrent eux-mêmes toujours comme des personnes et non comme un simple objet C'est pourquoi on doit tout accomplir dans le mariage en sorte d'atteindre au plus près les biens tenant à cette institution, et de sauvegarder la fidélité et la droiture morale.

Paternité responsable et régulation des naissances

Pour cultiver et mener à leur terme toutes les valeurs essentielles du mariage, les époux doivent devenir toujours plus conscients de la profondeur de leur vocation dans son ensemble, et de l'étendue de leurs responsabilités. Que dans un tel esprit et avec une telle prise de conscience, les époux fassent en sorte d'être, du mieux qu'ils peuvent dans la charge de la procréation et de l'éducation, comme les • coopérateurs - de l'amour de Dieu créateur et en quelque sorte ses interprètes. (Gaudium et Spes, 11, c. I, n° 50.)

I.                     La paternité responsable, c'est-à-dire généreuse et prudente, est l'exigence fondamentale de la mission particulière des époux. Éclairés par la foi, les époux comprennent toute l'ampleur de cette tâche et, la grâce divine aidant, s'efforcent de l'accomplir comme un vrai ministère au nom de Dieu et du Christ, pour le bien temporel et éternel de l'humanité. Pour sauver, protéger, promouvoir le bien des enfants et par là de la communauté familiale et de la société humaine, les époux doivent avoir soin de prendre en considération tous les ordres de valeurs, de chercher à les vivre harmonieusement, de la meilleure façon possible, dans le respect du aux personnes et en tenant compte des situations concrètes. En conscience devant Dieu, qu'ils jugent du nombre d'enfants à appeler à la vie et à élever selon les critères objectifs indiqués      par le Concile de Vatican Il (Gaudium et Seps,11, c. 1, n° 50 etc. 5, n° 87).

Cette paternité responsable, généreuse et prudente, comporte toujours de grandes exigences. Dans la conjoncture actuelle, tant à cause des difficultés que des possibilités nouvelles rencontrées pour l'éducation des enfants, les époux ne peuvent satisfaire à de telles exigences sans générosité et sans réflexion honnête.      

Que les époux, en considérant le bien des enfants, établissent toujours davantage la communauté de parents toute la vie dans un amour vrai et magnanime sous la mouvance de l'Esprit du Christ (I Cor. 12, 31; 13, 13).Car cette communauté stable de l'homme et de la femme, animée par l'amour conjugal, est la base d'une fécondité vraiment humaine. Cette communauté entre époux par laquelle chacun se trouve soi-même en s'ouvrant à l'autre, constitue le meilleur berceau dans lequel les enfants puissent être élevés de manière harmonieuse. Par le progrès de la communion et de l'intimité sous tous ses aspects, les époux peuvent conserver ce cercle d'amour, de compréhension mutuelle et d'humble acceptation qui est la condition nécessaire d'une éducation et d'une croissance authentique.

La paternité responsable enfin, au moyen de laquelle les époux visent à conserver et à cultiver les valeurs essentielles du mariage en fonction du bien des personnes (tant celui de l'éducation des enfants que celui des époux eux-mêmes et que surtout celui de la société humaine dans son ensemble) est une des conditions et des expressions de la véritable chasteté conjugale. Un amour authentique en effet, enraciné dans la foi, l'espérance et la charité, doit informer la vie entière des époux et tous leurs rapports conjugaux. Par la vertu de la chasteté, les époux visent à la réalisation actuelle de ce véritable amour en tant précisément que conjugal et fécond ; ils en acceptent, dans la prudence et la générosité, la charge dans toutes ses valeurs à concerter au mieux entre elles dans les conjonctures particulières et en dépit des difficultés. Les époux savent bien qu'ils sont fréquemment invités à garder une continence parfois longue, en raison de leurs conditions de vie habituelle telles que, par exemple, le bien physique ou psychique de l'autre conjoint, ou certaines contraintes professionnelles. Cette continence, les époux chastes l'accueillent et l'interprètent comme une condition de progrès dans l'approfondissement de l'amour mutuel, en toute conscience du soutien et de la solidité que leur apporte en cela la grâce du Christ. Méditant et assumant leur vocation dans la totalité de sa profondeur et de son étendue, les époux suivent le Christ et s'efforcent de l'imiter dans un véritable esprit évangélique (Mt 5, 1-12). Affermis par l'Esprit du Christ, enracinés dans la foi et la charité, en conformité avec l'homme intérieur (Éph 3, 16-17) ils s'efforcent de construire la communauté de leur vie tout entière • en toute humilité et douceur, se supportant avec une patience réciproque, dans l'amour (Éph 4, 2.3, cf. Col 3, 12-17). Dans leur coeur, ils posséderont la paix du Christ en rendant grâces à Dieu le Père comme ses enfants saints et choisis. Les époux, enfin, peuvent demander et attendre d'être aidés de tous afin de pouvoir arriver progressi­vement à une paternité de plus en plus responsable, ils ont besoin de la coopération de tous pour pouvoir assumer, en pleine liberté, leurs responsabilités, et dans les conditions matérielles et psychologiques, culturelles et spirituelles, les plus favorables. Par la promotion de la famille, en effet, la société tout entière s'édifiera elle-même en fonction du bien de tous les hommes dans l'univers entier.

2. La régulation des naissances apparaît nécessaire pour la plupart des époux qui veulent exercer une paternité responsable, ouverte et raisonnable dans la conjoncture actuelle. Pour qu'ils puissent respecter et cultiver toutes les valeurs essentielles du mariage, ils ont besoin de moyens de régulation conceptionnelle humains et conformes à la morale. Les époux sont en droit d'attendre la collaboration de tous et spécialement des hommes de science afin de pouvoir disposer de moyens adaptés et vraiment dignes de l'homme pour assurer une paternité responsable. C'est le propre de l'homme, créé à l'image de Dieu, d'employer les données de la nature physique pour rit devenir les conduire à leur pleine signification en vue du bien de toute la personne. Telle est la mission de civilisation e de leurs que le Créateur a confiée aux hommes dont il a fait ses coopérateurs. Conformément aux exigences de la )rte d'être, nature humaine, les hommes, utilisant les progrès des sciences, doivent découvrir des moyens de plus en plus aptes et adéquats pour que « le ministère d'une vie vraiment digne de l'homme . (Gaudium et Seps, 11, c. 1,n° 51) puisse être accompli par les époux.

Cette intervention de l'homme sur les processus physiologiques, ordonnée aux valeurs essentielles du mariage, doit d'abord être décidée en vue du bien des enfants, en respectant les principes de la morale fondamentale et les critères objectifs (dont on parlera plus loin au chapitre IV). Le mariage et l'amour conjugal sont ordonnés de par leur caractère propre, à la procréation et à l'éducation des enfants • (Gaudium et Seps, II, c. 1, n° 50). Dans la communauté conjugale et familiale, la façon juste d'ordonner les choses au bien des enfants concerne l'essence de la sexualité humaine. C'est pourquoi la moralité des rapports sexuels dans le mariage prend la signification première et spécifique du fait de leur ordonnance dans une vie conjugale féconde, c'est-à-dire pratiquée dans l'esprit d'une paternité responsable, généreuse et prudente, et elle ne dépend par conséquent pas de la fécondité directe de chaque rapport en particulier. De plus, la moralité de chaque acte conjugal dépend des exigences de l'amour mutuel en tous ses aspects. en un mot, la moralité des rapports sexuels est ainsi jugée par les vraies exigences d'une sexualité humaine dont la signification est à la fois protégée et promue surtout par la chasteté conjugale, comme nous l'avons dit plus haut

Il est plus que certain, pour une conscience bien formée, que la volonté de fonder une famille dans la pleine acceptation des différentes responsabilités et chrétiennes et humaines se distingue radicalement d'un mode de vie conjugale égoïste dans sa totalité et déraisonnablement opposée à la fécondité. Cette mentalité et ce mode de vie vraiment « contraceptifs - ont toujours été condamnés tout au long de la doctrine traditionnelle de l'Église et seront toujours condamnés comme gravement entachés de péché.

 

Continuité et approfondissement de la doctrine

La tradition ecclésiale qui concerne la moralité des relations conjugales remonte à l'Église primitive. On doit remarquer cependant que cette tradition mûrit au milieu des discussions et des luttes avec les hérétiques qui, tous, Gnostiques, Manichéens, puis Cathares, condamnaient la procréation, ou si l'on veut, la transmission de la vie, tandis qu'ils étaient indulgents aux moeurs vicieuses. C'est pourquoi, cette tradition a toujours tendu à protéger, quoique en termes différents, deux valeurs fondamentales : la procréation est chose bonne et l'intervention conjugale est justifiée. De plus, il y a une autre vérité également fondamentale, bien que cachée sous le mystère, que l'Église a toujours enseignée, c'est le péché originel qui a blessé l'homme dans ses diverses facultés, et donc, dans sa sexualité. Il n'y a de remède pour cette blessure que par la grâce du Sauveur. C'est une des raisons pour laquelle le Christ, assumant le mariage, l'a élevé à la dignité de Sacrement de la loi nouvelle.

Il n'y a rien d'étonnant qu'au cours des siècles cette tradition ait toujours été interprétée dans des expressions et des formules adaptées à leur époque et que les mots qui l'exprimaient tout autant que les raisons sur lesquelles elle se fondait aient été empruntés à des connaissances aujourd'hui bien dépassées. On n'a pas non plus toujours respecté un bon équilibre entre les divers éléments ; et même certains auteurs se sont servis de formules dépréciatives pour l'état du mariage ; mais ce qui importe le plus, c'est que toujours les mêmes valeurs étaient encore et encore réaffirmées. En conséquence de quoi, un comportement égoïste, jouisseur et contraceptif, privant arbitrairement la vie du mariage de son ordonnance à la fécondité humaine généreuse et prudente est toujours contraire à la nature de l'homme et ne peut jamais être justifiée.

La foule des connaissances et des faits qui éclaire le monde d'aujourd'hui nous fait penser que nous ne trahissons pas le sens général de la Tradition et le but réel des condamnations doctrinales passées, si nous parlons d'une régulation des naissances utilisant des moyens humains et conformes à la morale, ordonnés à la promotion de la fécondité dans la totalité de la vie de mariage et à la réalisation des valeurs authentiques d'une communauté conjugale féconde.

Les raisons invoquées en faveur de cette affirmation sont de genre divers: la mutation sociale du mariage, de la famille et surtout de la situation de la femme ; la diminution de la mortalité infantile ; les nouvelles connaissances biologiques, psychologiques, sexologiques (démographiques), changement aussi dans l'appré­ciation de la valeur et de la signification de la sexualité humaine et des relations conjugales ; mais par-dessus tout, plus vive perception de l'obligation qu'a l'homme de s'humaniser et de pousser les dons de la nature à une plus grande perfection au bénéfice de la vie humaine. De plus, on doit prendre en considération le sentiment des fidèles selon lequel la condamnation des conjoints à une continence longue et souvent héroïque comme moyen de régulariser la conception ne peut être fondée en vérité.

Ainsi donc, ce pas en avant dans la doctrine en évolution, pas qu'il faut maintenant, semble-t-il, franchir, est assuré moins sur les faits eux-mêmes que, à l'occasion des mutations indiquées ci-dessus, sur une vue meilleure, plus profonde et plus droite du motif de la vie et de l'acte conjugal. La doctrine du mariage et de ses valeurs essentielles reste identique et entière, grâce à une compréhension plus complète, mais elle est appliquée maintenant de façon différente.

Cette maturation a été préparée et est déjà commencée. Le Magistère lui-même est en évolution. Léon XIII dans son encyclique Arcanum avait parlé moins explicitement qu'en 1930 Pie XI dans son admirable synthèse doctrinale Cash Connubii qui a donné le coup d'envoi à tant d'initiatives de spiritualité vivante du mariage. Lui-même, se servant des mots mêmes du catéchisme romain, proclame l'importance première, au vrai sens du mot, de l'amour conjugal vrai pour la communauté du mariage. La notion de paternité responsable (implicitement contenue dans la notion de prudent et généreux contrôle de la conception) avancée dans le concile de Vatican II avait déjà été amorcée par Pie XII. Enfin, le fait même d'accepter l'usage licite du calcul des périodes agénésiques de la femme (usage qui pour être légitime suppose des motivations droites) implique déjà la séparation entre le rapport sexuel qui est explicitement recherché et son effet de reproduction qui est volontairement écarté.

La Tradition a toujours rejeté et ne peut jamais admettre que cette séparation soit recherchée avec une intention anticonceptionnelle pour des motifs viciés par l'égoïsme jouisseur. L'opposition véritable n'a pas à être recherchée entre une conformité matérielle aux processus physiologiques de la nature et une intervention artificielle ; en effet, il est de la nature de l'homme de se servir de la technique pour soumettre les données de la nature physique à l'empire de l'homme. On doit, au contraire, chercher l'opposition vraie entre un mode d'action contraceptif opposé à une fécondité prudente et généreuse etun mode d'action régulateur dans l'ordre de la fécondité responsable qui tient compte de l'éducation et de toutes les valeurs essentielles humaines et chrétiennes.

Dans une telle conception, la substance de la tradition demeure sans rupture et sans atteinte. Les nouveaux éléments qui actuellement, sous la poussée des connaissances et des faits nouveaux, sont découverts dans la tradition, s'y trouvaient auparavant, plutôt impliqués que niés, en ce sens que notre problème, tout nouveau par les termes mêmes dans lequel nous le posons aujourd'hui, ne pouvait auparavant se poser de la même façon. En présence de données nouvelles, ces éléments se précisent et s'explicitent L'obligation morale de suivre les normes fondamentales et de promouvoir toutes les valeurs essentielles à harmoniser entre elles, loin d'être relâchée, se trouve affermie. La vertu de chasteté au moyen de laquelle les époux règlent, dans un sens positif, la pratique de leurs rapports sexuels, est plus que jamais requise. Les critères de moralité, donc, qui sont humains et chrétiens, exigent et en même temps stimulent une spiritualité plus profonde dans la vie conjugale informée par la foi, l'espérance et la charité selon l'esprit de l'Évangile.

 

Critères objectifs de moralité

Mais une question se pose que bon nombre d'hommes pensent, à juste titre, d'importance capitale, au moins au plan pratique : Quels sont les critères objectifs selon lesquels doit être orienté le choix de la méthode propre à harmoniser les nécessités de la vie conjugale avec la droite disposition de cette vie dans le sens d'une fécondité réalisée dans la procréation et l'éducation des enfants ?

Il est trop évident, en effet, qu'un tel moyen ne peut être laissé au pur arbitraire.

1. Dans une question semblable (à savoir, la solution du problème de la paternité responsable, et donc, la fixation raisonnable du nombre des enfants), le Concile de Vatican Il a montré le chemin. Les critères objectifs sont maintenus et ce sont les diverses valeurs et obligations que l'on doit apprécier selon ce qui leur est dû et en fonction de leurs rapports mutuels ; ces critères objectifs, les époux eux-mêmes dans la lumière d'une conscience bien informée doivent les appliquer, compte tenu de leur situation concrète. Voici les paroles du Concile Ils s'acquitteront donc de leurs charges en toute responsabilité humaine et chrétienne et, dans un respect plein de docilité à l'égard de Dieu, d'un commun accord et d'un commun effort, ils se formeront un jugement droit ; ils prendront en considération à la fois, et leur bien, et celui des enfants nés ou à naître ; ils discerneront les conditions aussi bien matérielles que spirituelles de leur époque et de leur situation ; ils tiendront compte enfin du bien de la communauté familiale, des besoins de la société temporelle et de l'Église elle-même. Ce jugement, ce sont en dernier ressort, les époux eux-mêmes qui doivent l'arrêter devant Dieu. Dans leur manière d'agir, que les époux sachent bien qu'ils ne peuvent pas se conduire à leur guise, mais qu'ils doivent se conformer à la loi divine ; et qu'ils demeurent dociles au Magistère de l'Église, interprète autorisée de cette loi à la lumière de l'Évangile . (Gaudium et Spes, II, c. 1, n° 50, cf. c. 5, n° 87).

Mais, même dans les autres problèmes de la vie conjugale, on procède toujours de cette façon. Il y a divers critères objectifs qui sont appliqués concrètement par les époux eux-mêmes selon les normes d'une conscience sainement formée. En fait, tout le monde sait par exemple, que des critères objectifs interdisent que la vie conjugale intime, même pratiquée d'une manière, comme on dit, parfaitement « naturelle ., s'exerce au détriment de la santé corporelle ou psychique ou sans tenir compte de la dignité du conjoint, ou au service de l'égoïsme jouisseur. Il appartient aux conjoints eux-mêmes d'appliquer des critères objectifs eu égard à leur situation concrète, en évitant le pur arbitraire dans la formation de leur jugement Car il est impossible de définir par un jugement général et a priori pour l'ensemble des cas singuliers ce que les critères objectifs requièrent dans la condition concrète des époux.

2. Pareillement, en ce qui touche aux moyens à choisir pour fixer la dimension de la famille, il y a des critères objectifs permettant aux époux, par leur application correcte, de trouver et de fixer eux-mêmes leur comportement

Des moyens d'éviter, dans une optique responsable, une grossesse, on doit absolument exclure l'avortement comme l'a à nouveau affirmé le Concile de Vatican Il. En fait, l'avortement n'est pas un moyen d'éviter la conception mais d'éliminer un enfant déjà conçu. Ce jugement des actes qui s'attaquent à l'enfant conçu doit être étendu aussi à d'autres interventions que l'on peut sérieusement soupçonner d'être abortives. La stérilisation, en ce qu'elle est une intervention tout à fait grave, irréversible, en matière très importante, doit être généralement exclue des moyens d'éviter la grossesse dans une optique responsable. 

Du reste, la loi naturelle elle-même et la raison illuminée par la foi chrétienne, prescrivent que les époux, dans le choix des moyens, agissent non pas arbitrairement, mais selon des critères objectifs. Et ces critères

objectifs de choix correct des moyens, sont des conditions pour sauvegarder et entretenir les valeurs essentielles du mariage, en tant que communauté d'amour féconde. C'est pourquoi ces critères étant respectés, est respectée                                       

aussi la juste ordonnance de l'acte humain selon son objet, sa fin, ses circonstances.                                             

Parmi ces critères, il en est un qu'on doit placer en premier : c'est que l'action corresponde à la nature de la personne et de ses actes, en sorte que soit gardé le sens intégral du don mutuel et de la procréation humaine dans son contexte d'amour véritable (cf. Gaudium et Spes,11, c. 1, n'51). Deuxièmement, les moyens choisis doivent avoir une efficacité proportionnée au degré du droit que l'on a ou de la nécessité ou l'on se                                                                                                                                                                                                   trouve d'écarter à terme ou définitivement une nouvelle grossesse. Troisièmement, toute méthode de prévention de la grossesse, y compris l'abstinence périodique ou absolue, comporte quelque élément négatif ou un dommage physique que les conjoints ressentent plus ou moins gravement Cet élément négatif ou ce mal physique peut être tel sous divers aspects : biologique, hygiénique, psychologique, ou bien sous l'aspect de la dignité personnelle des conjoints ou de la possibilité d'exprimer suffisamment et justement la relation interpersonnelle de l'amour conjugal. On doit choisir le moyen, s'il s'en présente plusieurs, qui comporte l'élément négatif le moins important eu égard au contexte concret des conjoints. Quatrièmement enfin, le choix concret des méthodes [contraceptives] dépend en grande partie du fait de savoir quels moyens sont utilisables dans un pays déterminé, dans une période déterminée, pour un ménage déterminé, toutes choses qui peuvent dépendre également de la situation économique ; que les époux ne se décident donc pas arbitrairement, mais ayant examiné, à la lumière de la loi naturelle et divine, l'ensemble des critères objectifs, qu'ils se forment un jugement objectivement fondé ; cela ils peuvent le faire, eux, sans difficultés majeures,dans un esprit serein; avec cependant une résolution commune et prudente, devant Dieu. Il est requis toutefois, dans la mesure du possible, qu'ils soient instruits des critères ci-dessus par des personnes compétentes, et formés à l'application correcte desdits critères ; alors, bien instruits, prudemment et chrétiennement formés,c'est eux-mêmes qui, dans la prudence et la sérénité, jugent de ce qui, en cette matière, est vraiment favorable au bien des époux et des enfants ; sans négliger aucunement le point de vue de leur épanouissement individuel et chrétien ; de ce que, par conséquent, le Seigneur, se révélant par la loi naturelle et la révélation chrétienne,leur demande de faire.                                                                                                                                                                                                  

 

Deuxième partie : Impératifs de la Pastorale

 

Rôle et conditions fondamentales d'une éducation rénovée                                                                            

Toutes les fois qu'un nouvel aspect de la vie humaine acquiert une place particulière dans le champ de              

 la responsabilité humaine, l'obligation d'une éducation nouvelle s'impose d'une manière plus rigoureuse. Pour assumer correctement la paternité responsable, les époux devront, plus qu'auparavant, se pénétrer de la signification de la fécondité et en éprouver le désir. Afin de rendre à la vie conjugale sa valeur unitive, et cela dans le service de sa fonction procréatrice, ils doivent toujours purifier l'attention qu'ils portent à leurs besoins mutuels, à leur sens de la communauté et à l'acceptation de leur commune vocation chrétienne. Il n'y aura pas à s'étonner si cette prise de conscience d'une plus grande responsabilité et de ses obligations se présente comme un effet et un couronnement d'une lente maturation de la signification du                                                                                                                      mariage et de la spiritualité conjugale. Déjà, depuis plusieurs générations, beaucoup d'époux, en nombre toujours croissant, s'efforcent de vivre leur propre vocation conjugale d'une façon plus approfondie et plus consciente. La doctrine du Magistère et principalement de l'encyclique Casti Connubii a notablement contribué à fortifier cette formation.                                                                                                             

Plus pressant se fait cet appel à l'amour mutuel, à la charité à observer dans toutes les formes de la vie conjugale, plus grande aussi se fait la nécessité de former les consciences, d'éduquer les conjoints au sens de la responsabilité, d'éveiller une juste perception des valeurs. Ce nouveau pas dans l'évolution de la vie conjugale ne peut porter tous ses fruits sans l'appoint d'une immense action éducative. Personne pourtant ne se plaindra de ce que cette nouvelle exigence suscitée par l'Esprit appelle le genre humain tout entier à une maturité morale d'une telle profondeur.                                                                                                                                                                     

Les époux qui verraient dans la doctrine à présent promulguée une porte ouverte au laxisme ou à des solutions confortables, seraient victimes d'une erreur néfaste dont ils seraient eux-mêmes les premiers à pâtir.

 

La décision que doivent prendre en conscience les époux sur le nombre de leurs enfants n'est pas un problème de petite importance. Bien au contraire, elle impose un accomplissement plus consciencieux de la vocation de la fécondité, considération prise de tout l'ensemble des valeurs qui y sont impliquées. La même chose vaut lorsqu'il s'agit de la responsabilité des époux à l'égard de leur vie conjugale à mener de manière qu'elle soit source de progrès constants et de perfection.

Dieu, qui créa l'homme mâle et femelle, pour être deux dans une seule chair, pour apporter au monde, par l'empire qu'il y prend, son achèvement, pour croître et multiplier (Cent 1, 2), Dieu, qui éleva leur union à la dignité sacramentelle et fit qu'elle soit en ce monde un signe particulier de son amour envers son peuple, Dieu lui-même entoure les époux de sa force, de sa lumière, de son amour, de sa joie, par la vertu de l'Esprit du Christ Qui alors pourrait douter que les époux, que tous les époux, ne puissent correspondre aux exigences de leur vocation ?

Recherche plus poussée et applications de la doctrine du mariage dans les différents pays du monde

1. Il semble absolument nécessaire de fonder, soit un Institut pontifical, soit un Secrétariat pour l'étude des sciences connexes au mariage où la collaboration amorcée dans cette commission entre les experts de diverses disciplines puisse se continuer en un dialogue ouvert L'objet de cet institut (ou secrétariat) serait, entre autres fonctions, de poursuivre plus loin les recherches et la réflexion déjà commencées par la présente commission en rendant même de droit public les études diverses qui ont déjà été effectuées par la commission. Il appartiendrait particulièrement à cet institut d'étudier de quelle façon la doctrine du mariage serait applicable aux diverses régions du monde et de contribuer par des missions d'experts à la formation de prêtres et de foyers spécialisés dans l'apostolat des problèmes familiaux (cf. Caudium et Spes, II, c. 1, n° 52).

2. Les principes universels, les valeurs essentielles du mariage et de la vie conjugale sont réalisés de façon partiellement différentes selon les diverses cultures et les diverses mentalités. C'est pourquoi il incombe particulièrement aux conférences épiscopales de faire naître des organes de recherche et de dialogue entre les familles, les représentants des diverses sciences et les pasteurs d'âmes Il leur incombe aussi de décider quels sont dans la pratique les moyens pastoraux les plus adaptés pour promouvoir dans chaque pays la saine formation des consciences et l'éducation du sens de la responsabilité.

Que les conférences épiscopales veillent avec grand soin à ce que tant les prêtres que les laïcs mariés soient formés convenablement à une meilleure compréhension spirituelle et morale du mariage chrétien. C'est ainsi qu'ils seront préparés à faire rayonner l'action pastorale pour le renouveau de la famille selon l'esprit de l'aggiornamento lancé par la constitution pastorale Gaudium et Spes. Que sous leur impulsion soit menée une action suscitant dans chaque pays une promotion vraie de toutes les familles - promotion pour laquelle la promotion de la femme n'est pas sans une grande importance - dans un contexte d'évolution sociale qui soit vraiment humaine.

Nombreuses sont les réformes et les initiatives nécessaires afin que la porte soit ouverte, pour tous les foyers, à une vie décente et heureuse. Avec tous les hommes de bonne volonté les chrétiens doivent s'attaquer à cette immense tâche du développement humain sans lequel l'éducation des foyers ne pourra jamais prendre corps. Le christianisme n'enseigne pas un idéal pour un petit nombre d'élus mais l'appel de tous aux valeurs essentielles de la vie humaine. Il est impossible que quelqu'un puisse entreprendre l'éducation de sa propre famille sans qu'en même temps il ne se donne la tâche d'ouvrir le chemin d'une éducation semblable dans toutes les parties du monde.

Du fait et de la politique démographiques

On ne peut d'aucune façon dire que l'accroissement de la population soit mauvais ou nuisible pour le
genre humain. De même que les enfants sont « le don le plus excellent du mariage . (Gaudium et Spes, Il, c.
1, n° 50) et l'objet des soins pleins d'amour de leurs parents (soins qui ne vont pas sans de grands sacrifices),
de même le grand nombre des hommes appartenant à une nation et constituant le genre humain répandu sur
toute la terre est la base de toute communauté sociale, et du progrès de la culture ; partant, c'est à cette
multitude que doit être fourni tout ce qui, de par la justice sociale, est dû aux hommes comme aux personnes.
Mais l'Église n'est pas sans savoir ni les immenses difficultés ni les profondes transformations qui se font
jour sur toute la terre du fait des conditions de la vie moderne et particulièrement dans les régions dont la
population s'accroît rapidement C'est pourquoi elle élève la voix encore et encore pour que les différentes
nations et la totalité de la famille humaine, sans aucune arrière-pensée de domination, et unies dans une vraie
solidarité, s'aident mutuellement pour un progrès vraiment humain et évitent, tant dans l'ordre politique que dans l'ordre social, tout ce qui serait restriction à la pleine utilisation des richesses de la terre destinées à tous les hommes, ou gaspillage égoïste.

De plus, l'Église tant par son enseignement que par les secours surnaturels dont elle dispose entend aider toutes les familles à trouver dans leur marche une voie droite dans le sens de la responsabilité généreuse et prudente. Que les gouvernements qui ont la charge des affaires publiques apportent tous leurs soins aux progrès des familles « et se gardent de promouvoir des solutions publiques ou privées, et parfois imposées, qui sont en contradiction avec la loi morale (Gaudium et Spes, Il, c. 5, n° 87) surtout en préconisant l'avortement et la stérilisation.

Une politique démographique ne mérite le nom d'humaine que si les droits des parents concernant la procréation et l'éducation de leurs enfants sont respectés ; que si l'on fait progresser de toutes ses forces les conditions de vie, en sorte que les parents puissent exercer toujours de mieux en mieux leurs responsabilités envers Dieu et envers la société.

 

Mise en place et évolution ultérieure des initiatives et des moyens susceptibles de favoriser l'éducation des époux et des jeunes

1. Accablés par les multiples responsabilités qui accompagnent le cours de leur vie, les époux requièrent lumière et aide. Grâce à Dieu, dans plus d'un pays, se développent, le plus souvent à l'initiative des époux eux-mêmes, des entreprises aidant les foyers à se bâtir et à progresser sans trêve.

Mais le plus grand appui, c'est aux parents dans leur devoir d'éducation qu'il faut le prêter. Ils désirent, en effet, de toutes leurs forces offrir aussi ce qu'il y a de mieux à leurs enfants déjà nés. Plus les parents seront conscients de leur fonction de fécondité (qui se prolonge tout le temps que dure l'éducation des enfants), plus aussi ils rechercheront la méthode de préparation à cette responsabilité. Au demeurant, par l'exercice de leurs fonctions éducatives, les époux se forment plus profondément, resserrent leur union, enrichissent leur amour, tandis que de toutes les forces unies ils s'efforcent à cette charge si élevée : donner la vie et l'éducation.

2. Bâtir la communauté conjugale et familiale ne s'improvise pas. C'est pourquoi il faut partout instaurer et développer au mieux les diverses méthodes de préparation lointaine et prochaine des jeunes au mariage. Là aussi, il s'agit de la collaboration de tous, et des ménages déjà éprouvés doivent jouer un rôle indispensable de la plus grande importance. Pour toutes ces diverses charges d'assistance aux époux et aux jeunes qui se préparent à fonder ou à épanouir leur communauté conjugale et familiale, prêtres et religieuses offriront leur service dans une étroite collaboration avec les familles. Sans cette coopération, dans laquelle chacun a sa part personnelle et indispensable, on n'obtiendra pas les méthodes idoines d'éducation aux responsabilités de la vocation que le sacrement de mariage replace en pleine lumière de telle sorte qu'elle rayonne sa pleine et profonde signification.

L'Église, qui détient le dépôt de l'Évangile, possède ainsi un sublime message qui doit être porté à tous les hommes dans le monde entier. Ce message de l'Évangile, fondé sur l'amour, éclaire tous les aspects de la vie conjugale et familiale. C'est en effet, dans l'amour envers le prochain, riche de valeurs humaines, animé par le divin amour interpersonnel du Père, du Fils et de l'Esprit Saint que tous les aspects, toutes les charges et les responsabilités de la communauté conjugale et familiale brillent dans leur vraie lumière. Puisse l'Esprit du Christ, dans son amour, pénétrer de plus en plus toutes les familles sur toute la terre, afin que, avec Jean le disciple bien-aimé du Christ, époux, parents, et enfants comprennent davantage l'admirable relation entre l'amour de Dieu et l'amour mutuel (1 Jn 4, 7-5, 4).


 

Annexe 4 :  Définitions et tableaux comparatifs

 

La Planification Familiale Naturelle :

Définition de l’OMS :

 

«La régulation naturelle des naissances désigne les méthodes destinées à planifier ou à éviter les grossesses par l'observation des signes et des symptômes naturels qui indiquent les phases de fertilité et d'infertilité du cycle menstruel. Cette définition sous-entend que pour éviter une grossesse, il est nécessaire de s'abstenir de rapports sexuels durant la phase de fertilité du cycle menstruel.»

 

 

Tableau comparatif des indices de Pearls

(Taux de grossesses non planifiées)

 

Pilule

0.45 à 1.5 %

Stérilet

1.45 à 10 %

Préservatif

0.5 à 8%

Spermicides

1 à 5%

Méthodes Naturelles

1.13 à 3%

 

D’après Lansac et Leconte Gynécologie pour le praticien 1999



Annexe 5 : Les Méthodes Naturelles de Régulation des Naissances

Docteur Isabelle Ecochard

 

« Nous avons cru à l’efficacité de l’abstinence périodique, mais ceux qui ont accepté de s’en servir ont vu par surcroît, ce que naïvement nous n’avions pas prévu, leur amour grandir en qualité force et valeur ».Charles et Abeth RENDU, fondateurs du CLER

 

Encore appelées méthodes de connaissance ou méthodes d’auto-observation MAO, les méthodes naturelles reposent sur une approche fondamentalement différente de la Contraception. Il ne s’agit plus de modifier la physiologie, un ordre établi en vue d’une naissance, mais d’adapter son comportement dans le but de respecter le fonctionnement de la reproduction humaine.

 

Le principe :

Nous avons vu au chapitre de la physiologie que le couple n’est pas fertile tous les jours du cycle. C’est la femme qui donne les temps de la vie ; par son cycle elle entraîne le couple dans une alternance des jours fertiles et non fertiles.

Si la femme apprend à reconnaître ces périodes, le couple peut utiliser cette connaissance pour sa régulation des naissances. Il adapte sa sexualité au rythme de sa fertilité.

 

Les signes à observer :

 

1. le signe de la glaire cervicale :

Les sécrétions du col de l’utérus reflètent le taux des oestrogènes : on observe un bouchon muqueux lorsqu’il est bas et une glaire accueillante aux spermatozoïdes lorsqu’il est haut. Le bouchon muqueux reste au niveau du col, la glaire cervicale s’écoule à l’extérieur.

La femme peut donc observer la présence ou l’absence de glaire cervicale au niveau de ses organes génitaux externes. La glaire, en s’écoulant, procure une sensation d’humidité.

En période non fertile la femme ne voit pas la glaire et ne la sent pas.

En période fertile la femme observe de la glaire à l’extérieur et/ou a une sensation d’humidité

 

C’est l’observation de la glaire sentie et/ou vue qui indique à la femme son entrée en période fertile

 

2. le décalage de la température

 

La température basale est sensible à la progestérone ; en présence de cette dernière elle monte de 2 à 4 dixièmes de degrés.

La progestérone est présente après l’ovulation.

 

La présence d’un décalage de la température et sa stabilisation à un niveau haut affirme que l’ovulation a eu lieu et que la femme est entrée en période non fertile qui durera jusqu’aux règles suivantes.

 

Une courbe de température est d’ailleurs le premier examen que demande un médecin face à une difficulté de conception ; en effet il pourra ainsi diagnostiquer des éventuels troubles de l’ovulation.

 

L’interprétation de la courbe de température repose sur des règles très codifiées. Il est fortement conseillé de l’apprendre auprès d’une personne compétente ayant reçu une formation à cet effet.

 

L’observation de la glaire permet de repérer l’entrée en période fertile, celle du décalage de la température la fin de la période fertile.

 

3. l’auto palper du col de l’utérus

 

Le col de l’utérus est lui aussi sensible aux taux d’oestrogènes et de progestérone.

Sa consistance, son ouverture et sa hauteur varient en fonction des hormones sécrétées par l’ovaire.

En période fertile le col est haut mou et ouvert, en période non fertile il est bas dur et fermé.

Il est intéressant de noter que cette observation est connue de longue date par les femmes de certaines ethnies, où il est de coutume de pratiquer quotidiennement une toilette vaginale.

Le plus souvent, pour utiliser avec fiabilité les méthodes naturelles, il n’est pas nécessaire d’observer le signe du col. Cependant, dans certains cas il devient très utile pour mieux cerner l’entrée en période fertile lorsque l’observation de la glaire est plus délicate.

 

La température se prend le matin au réveil avant de se lever avec le même thermomètre et de la même manière.

L’observation de la glaire se fait au cours de la journée.

Le toucher du col est réalisé le soir

Les observations doivent être transcrites quotidiennement sur un graphique adapté (voir exemple)

 

L’apprentissage et le suivi:

 

A l’inverse de la contraception ou de la contragestion qui se prescrivent, les méthodes naturelles s’enseignent. En effet il s’agit d’accompagner une femme vers la connaissance des signes de fertilité pour que le couple puisse l’utiliser avec fiabilité pour sa régulation des naissances. En général un « suivi » de 3 à 4 cycles est suffisant avec autant de rencontres et quelques échanges téléphoniques.

La femme apprendra à repérer les jours fertiles et non fertiles de début de cycle, ;ensemble, avec son conjoint ils apprendront à interpréter le décalage de la température. La monitrice en méthodes naturelles leur enseignera les consignes à observer afin de répondre à leur projet en terme de régulation des naissances.

 

 

L’efficacité :

 

L’efficacité des méthodes naturelles, avec observation conjointe de la glaire et de la température, n’est plus à prouver ; nombreuses sont les études qui confirment (voir encadré) un taux entre 0 et 2 % de grossesses non planifiées lorsque les consignes sont correctement suivies.(1)

Le taux de grossesses non planifiées dépend de plusieurs éléments, dont la motivation du couple et la qualité de l’enseignement. On ne saurait trop insister sur la nécessité d’apprendre auprès d’une personne compétente.

Lorsque le couple a un peu d’expérience des méthodes naturelles et qu’il a saisi leur répercussion positive sur l’amour qui les unit, alors la motivation augmente. Lorsque le couple débute ces méthodes, il lui faut faire confiance pour ensuite en goûter les bénéfices. L’accompagnement par un moniteur est indispensable.

 

Evidemment la femme peut choisir de n’observer qu’un seul des 3 signes à sa disposition. Dans ce cas le taux de grossesses non planifiées va varier :

n   si elle choisit le signe de la température seule (le couple ayant des unions seulement en 3ième période du cycle, voir chapitre sur la physiologie), ce taux sera très proche de zéro, en effet la lecture de température telle qu’elle est enseignée par le CLER donne un taux qui range cette méthode parmi l les plus fiables.

n   si elle choisit le signe de la glaire cervicale, le couple se prive de la confirmation de l’ovulation ; il ne peut être informé de la présence de progestérone et donc de la période post-ovulatoire qui est toujours infertile. Ainsi la femme peut croire avoir ovulé après un épisode de glaire et en fait l’ovulation se fera plus tard pour une raison quelconque A ce moment le taux de grossesses non planifiées peut atteindre 5 % ou plus (2).

n   si elle choisit le signe du col, aucune étude à ce jour ne permet de connaître la fiabilité de ce signe utilisé seul.

 

 

Il est important de noter que la connaissance des signes de fertilité de la femme peut être utilisée pour aider la conception d’un enfant. En effet le signe de la glaire lui permettra de reconnaître les jours les plus fertiles du cycle et la température l’informera de la présence d’un corps jaune suffisamment long pour permettre l’implantation e l’embryon.

 

« L’utilisation de ces méthodes nécessite la coopération de l’homme et de la femme..(.........)

Cela demande un dialogue quotidien et profond des désirs sexuels différents de l’un ou de l’autre. Ce dialogue approfondi jour après jour augmente la confiance mutuelle de l’homme et de la femme qui assument ensemble la responsabilité de leur conduite. » Jean et Françoise MUTRICY , anciens présidents du CLER.


 


Annexe 6 : Les membres de la commission :

 

Membres de la commission inaugurale - 1963

R. P. Stanislas de Lestapis, SI, sociologue, Paris

Dr John Marshall, neurologue, Londres

R.P. Clément Mertens, SJI démographe, Eegenhoven, Belgique

R.P. Henri de Riedmatten, O.P., diplomate, Genève

Dr. Pierre von Rossum, médecin, Bruxelles

Prof. Jacques Mertens de Wilmars, économiste, Louvain

 

Membres supplémentaires nommés pour la deuxième session - 1964

Prof. Bernard Colombo, sociologue, Padoue

Prof. Thomas Burch, démographe, Washington

R.P. Josef Fuchs, SI, théologien, Rome

R.P. Bernhard Hâring, C.SS.R., théologien, Rome

P. Pierre de Locht, théologien, Bruxelles

R.P. Jan Visser, C.SS.R, théologien, Rome

R.P. Marcelino Zalba, SI, théologien, Rome

 

Membres supplémentaires nommés pour la troisième session - 1964

P. Tullo Goffi, curé, Brescia

Mgr Ferdinando Lambruschini, théologien, Rome

 

Membres supplémentaires nommés pour la quatrième session - 1965

P. Paul Anciaux, recteur de séminaire, Malines

P. Allons Auer, théologien, Wûrzbourg

Prof. Donald Barrett, sociologue, Notre Dame, Ind., USA

Dr. J. Bartolus, psychiâtre, Paris

Mgr Leo Binz, archevêque, St Paul, Minn., USA

Prof. Colin Clark, économiste, Oxford

Prof. Mercedes Concepcion, démographe, Manille

Mme Patricia Crowley, co-fondatrice, Christian Family Movement, Chicago

Mr Patrick Crowley, co-fondateur, Christian Family Movement, Chicago

P. Philippe Delhaye, théologien, Namur

Mr. Michel Dembélé, fonctionnaire gouvernemental, Dakar

Prof. Manuel Diegues, sociologue, Rio de Janeiro

Prof. Anthony Feanny, économiste, Kingston, Jamaïque

Dr. Jacques Ferin, gynécologue, Louvain

R.P. John Ford, SJ., théologien, Washington

Dr. Marcel Gaudefroy, gynécologue, Lille

Dr. Albert Gürres, psychologue, Francfort

Dr. André Hellegers, gynécologue, Baltimore

Mgr. George Kelly, administrateur diocésain, New-York

Mme J.F. Kulanday, fonctionnaire gouvernemental, New-Delhi

R.P. Michel Labourdette, O.P., Toulouse

P. Louis Lebret, sociologue, Paris

Mgr Georges Lemaitre, chercheur, Louvain

Dr. Juan Lopez-Ibor, psychiâtre, Madrid

Mgr Jean Margeot, administrateur diocésain, Ilelie Maurice

Prof. Armand Mattelart, sociologue, Santiago du Chili

Prof. André van Melsen, philosophe, Nimègue

Dr. Henri Moins, gynécologue, Tunis

Dr. Paul Moriguchi, psychiatre, Tokyo

R.P.. Giacomo Pires, SJ., Rome

Mme Colette Potin, représentant laïc, Ottawa

Dr. Laurent Potin, médecin, Ottawa

Mer Rémy Rembarra, administrateur diocésain, Tananarivo

Jules Razafimbahiny, diplomate indien, Londres

Dr. Charles Rendu, gynécologue, Paris

Mme Elisabeth Rendu, représentant laïc, Paris

Mgr Joseph Riuss, évêque de Mayence

Prof. John Ryan, démographe, Bangalore, Inde

P. John Sasaki, démographe, Kobé

R.P. Raymond Sigmond, O.P., sociologue, Rome

Prof. Marcel Thibault, zoologiste, Paris

P. Francisco Vito, recteur d'université, Milan

Cardinaux et évêques nommés en tant que membres officiels de la Commission pour la cinquième et dernière session - 1966

Mgr Carlo Colombo, théologien du pape, Rome

Mgr John Dearden, archevêque de Detroit

S. Em. Julius Dôpfner, archevêque de Munich Mgr Claude Dupuy, archevêque d'Albi

S. Em. Valerian Gracias, archevêque de Bombay

S. Em. John Heenan, archevêque de Westminster

S. Em. Joseph Lefebvre, archevêque de Bourges

Mgr Thomas Morris, archevêque de Tipperary

S. Em. Alfredo Ottaviani, préfet du Saint Office, Rome

S. Em. Lawrence Shehan, archevêque de Baltimore

S. Em. Leo Joseph Suenens, archevêque de Malines-Bruxelles Mgr José Rafael Pulido•Mendez, archevêque de Mérida, Vénézuela

Mgr Karol Wojtyla, archevêque de Cracovie (n'assista pas)

Mgr Jean Baptiste Zoa, archevêque de Yaoundé

(Mgr Binz et Mgr Reuss avaient été nommés à la Commission pour la quatrième session et continuèrent en tant que membres de ce groupe spécial)


Annexe 7 : Exemple d’information émanant du ministère de l’emploi et de la solidarité et mentionnant les méthodes naturelles

 

 

 

 




Annexe 8 : Bibliographie sur l’efficacité de la PFN :

 


Burger HG. Estradiol: the physiological basis of the fertile period. J Gynecol Obstet 1989

Cardone A, Guida M, Lampariello C, Bruno P, Montemagno U. Objective and subjective data for fertile period diagnosis in women: comparison of methods. Clin Exp Obst Gyn 1992;19(1):15-24.

 

Colombo B. An Update on methods of fertily control with particular reference to natural regulation. In : Colombo B, Kambic RT. Human fertility regulation demographic and statistical aspects. Verona : Edizioni Lireria Cortina Verona; 1999:19-30.

 

Ecochard R, Ecochard I, Dumeril B, Guibaud S, Leger A, Dumont M. Intérêt de l’auto-observation de la glaire cervicale dans la détermination de la période fertile. Contracept Fertil Sex 1984;12(3):475-8.

 

Ecochard R, Ecochard I. Auto-observation de la période fertile. La pratique médicale 1986;3:9-23.

 

Ecochard R, Pinguet F, Ecochard I, de Gouvello R, Guy M, Guy F. Analyse des échecs de la planification familiale naturelle. Contracept Fertil Sex 1998;2(4):291-6.

 

Ecochard R et al. Chronological aspects of ultrasonic, hormonal, and other indirect indices of ovulation. BrJ Obstet Gynaecol 2001;108:822-9.

 

Hatcher RA, Rinehart W, Blackburn R, Geller JS, Shelton JD. Méthode badées sur la connaissance de la fécondité, y compris la continence périodique. Eléments de la technologie de la contraception. Baltimore : Programme d’information sur la population, Ecole de Santé Publique, Université John Hopkins; 2000:14/1-14/18.

 

Kambic RT. The effectiveness of Natural Family Planning Methods for birth spacing: A comprehensive Review. In: Colombo B, Kambic RT. Human fertility regulation demographic and statistical aspects. Verona : Edizioni Lireria Cortina Verona; 1999:63-90.

 

Kippley JF, Kippley SK. The art of natural family planning. 4è ed. Cincinnati OH: Couple to Couple League International; 1998.

 

Lansac J, Lecomte P, Marret H. Contraception locale et méthodes naturelles. Gynécologie pour le praticien. 6è ed. Paris: Masson; 2002:431-55.

 

Schirporst LEM, Collins WP, Royston JP. An estrogen test to determine the time of the potential fertility in women. Fertil Steril 1985;44(3):328-34.

 

Trussel J, Grummer-Strawn L. Further analysis of contraceptive failure of the ovulation method. Am J Obstet Gynecol 1991;165:2054-9.

 

W.H.O. A prospective multicentre trial of the ovulation method of NFP. III Characteristics of the menstrual cycle and of the fertile phase. Fertil Steril 1983;40(6):773-8.

 

W.H.O. Temporal relationships between indices of the fertile period. Fertil Steril 1983;39(5):647-55.

 



[1] Méthodes de contraception agissant après la fécondation.

[2] Voir annexe 5

[3] Exemple : Décret n° 92-784 du 6 août 1992 relatif aux centres de planification  familiale

[4] Le Docteur François GUY de Grenoble a proposé cette distinction maintenant largement acceptée.

[5] Voir référence 4

[6] MAO : Méthode d’Auto Observation, terminologie proposée par le Docteur François Guy

[7] P.Araujo, Par le désir jusqu’à l’abandon , essai pastoral sur la régulation naturelle de la fécondité, un itinéraire vers un plus grand amour, Travail de synthèse, Institut d’études théologiques, Séminaire Saint Luc Aix en Provence, 1998

[8] Voir annexe 7

[9] Etude, menée en lien avec l’unité 265 de l’INSERM de Lyon:  R.Ecochard, F.Pinguet, I.Ecochard, R.de Gouvello, M.Guy, F.Guy, Analyse des échecs de la planification familiale naturelle, à propos de 7007 cycles d’utilisation, in Contraception fertilités sexualité, 1998, vol 25 n° 4 p.291

Voir également note 10 et 11

[10] Cette collecte a permis la rédaction du livre suivant:  B. Colombo, B.Kambic, Aspetti demografici e statistici della regulazione della fertilita umana, ed Liberia Cortina Verona, 1999

[11] Université Gemelli à Rome et Gorgetown à Washington

[12] Voir liste bibliographique en annexe 8

[13] Associations: CLER, AFC, Amour et Vérité, Billings France.

[14] Pr G. Freundl, “Prospective European multi-center study of NFP”, in Advances in contraception, 1993, 9, 269-283.

[15] Jean Vanier, Hommes et femmes Il les fit, Edition Fleurus, 1980

[16] K. Best,  Utilisation d’une méthode traditionnelle et la communication sont parfois liées, in  Network en français 2002, volume 21, n°24, p23

[17] ibid page 23

[18] Georges Eid, L’intimité ou la guerre des sexes, Edition l’Harmattan, 1999

[19] K. Best, Utilisation d’une méthode traditionnelle et la communication sont parfois liées, in Network en français 2002 volume 21 n°4, p23

 

[20] Elisabeth et Charles RENDU,L’Eglise nous a-t-elle trompés, Edition Xavier Mappus, 1970

[21] Alberoni, Le choc amoureux, Edition Ramsay 1995 p.15

[22] Edmonde Morin, La rouge différence, Edition du seuil, 1982, p.114

[23] Lemarchant, Belles filles, avec les beaux parents trouver la bonne distance, presses universitaires de Rennes, 1999, p.159

[24] Alberoni, Le choc amoureux, Edition Ramsay, 1985, p.20

[25] Alberoni, Je t‘aime, tout sur la passion amoureuse, Edition Plon, 1997, p.54

[26] François de Singly, Libres ensembles, Edition Nathan, 1948, p.46

[27] Edmonde Morin, La rouge différence, Edition du seuil, 1982, 131

 

[28] R.Ecochard, F.Pinguet, I.Ecochard,R.de Gouvello, M.Guy, F.Guy, Analyse des échecs de la planification familiale naturelle, à propos de 7007 cycles d’utilisation, in Contraception fertilités sexualité, 1998, vol 25 n° 4 p.291 : indice de Pearl 1.13%

[29]Dominique Folscheid, Sexe mécanique, Ed. Contretemps, 2001, p.16

[30] Voir annexe 1

[31] MacLaury, Rome et la contraception, Les éditions de l’atelier, 2000, 199 - 204, en annexe 3

[32] Humanae Vitae § 12, voir en annexe 1

[33]ibid p 8

[34]ibid p 9

[35] William H. Shannon, The lively debate : reponse to Humanae Vitae p57

[36] ibid p52

[37] ibid p54

[38] Voir annexe 6

[39] R.McClory, Rome et la contraception, Les éditions de l’atelier, 1998, p 138

[40] Humanae Vitae § 6

[41] ibid p200

[42] Humanae Vitae § 3

[43] Voir annexe 2

[44] Humanae Vitae § 8

[45] Catéchisme de l’Eglise Catholique, Edition Mame Plon, 1992, § 2368

[46] Jean Paul II, L’amour humain dans le plan divin, édition du cerf, p.52, 1985

[47] Humanae Vitae § 7

[48] Catéchisme de l’Eglise Catholique, Edition Mame Plon, 1992, § 1776

[49] Humanae Vitae § 10

[50] ibid p199

[51] ibid p 200

[52] Humanae Vitae § 11

[53] ibid p199

[54] Humanae Vitae § 11

[55] ibid 2000 p201

[56] G. de Broglie, «Autour d’un plaidoyer pour la contraception, Edition Saint Michel, 1969, n°143

[57] S.de Lestapis, « Régulation des naissances et anthropologies », in Fiches documentaires du CLER n°36 , p 46

[58] Xavier Lacroix, Le corps de l’esprit, Edition Puf , 1999

[59] Voir supra §  élargir les gestes de tendresse 

[60] S.de Lestapis, « Régulation des naissances et anthropologies », Fiches documentaires du CLER n°36 , p 50

[61] Ibid page 51

[62] Une étude conjointe avec la faculté de Düsseldorf et l’INSERM de Lyon auprès de 900 couples a montré entre autre que les couples qui choisissent d’utiliser les Méthodes Naturelles pour leur régulation des naissances ont au départ plus d’enfants que la moyenne générale, 52.1% ont 3 enfants ou plus par rapport à 15.9% dans la population générale ( René Ecochard, Enquête de fiabilité des MAO, résultats sous forme de tableaux commenté, Bulletin MAO, Centre de Liaison des Equipes de Recherche, tiré à part, octobre 1993)

[63] G Cottier, Défis éthiques, Editions Saint Augustin, 1996, page 155

[64] voir supra § Les couples utilisateurs sont satisfaits.

[65] id sup

[66] R.McClory, Rome et la contraception, Les éditions de l’atelier, 1998, page 71

[67] Humanae Vitae §21

[68] Jean Paul II, Familiaris Consortio §32

[69] E.Mounier, Le personnalisme, Edition Puf, 2001, page 21.

[70] E.Mounier, Le personnalisme, Edition Puf, 2001, page 20.

[71] Catéchisme de l’Eglise Catholique, § 1954

[72] Catéchisme de l’Eglise Catholique, § 1955

[73] G Cottier, Défis éthiques, Editions Saint Augustin, 1996, page 125

[74] Jean Paul II, L’amour humain dans le plan divin, Edition du Cerf, 1985, p.60

[75] D. Folscheid, Sexe mécanique, Edition Contretemps, 2001, p.26

[76] Témoignage recueilli à la consultation

[77] F.Jacob, prix nobel de médecine1965, à l’occasion du clonage de la brebis en 1997

[78] R.McClory, Rome et la contraception, Les éditions de l’atelier, 1998, page 200

[79] Humanae Vitae § 12

[80] Docteur et Madame Charles Rendu, L’Eglise nous a-t-elle trompés ?, Edition Mappus page 153

[81]D. Folscheid, Sexe mécanique, édition Contretemps, 2002, page 20

[82] Ibid page 7

[83] D. Folscheid, Sexe mécanique, édition Contretemps, 2002, page 26

[84] ibid page 37

[85] ibid page 48

[86] ibid page 54

[87] Jean Toulat, Contraception sans violence, édition Pygmalion, 1980, page 78

[88] Voir supra § « Instaurer une relation égalitaire »

[89] Henri Hoser, Les fondements anthropologiques de la Planification Familiale Naturelle, exposé à Cotonou, FAAF, 2001

[90] Ibid page 55

[91] ibid page 60

[92] ibid page 56

[93] Michèle Guy, La planification Familiale Naturelle, un service pour la famille, Congrès IEEF, 1994.

[94]Henri Hoser, Les fondements anthropologiques de la Planification Familiale Naturelle, exposé à Cotonou en Novembre 2001

[95] Voir supra § « Ne pas modifier sa physiologie »

[96] ibid page 54

[97] ibid page 54

[98] ibid page 56

[99] Jean Toulat, Contraception sans violence, Edition Pygmalion, 1980, p 78

[100] Michèle Guy, La planification Familiale Naturelle, un service pour la famille, Congrès IEEF, 1994.

[101] Ibid page 49

[102] Edmonde Morin, La rouge différence, édition du seuil, 1982, p.149

[103] voir supra § « la spontanéité »

[104] Témoignage recueilli en consultation

[105] Edmonde Morin, La rouge différence, édition du seuil, 1982, p.112

[106] Ibid page 49

[107] Michèle Guy, La planification Familiale Naturelle, un service pour la famille, Congrès FIDAF, 1994.

[108]Henri Hoser, Les fondements anthropologiques de la Planification Familiale Naturelle,Rencontre FAAF, 2001

[109] L.CAVAZZINA, L’acte générateur, entre naturalité et artificialité, Thèse de bioéthique, Université de Milan 2001. Traduit de l’italien par E.et C. Gonnet

[110] Voir annexe 4

[111] Familiaris consortio §32

[112] Personna, Bioself, Ladycomp, Cyclotest

[113] Littéralement « mettre un cailloux dans votre chaussure »

[114] Voir page 54 de ce document

[115] Georges WEIGEL Jean Paul II, témoin d’espérance, Editions Jean Claude Lattes, 1999, p.224